Jacques Arènes, co-directeur du département Sociétés humaines et responsabilité éducative... .
"Que nous dit de l?être humain le fait qu?il existe des familles et que la société soit une société de transmission notamment à travers le fait familial ??"
La sensibilité, considérée comme une émotion féminine, prend le dessus, bien souvent, sur des valeurs masculines traditionnellement prisées dans le monde.
Parmi les progrès sociaux notables au cours du XVIIIe siècle, le recul de l’illettrisme touche tous les milieux, mais de manière inégale. Ce sont avant tout les femmes qui en profitent. Elles sont de plus en plus nombreuses à savoir tenir une plume – les signatures des actes paroissiaux constituent un indicateur fiable de cette avancée, toutes classes confondues.
Même si nous sommes les principaux artisans de notre chemin de vie, l’influence de l’entourage pèse incontestablement. Continuer d’avoir confiance en soi quand personne ne vous soutient n’a rien d’évident. Pas plus que de l’acquérir quand on est issu d’une famille de grands anxieux.
Conquérir sa légitimité d’écrivain n’est pas toujours chose simple pour une femme. De nombreuses études récentes ont relevé l’essor des traités pédagogiques ou des romans dont l’auteur était une « autrice », pour reprendre un terme utilisé par la célèbre Françoise de Graffigny. Dans le monde anglo-saxon, une laitière polygraphe ou une poétesse noire, Ann Yearsley et Phyllis Wheatley, dont les textes sont publiés, fournissent des exceptions qui fascinent leurs contemporains et suscitent le débat.
Il n’en va pas de même pour nombre de jeunes femmes, violées par leurs patrons ou séduites par leurs compagnons de travail, abandonnées malgré de belles promesses. Leur vie se lit en filigrane au détour de tels documents, est reconstituée dans les plaidoyers des avocats. Elle s’entend, bouleversante, fixée par bribes sur des billets dictés aux écrivains publics, lorsque les analphabètes parmi elles sont contraintes d’abandonner leurs enfants.
À écouter mes patients, le principal obstacle à la réalisation personnelle est la peur de l’échec. L’individu sait que s’il rate, il va se trouver lamentable. Cette peur s’exprime généralement par des jugements négatifs – « je suis trop stupide pour y arriver » – ou par des prétextes fallacieux pour ne rien entreprendre – « inutile d’essayer, ce n’est pas mon truc.
Car notre monde a froid. Il a faim de toucher du doigt, de mettre en geste et en scène la solidarité profonde qui nous anime.
Si les relations sociales sont sans doute moins codées qu’autrefois, il est d’autant plus difficile de se sentir soutenu et relié. Pourtant la relation à l’autre fait partie du tissu de notre humanité. Mais nous ne la repérons plus, comme si nous mourrions de soif à côté d’une source…
Le tissu serré, et parfois étouffant, du lien social des siècles précédents a fait place à un maillage au mieux aéré et au pire déchiré. Pour tous, l’angoisse est présente de perdre le chemin de l’autre, de voir disparaître la conscience de « faire corps » dans la vie sociale.
Il n’est pas toujours aisé de s’investir dans l’écriture. Les périodes de solitude et les chambres individuelles sont rares. Les obligations diverses compromettent parfois le rendez-vous prévu d’une mémorialiste avec le crayon et le cahier.
« Il faut convenir, à notre gloire, qu’aujourd’hui toutes les femmes lisent, ou du moins qu’elles ont toutes un livre dans leur sac à parfiler, et ce livre n’est presque jamais un roman. »