De Jean- Baptiste Para
(..) Avec ses ressources propres, on dirait que Jacques Bibonne a fait sienne la leçon de Morandi: il s'établit sur le seuil où une certaine monotonie donne accès à de muets enchantements. Ses toiles s'embrasent d'un seul regard,elles n'invitent pas l'âme à de somnolentes rêveries mais l'attirent plutôt vers la frugale fraîcheur d'un éveil.C'est un monde clair et grave qui s'offre à nous,une peinture aussi loyale dans ses évidences qu'elle est probe dans ses secrets, et toujours proche de la mélancolie qui guette nos méditations. (p.44)
Jacques Réda
Chaque fois qu'il s'est agi pour moi d'écrire sur la peinture,je me suis heurté à une insurmontable difficulté. Peut-être parce que même quand on place,comme à l'ordinaire, le texte en dessous ou bien à côté du tableau, on conserve la vague impression d'avoir commis un acte de vandalisme. Et je me demande si les peintres, jusqu'à un certain point,ne doivent pas vaincre parfois le même genre d'empêchement quand ils attaquent à la brosse une toile vierge.Voilà un espace où il n'y avait rien et où ils ont décidé de faire surgir quelque chose.(p.9)
De Jacques Réda
Mais Bibonne ne peint pas Montmartre.Il y vit,à un endroit que je ne dénoncerais pas sous la torture (...) et qui paraît en fait mal accroché au bas de la butte,ne s'y maintenir qu'en se cramponnent en soi.(...)
(...) J'y perds la trace de Bibonne,sous l'oeil indifférent de toute une grise population de moulages et de sculptures dispersés parmi des arbustes et des buissons où l'hiver songe.On fait craquer le gravier.(..)
Qu'est-ce qui ne l'intéresse pas ? Je me souviens que son chalet n'est pas seulement bourré de livres,et de tableaux de tous formats, mais aussi de 7216 objets dont pas un n'est quelconque.Il les a ramassés par terre,sauvés des vagues ou du feu,découverts dans des ruines ou reçu de la main du facteur.Leur réunion composé son journal et son autobiographie, dans un désordre qui n'est certainement qu'apparent.C'est une arche de Noé où, à une certaine époque, je sais qu'ont aussi figuré des représentants animaux. (...)Au contraire,dans sa peinture,je trouve un désencombrement.(p.11)
De Ludovic Janvier
(A propos des toiles de Jacques Bibonne)
Ni pathos ni acrobatie,plutôt méditation.
Comme si regarder découpait une fenêtre dans l'instant pour y refaire la vision et la porter jusqu'au poème : les prés donnent leur musique,un papier froissé figure un pays,l' huître ouvre sur un monde,telle draperie arrange une pensée, un vol d'oiseaux fait trembler l'espace, etc.,puisque,la figure humaine une fois défalquée,tout est paysage en voie d'épiphanie. (p.31)
Regard de Francois Lallier sur les œuvres de J.Bibonne
(...)Sans objet? Mais il arrive aussi que le peintre réduise à son tour cet espace,l'amenuise pour en faire le lieu où il recueille, dirait-on,de menues trouvailles, faites en chemin et au hasard,cailloux,ossements,nids d'oiseaux,fragments de serrures,clous sur un morceau de bois,dont il dépose avec scrupule sur un fond gris ou noir la forme qui est déjà une ombre,la matière déjà revenue au rien dont répondent quelques couleurs,un peu de lumière. (p.21)
De Jean-Baptiste Para
Abrégé du paysage
Joubert déclarait aimer les pensées dont on peut dire : " Il y a du repos dans cette pensée ".Pareillement, les toiles de Jacques Bibonne offrent à l'oeil le spectacle d'un silence,d'une accalmie.Elles refusent l'ostentation, les stridences trop vives,préférant la clarté sourde et la lumière lente qui versent à l'esprit une paix décanté.(p.41)
De Jean-Baptiste Para
Il règne chez Bibonne une sobriété digne des jardins de sable et de pierre japonais.(p.43)