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Citation de PatriceG


Bounine s'est fait remarquer en Russie par la pureté et la correction de sa langue, quelque peu sèche, et surtout par ses excellentes traductions du Caïn de Byron et du Chant de Hyawata de Longfellow, ainsi que par ses poésies, discrètes et agréables, qui révélaient en lui un bon artiste-paysagiste. Parmi ses oeuvres en prose, ce n'est guère que le Village qui fit sensation dans le monde slave. Lorsqu' après la guerre du Japon, si malheureuse pour la Russie, on entendit les coups de tonnerre annonciateurs de la première révolution russe, par tout le pays déferla une vague de dévastation des propriétés. Dès ce moment, Bounine, de ses yeux clairvoyants, vit le revers de la médaille : le peuple ne lui apparut pas avec une auréole au front ni sous les traits d'un porte-Dieu, mais comme un être emporté dans une débauche d'anarchie révolutionnaire. De cette impression naquit le Village (1909)
Il ne faut chercher pourtant dans cette oeuvre ni tendances, ni indignation, ni enseignement, ni désir de convaincre : Bounine est avant tout un artiste, et son tableau du Village n'est pas le fruit d'une inquiétude, ni du désir de jeter l'alarme, mais la constatation impartiale de ce qu'il a vu et senti à cette époque de la vie du peuple russe. On se tromperait cependant beaucoup si l'on voulait établir les caractéristiques du peuple russe tout entier d'après le Village de Bounine ; c'est la même erreur que commettraient des étrangers qui jugeraient du caractère de tout le peuple français d'après le beau roman d'Alphonse de Chateaubriand La Brière, où l'on trouve une peinture de la grossièreté et même de la sauvagerie de la population de ce petit coin de France..
(De Hofmann et Kulmann)


Je mettrai un bémol sur cette comparaison avec Chateaubriand !
Oui l'option que prenait le peuple ne paraissait pas à Bounine de nature à calmer les esprits, manipulé qu'il était par des idéologues sans merci, écartelé, pris dans la nasse avec les ouvriers comme si cela avait quelque chose à voir, les problèmes étaient bien distincts, mais les révolutionnaires se chargeaient d'y voir unicité et place au soulèvement général et pour certains par la violence.

Et s'il fallait faire une parenthèse avec la France et écouter les sirènes de Romain Rolland, intellectuel en vue, grand guignol, démagogue, peuple du monde entier unissez-vous dans son appel à la révolte internationale, que fallait-il de plus pour entretenir l'illusion ?

La paysannerie russe représentait alors 85% de la population, les provinces étaient gagnées par la famine, depuis la libération du servage, certains s'enrichirent, d'autres étaient encore plus dans la misère. C'était de la brasse coulée ! C'est sur ce terreau que vont s'échafauder les plans les plus fous, les plus audacieux des révolutionnaires qui déjà étaient gagnés par des luttes fratricides, lavage de cerveau, intimidations, manipulations. Des révolutionnaires socialistes en appelaient à la violence seule capable de vaincre et de renverser le régime tsariste, dans le sang en quelque sorte. Ajoutez-y un peu d'Antéchrist et on avait tous les ingrédients pour un cocktail explosif.

La situation sociale, il est vrai était arrivée à un point insoutenable, presqu' à un point de non retour. Un embrasement potentiel gagnait les esprits. La situation 1905-1910 était quasiment insurrectionnelle. C'est dans ce chaos invraisemblable qui n'est pas sans rappeler dans une moindre mesure évidemment nos situations d'aujourd'hui en occident, mais ça chemine ..En langage trivial, c'est toujours facile de foutre le bordel qui généralement en finalité profite à la réaction.

Et nous arrivons à notre Ivan Bounine qui ne l'oublions pas tout de même était de famille propriétaire foncier. Nous sommes en 1909 avec son Village? C'est ainsi qu'il va dresser un portrait impitoyable de la paysannerie de l'époque qu'il connaît bien, avec une lucidité remarquable, mais jamais ne mettant de l'huile sur le feu dans un sens ou dans l'autre de l'échiquier politique.

Pour illustrer ou corroborer ces propos, pas mieux que de lire nos grands littéraires étonnants de vérité et de lucidité, avant que ne s'installent pour 3/4 de siècle les écrivains de la honte soviétique.

La Matinée d'un seigneur, Léon Tolstoï Editions Climats 1999, oeuvre écrite en 1852, avant la libération du servage.127 pages. Il avait peut-être la naïveté de son inexpérience, mais avait-il la naïveté de ses objections face à la misère paysanne ?

Le Village, Ivan Bounine Editions Bartillat 2011, oeuvre écrite en 1909, 268 pages

Bounine ou la lecture de son oeuvre prend tout son sens aujourd'hui, car il y en a marre de toutes ces idéologies pernicieuses et subversives.

Il a été couronné au Nobel littérature avant guerre dans un contexte très particulier. Il s'agissait de faire entendre une voix libre et de consacrer un auteur de premier plan qui vivait dans la dure condition de l'exil.
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