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Citations de Ivan Bounine (295)


Pour chaque beauté, il y a quelque part un oeil pour le voir.
Pour chaque vérité, il y a quelque part une oreille pour l'entendre.
Pour chaque amour, il y a quelque part un coeur pour le recevoir.

Ivan BOUNINE en 1915
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- Ecoutez, mais c'est de la folie, j'ai perdu la tête !
Mais elle arracha elle même son chapeau et le jeta sur le fauteuil. Ses cheveux aux reflets roux étaient relevés en chignon et retenus par un peigne droit en écaille, sa frange bouclait légèrement sur le front et dans son visage au hâle léger, ses yeux vides mais joyeux me regardaient. Je la déshabillai à la va-vite et elle s'empressa de m'aider. En un clin d'oeil je lui enlevai sa blouse de soie blanche et, tu comprends, ma vue se troubla tout simplement quand je découvris le rose de son corps, doré sur ses épaules brillantes, et la blancheur laiteuse de ses seins aux pointes dures et vermeilles que soulevait son corset, puis, lorsque je vis sortir de ses jupons tombés à terre, ses jolis petits pieds chaussés d'escarpins dorés et ses jambes dans des bas crèmes ajourés, avec ces larges pantalons de batiste, tu sais, fendus sur le côté, comme on en portait à cette époque. Ses yeux virèrent au noir et se firent plus grands encore, ses lèvres s'ouvrirent fébrilement... Je vois cela comme si je l'avais devant mes yeux ; il y avait en elle une ardeur folle...
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Dans la cabine il fait de plus en plus chaud. Je dors en tenue d'Adam. Ce frêle navire qui nous garde et nous transporte sur ces abîmes incommensurables n'arrête pas de tanguer et de rouler, par toutes les fenêtres et les portes souffle un vent d'une grande douceur, dans un coin bourdonne le ventilateur - et on a pourtant l'impression d'être aux bains russes...
Parfois, je me représente moi-même en train de dormir, étendu dans cette cabine, sans défense, dénué de pensée et de conscience, perdu dans l'océan. Comme c'est merveilleux et terrifiant, comme c'est bon ! Je dors, nous dormons tous, exceptés ces deux ou trois individus privés de sommeil, silencieux, immobiles, qui sont de quart et veillent sur nous là-bas, là-haut ; nous dormons, et la nuit, éternelle, immuable, est la même qu'il y a des milliers d'années ! La nuit, d'une beauté indicible, et je ne saurais dire pourquoi - essentielle - brille au-dessus de l'océan et conduit ses astres qui lancent des feux de pierres précieuses, tandis que le vent, véritable respiration divine de ce monde merveilleux et incompréhensible, entre par les fenêtres et les portes, entre dans nos âmes ouvertes avec confiance à cette nuit, et à toute la pureté céleste de ce souffle.
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Je me réveillais tôt et pendant qu'elle dormait encore, je me promenais dans les collines et les forêts épaisses jusqu'au moment du thé que nous prenions vers sept heures. Le soleil brûlant, radieux et pur était déjà haut. Une brume parfumée, qui brillait comme de l'azur, se glissait parmi les arbres puis se dissipait ; au-delà des sommets boisés étincelait la blancheur éternelle des montagnes enneigées... Au retour, je passais par le marché de notre village où la chaleur se mêlait à l'odeur du fumier séché qui s'échappait des cheminées ; on y commerçait ferme, on s'y bousculait au milieu des gens, des chevaux et des ânes : le matin, il y avait là des montagnards en grand nombre, venus de tribus différentes. Les jeunes Tcherkesses marchaient gracieusement dans leur longue robe noire et leurs sandales rouges. Elles avaient la tête prise dans des tissus noirs, comme pour le deuil, d'où s'échappaient parfois, furtivement, leur regard d'oiseau.
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Ainsi j'ai survécu à sa mort, après avoir dit hâtivement que cela me serait impossible. Mais au souvenir de tout ce que j'ai connu depuis, je me demande toujours : mais finalement qu'y a-t-il eu dans ma vie ? Et je me dis : rien d'autre que cette soirée froide d'automne. A-t-elle vraiment eu lieu ? Oui, tout de même. Et c'est la seule chose qui ait existé dans ma vie ; le reste n'est qu'un rêve inutile. Et je crois, je crois avec ferveur qu'il m'attend quelque part là-bas, avec le même amour, la même jeunesse que ce soir là. "Fais ta vie, sois heureuse sur la terre et viens me rejoindre...". J'ai vécu, j'ai eu du bonheur, et maintenant je ne serai plus longue à venir.

3 mai 1944
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Nous commençâmes nous aussi notre vie tropicale, faite d'oisiveté merveilleuse, de repos dans les fauteuils en rotin qu'on avait installés pour nous sur le pont ,dans une ombre transparente pleine de lumière. Nous étions allongés et regardions le vide lumineux du ciel étincelant, visible entre le bord du bateau et la tente, nous étions émerveillés par l'eau qui apparaissait à travers les grilles des rampes d'appui. C'était une pierre précieuse et translucide, un alliage de pierres fines vertes indescriptibles, dans la transparence desquelles ondoyaient des volutes d'un vert trouble. L'eau filait, se balançait, se hérissait par moments de hautes crêtes aiguës et bouillonnait avec un bruit puissant et enchanteur. Le cuisinier, originaire de quelque endroit des Pyrénées, travaille dans sa cuisine en chantant : il a une voix merveilleuse qui, parfois, monte très haut. Et sa chanson, avec une tristesse pleine de douceur, dit le bonheur de vivre, d'aimer, de rêver dans ce monde divin plein de lumière...
Après le dîner, nous sommes allés en haut dans la grande cabine du capitaine. Il nous a emmenés sur la passerelle, nous a montré le globe céleste, les nouvelles étoiles du Sud qui se découvrent à nous.
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Vive et soumise, elle enjamba tout le linge qui traînait par terre et resta nue, grise et mauve, avec ce corps si particulier aux femmes quand il est pris de frilosité nerveuse, qu'il se tend et devient frais sous l'effet de la chair de poule, et dans ses modestes bas gris, aux jarretelles toutes simples, et ses pauvres petites chaussures noires ; elle lui jeta un regard ivre et triomphant, les mains à ses cheveux pour en retirer les épingles. Glacé, il la suivait des yeux. Elle était mieux faite, plus jeune de corps qu'il n'avait pensé. La maigreur des côtes et des clavicules répondait à celle du visage et à la finesse des mollets. Mais les hanches étaient vraiment fortes. Dans le ventre légèrement creux, disparaissait un nombril minuscule, et plus bas, l'on retrouvait dans le relief soyeux d'un triangle noir la sombre richesse de ses cheveux. Quand elle eut retiré ses épingles, ils roulèrent en masse épaisse sur les vertèbres saillant dans le dos trop maigre. Elle perdait ses bas et, en se penchant pour les retenir, laissa voir deux petits seins transis aux pointes brunes et fripées qui pendaient comme deux petites poires chétives, adorables de pauvreté. Il la força à goûter à cette impudeur extrême qui allait si mal à son visage et qui éveillait en lui pitié et tendresse, et passion... On ne pouvait rien voir à travers les lames relevées du store, mais elle y jetait des coups d'oeil de terreur exultante, écoutant les voix tranquilles et les pas sur le pont juste sous la fenêtre, et cela augmentait avec encore plus de fureur les délices de sa débauche. Oh ! comme ils sont près ces gens qui parlent et qui marchent, et aucun d'eux n'a idée de ce qui se passe à deux pas dans cette cabine blanche.
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J'étais un symboliste, un mystique, un réaliste, un néoréaliste ... un naturaliste, et Dieu sait quoi encore. Les critiques m'ont collé tant d'étiquettes que je me sentais comme une valise qui avait fait le tour du globe.

Introduction, page 5.
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“Tout allait pour le mieux : j’étais reçu et j’avais trois longues semaines de liberté devant moi ! Cela aurait dû m’épouvanter : moi qui n’avais connu depuis ma naissance que la liberté la plus totale, je devenais soudain une sorte d’esclave que l’on relâchait pour trois semaines seulement de permission.”
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Non, je ne suis point moine, ma bure et ma calotte ne sont que les signes de l'humble pêcheur, serviteur de Dieu, errant de par les terres et les eaux, en route depuis maintenant plus de six dizaines d'années. J'ai mon origine dans une contrée lointaine, au nord. Là-bas la Russie est obscure, immémoriale, elle n'est que lacs, forêts et marécages, rares sont les habitations. Il y vit une multitude de bêtes sauvages, des oiseaux sans nombre, on y voit le grand duc aux larges aigrettes, te fixer de son oeil d'ambre, perché sur un sapin noir. Y vivent l'élan au long nez et le cerf magnifique qui se lamente et brame après sa compagne dans le bois qui résonne... Il neige tout au long des hivers sans fin, le loup y conduit sa migration et s'approche jusqu'en dessous des fenêtres. L'été, l'ours danse dans les forêts et se balance sur ses grosses pattes ; dans les fourrés impénétrables le sylvain siffle, il hèle le passant et joue sur sa flûte ; la nuit sur les lacs, les ondines font comme une brume blanche et elles s'allongent, nues, sur la berge pour tenter de l'acte de chair et de la fornication insatiable ; il est plus d'un malheureux qui ne s'adonne désormais qu'à cette seule fornication restant la nuit à leur côté, dormant le jour et se consumant dans les fièvres, sans plus de souci de la tâche quotidienne.. Il n'est rien sur la terre de plus puissant que la concupiscence, qu'il s'agisse de l'homme ou du reptile, du fauve ou de l'oiseau, mais elle est plus redoutable encore chez l'ours et le sylvain !
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Allons, allons, courons vite
Danser tous deux dans la cour ;
Quand je danse, moins j'hésite
À te dire mon amour...

"Une belle existence ", Capri 1911

(page 268).
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Savez-vous ce que disent les paysans ? «La mort, c'est comme le soleil, on ne la regarde pas en face...» Oui, il ne faut pas la regarder en face, sinon on ne peut plus vivre...
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Je suis né il y a un demi-siècle en Russie centrale, dans le domaine paternel.
Nous n’avons pas la notion de notre commencement ni de notre fin. Et je regrette que l'on m'ait dit à quelle date précise je vins au monde. Si je ne l'avais pas su, je n'aurais maintenant aucune idée de mon âge – d’autant plus que je n'éprouve point encore le poids des ans - et je ne souffrirais pas de penser que dans dix ou vingt ans il me faudra mourir. Si j’étais né sur une île déserte et si j’y avais passé ma vie, je n’aurais même pas soupçonné l’existence de la mort. « Quelle chance ! » suis-je tenté d’ajouter. Mais, qui sait ? Peut-être, au contraire, une grande malchance. Et d’ailleurs, est-il si sûr que je ne me serais douté de rien ? N’avons-nous pas dès la naissance le pressentiment de la mort ? Sans cette conscience de ma condition mortelle, aurais-je pu aimer la vie comme je l’ai aimée et l’aime encore ?

(Incipit)
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Sans aucun doute, ce fut précisément ce soir là que je pris conscience d'être russe et de vivre en Russie et non pas seulement à Kamenka, dans tel district ou dans tel canton, et je sentis soudain cette Russie, je sentis son passé et son présent, ses particularités sauvages, effrayantes et pourtant captivantes, je sentis le lien de sang qui m'unissait à elle....

page 84
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Un autre jour, comme nous prenions le thé sur la terrasse, il observa :

- On me reproche souvent (Tolstoï le premier) de m'attacher à des banalités, de ne pas concevoir des héros positifs, des révolutionnaires, des Alexandre de Macédoine ou à la rigueur des "hommes justes" comme chez Leskov ... Mais où voulez-vous que je les prenne ?
- Notre vie est provinciale, nos villes n'ont pas de rues pavées, les campagnes sont pauvres, le peuple est usé ... Dans notre jeunesse, nous gazouillons follement et puis vers la quarantaine, nous devenons de véritables vieillards obnubilés par la mort ... Vous parlez de héros !
- Vous dites que mes pièces vous font pleurer ... Et vous n'êtes pas le seul ... Pourtant ce n'est pas dans cet esprit que je les ai écrites, c'est la mise en scène d'Alexeiev qui les rend si tristes. Je voulais seulement être honnête avec les gens, leur dire : "Regardez-vous, regardez comme vous vivez mal, comme votre existence est ennuyeuse!" Il faut qu'ils le comprennent, et quand ils l'auront compris, ils changeront de vie, ils construiront forcément une vie meilleure... Je ne la verrai pas mais je sais qu'elle différera totalement de notre vie actuelle...
Tant que rien ne changera, je continuerai à répéter : "Regardez comme vous vivez mal et comme votre vie est ennuyeuse!". Il n'y a pas de quoi pleurer.

Se levant de sa chaise, il dit simplement : "Allons nous coucher...Il va y avoir de l'orage..."
Pendant l'orage, il cracha du sang.

Pages 83/84 - Année 1902
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Ivan Bounine
Le poète dispose du même droit inaliénable à être audacieux dans ses illustrations de l'amour et de ses héros, que celui dont ont disposé de tout temps pour cela, les peintres et les sculpteurs ; il n'y a que les infâmes qui arrivent à déceler de l'infamie dans ce qui est beau ou effrayant.
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Tout allait pour le mieux : j’étais reçu et j’avais trois longues semaines de liberté devant moi ! En fait, cette perspective aurait dû m’épouvanter : moi, qui n’avais connu depuis ma naissance que la liberté la plus totale, je devenais soudain une sorte d’esclave que l’on relâchait pour trois semaines seulement de permission. Mais je ne voyais qu’une seule chose : trois longues semaine, Dieu soit loué ! – Comme si ces trois semaines ne devaient jamais prendre fin.

(Livre I - Chapitre XIX)
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L'antique sagesse hindoue enseigne que l'homme doit passer dans sa vie par deux chemins, celui du Départ et celui du Retour.
Sur le premier, l'homme ne sent que sa "forme", son existence périssable et matérielle, son "moi" séparé du reste du monde ; il est restreint aux limites de sa personnalité qui ne porte en soi qu'une parcelle de la Vie Universelle ; il est mû par l'intérêt personnel ; puis cet intérêt s'étend non plus à lui-même, mais à la vie de sa famille, de sa tribu, de son peuple, et sa conscience se développe, il a honte du profit personnel, bien qu'il soit encore possédé par le désir de "s'emparer" (pour lui-même, pour sa famille, pour son peuple).

Sur le chemin du Retour, les frontières entre son égoïsme et ses aspirations altruistes s'effacent , le désir de "prendre" disparaît et à sa place se développe de plus en plus le désir de "rendre" ce qui a été pris à la nature, aux hommes, au monde. Ainsi commence l'existence spirituelle de l'homme dans la fusion de sa vie avec celle de l'Univers.
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- [...] Je veux bien que la jeunesse passe pour tout le monde, mais l'amour... c'est une autre affaire.
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Il la chercha à Guélendjik, à Gagry et à Sotchi. Le lendemain de son arrivée à Sotchi, il se baigna le matin dans la mer Noire, se rasa, mit du linge propre, revêtit une tunique d'un blanc immaculé, déjeuna à la terrasse de son hôtel, but une bouteille de champagne, sirota un café avec un doigt de chartreuse et pris le temps de fumer un cigare. Revenu dans sa chambre, il s'étendit sur le divan, pris ses deux révolvers et se tira une balle dans chaque tempe.
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Ivan Bounine (1870-1953) fut le premier russe à obtenir le prix Nobel de littérature en :

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