Je ne sais pas s’ils auraient été fiers de moi comme je suis fier d’eux. Nul renoncement n’entame leur vie semée d’échecs. Leur rage d’émancipation les porte au-delà d’eux-mêmes. Ma révolte à moi, bien faible révolte en vérité, se dresse contre l’oubli et le silence, contre l’ordre des choses, l’indifférence, la banalité. Ma recherche touche à son terme, leur vie aussi. Mais cette fin est aussi une délivrance, car ils sont ainsi rendus à leur jaillissement natif, à leur débordement: des êtres irréductiblement, démesurément faits pour la vie. Au moment de la séparation, je voudrais leur dire que je les aime, que je pense à eux souvent, que j’admire leur vie telle qu’il l’ont vécue, leur liberté telle qu’il l’ont brandie, que j’éprouve de la gratitude à leur égard parce que ma vie en France, dans un pays en paix, libre et riche, c’est à eux que je la dois-même s’ils ne voyaient peut-être pas les choses ainsi.