C’est par le recueil Lieux épars (publié en 2008) que j’aborde l’œuvre poétique de Jacques Izoard, œuvre remarquable débutée par l’édition de Ce manteau de pauvreté, c’était en... 1962.
Tous les textes de Lieux épars sont de forme courte, composés pour la plupart de cinq ou six vers, répartis dans plusieurs chapitres. Ce sont des poèmes qui peuvent paraître dans une première lecture étranges, assez déconcertants sur le sens. Ils allient tous une description minutieuse, attentive d’une réalité quotidienne, familière mais aussi des interrogations d’un esprit et d’un corps comme confrontés l’un à l’autre.
" Ne me tire pas de l’eau, oiseau.
Ne me cloue pas le bec, bavard.
Ne me crève pas les yeux, sorcier.
Ne m’oublie plus jamais, ami.
Ne coupe les roses que roses.
Ne fais l’enfant que pour aimer."
En filigrane, on sent chez Jacques Izoard une constante mise en évidence de l’acte même d’écrire qui va jusqu’à la réception du poème, comme un va-et-vient entre l’origine, le processus de création et le regard, le ressenti porté sur le poème fini.
L’écriture du poète belge se fait tantôt incisive, douce, sentimentale, charnelle mais elle s’impose toujours dans un élan de liberté et de bienveillance. Il n’y a rien dans son écriture de la pose poétique, de l’affectation, de la convenance.
La passion des mots, le jeu avec les sonorités, une teinte de surréalisme agrémentée d’ironie et de discrétion, de simplicité, la poésie de Jacques Izoard est un peu tout cela.
" L’enfance est loin de l’enfance
et l’on a beau courir, sauter,
toute ombre est passagère !
Avec les noix, les baies, les herbes
et ce ruisseau très froid
qui me prend les mains…".**
(*) extrait de « N’importe quoi » - p.133
(**) extrait de « Enfance » - p.67
Commenter  J’apprécie         170
Reçu dans le cadre masse critique
Merci à la maison d'édition pour la grande qualité de leur envoi.
Je ne suis pas belge, je ne connais pas Liège et peut être est une chance...
Un poète peut il parler d'une ville, la sienne ? Je dirai que oui.
Peut il donner aux autres sa vision de sa ville ? Il me semble que oui.
L'écriture n'est pas forcement toujours facile mais elle est, sans conteste , parfaitement maîtrisée.
Après c'est un question de gout, j'ai lu la plus part des passages à voix haute et j'ai aimé la sonorité de ce que j'ai entendu.
Je vais mettre quelques citations pour partager. En même temps, en le faisant je me suis rendu compte à quel point citer un extrait avait peu de sens... Mais j'ai quand fait quelques petits "prélèvements " pour, peut être, donner envie à d'autres de découvrir une œuvre particulière mais aux sonorités sincères.
J'ai aimé, donc je recommande...
Commenter  J’apprécie         130
Dans l'"Axe de l'œil" du poète il y a les perspectives des dessins en noir et blanc du peintre.
Jacques Izoard le poète belge et Martin Vaughn-James le peintre britannique se sont rencontrés dans les années 1980 quand ils participaient à la revue belge 25 ou M25. Ils ont publié ce livre pour la première fois en 1982 aux éditions Atelier de l’agneau qui vient de le rééditer dans la collection "Archives" en fac-similé de l’édition d’origine.
Ce recueil à une particularité : ce sont les textes qui illustrent les dessins et non l'inverse. Il est composé de six dessins, six textes courts et six petits poèmes.
Ce sont des dessins dans lesquels il y a beaucoup de mystère mais le poète a une grande imagination pour décrire ce qu'il voit.
Personnellement, j’ai vu un enfermement, une sorte de huis clos. Les dessins présentent toujours un intérieur avec des objets du quotidien comme un fauteuil ou une baignoire et des ouvertures vers l'extérieur fermé, porte ou fenêtre avec des stores ou des rideaux. On trouve aussi sur chaque planche un chien et un personnage unique dont l'image est morcelée.
Je dois dire que la lecture des textes n’est pas aisée d’autant plus qu’ils ne font pas toujours face aux dessins et j’ai parfois été obligée de tourner la page entre le recto et le verso pour comprendre ce qui est écrit.
Il est évident que le lecteur ne voit pas la même chose que l’auteur et la proposition de Jacques Izoard ne m’a pas entièrement convaincue.
Pour autant, l’expérience du regard qui suit la perspective dessinée ne manque pas d’intérêt.
Je remercie vivement les éditions Atelier de l'Agneau et babelio pour ce livre offert dans le cadre d'une opération Masse Critique.
Challenge Riquiqui 2023
Challenge ABC 2022-2023
Challenge Multi-défis 2023
Challenge XXème siècle 2023
Commenter  J’apprécie         120
Il y a ce que l'oeil voit et ce qu'il ne voit pas. Le dessinateur montre ce qu'il veut et laisse à deviner : des objets tronqués, des corps qui se cachent, le blanc et le noir. Le poète note ces dessins comme des pièces à conviction. Tout est dans le cadre choisi pour le dessin, inutile de chercher ailleurs. L'axe de l'oeil lui-même est un scalpel et les mots qu'il énonce donnent un poème où on se déplace comme dans un dessin.
On frôle chaque objet avec précaution, on ose un oeil à travers les persiennes, on se méfie du vide comme de l'ombre ou de la trop grande lumière.
Le jeu croisé du poème et du dessin peut sembler vain si on cherche un sens ou une fin que les mots pourraient caler sur une histoire dessinée. Si on se laisse prendre au fil des mots tissés sur le trait du dessin, rebondir sur eux comme sur une toile souple, l'exercice réussi marie les sens et l'esprit.
Commenter  J’apprécie         40
un poète rare qui cherche par l'écriture à rassembler les éclats épars du monde
Commenter  J’apprécie         40
J'ai découvert ce livre dans le cadre de la masse critique organisée ce mois ci.
J'ai été attirée par la démarche artistique de Jacques Izoard qui construit un récit à partir de tableaux de l'artiste Martin Vaughn-James.
Les illustrations sont en noir et blanc. Le texte est très poétique. Je n'ai pas tout saisi du texte, peut être parce que je connais pas l'univers de l'auteur pour le moment.
Sa conclusion ne m'a pas plu du tout mais c'est personnel et celà n'a pas de rapport avec les qualités de l'auteur.
Je vais donc maintenant m'intéresser de plus près à ces artistes.
Commenter  J’apprécie         20
Masse critique : je ne sais si je peux, mais j'ai ajouté des explications de la fondation de l'auteur.
Izoard Jacques (il s'appelait Jacques Delmotte et Izoard est le nom d'un col Alpinà
Langue de liège aveugle
Je ne dirais pas que c’est vraiment un livre, un fascicule reprenant des extraits de plusieurs œuvres du poète écrivain, soit en prose, soit en vers. J’ai tardé un peu car, bien que liégeoises, je ne connaissais pas du tout. Quand j’ai trouvé son vrai nom, Jacques Delmotte, là j’ai mieux compris.
Il est né à Sainte Marguerite (un quartier liégeois bien connu) et y est décédé.
Il existe une fondation à son nom ; il a été professeur de longues années à Liège.
Son écriture, dans les extraits présents n’est pour moi pas très facile, bien qu’il y parle d’endroit bien connu de chez moi, il est très hermétique, et la lecture j’ai dû la refaire deux fois pour bien saisir le tout. Je me suis adressée à la fondation, mais n’ai pas encore de réponse. J’ai aussi interrogé un autre qui pense comme moi, pas spécialement accessible. J’ai demandé si je pouvais prendre une photo ou l’autre, pas de réponse. Il est difficile pour les non liégeois, en lisant, ces extraits de bien les situés si on ne les connait pas.
Pour ma part d’autres auteurs liégeois (et je suis très chauvine pour ma région) sont pour moi bien plus accessibles.
Sur le site culture Université de Liège : ( je me suis permise de copier ce qui suit sans quoi j’étais bien incapable d’écrire quelque chose qui pouvait vous faire comprendre qui il était)»
Dans la maison qu'habitait Jacques Izoard, rue Chevaufosse, où tant de réunions de poètes se sont tenues, où tant d'amis sont passés si souvent, se trouve encore sa très importante bibliothèque d'ouvrages et de revues. La fondation «Maison Jacques Izoard», créée à l'initiative de Jean-Paul Brilmaker, se donne pour objectif la conservation du lieu et de son précieux contenu, mais aussi la poursuite de l'action du poète dans le domaine de la promotion de la poésie et de l'écriture.
Que le poème accueille le paysage d’aujourd’hui, d’où qu’il soit, dans sa diversité, dans son chatoiement, dans sa pauvreté, dans sa simplicité, là où des hommes vivent, là où les hommes sont absents ou sont rares. Et lui restitue son intégrité native. Le poète est celui qui ouvre les yeux.
C’est par ces mots que se termine le petit texte, en prose, Petites merveilles, poings levés, lu par Jacques Izoard, en septembre 1979 au Festival européen de poésie, à Louvain.
L’idée de poursuivre cette œuvre d’externalisation de l’art littéraire, d’en faire une plante essaimant au jardin plutôt qu’une belle fleur coupée séchant derrière un double vitrage, naquit bien avant ce jour de juillet 2008 où nous piétinions, déconfits, le seuil de sa maison.
L’œuvre littéraire, et particulièrement poétique, ne sort pas, tout armée, de la cervelle de Zeus. Elle naît dans les bars, les manifestations, là où les gens parlent, s’embrassent ou se frappent. L’artiste dépend de l’émotion des autres, qu’il extrait d’eux, l’essuie et la fait crier, comme le ferait une sage-femme.
Grâce à Maria Beuken, sa compagne singulière dans l’immeuble de Chevaufosse, nous pouvons revivre ces performances-barbecue où Jacques exultait, comme Bacchus sur sa terrasse, heureux de voir et d’entendre ces jeunes gens porteurs des mots qui ouvrent ou font pleurer. …..
Izoard a écrit : « Sont sœurs l’écriture et la foudre. » Le poème d’Izoard est une pile où se conserve vive et se transmet au lecteur la foudre de la perception, l’éclair de l’instant où l’expérience a rapproché ou entrechoqué les objets de la réalité. Toute la magie d’Izoard est de rendre douce cette intense violence. Poésie de conciliation des choses, elle accumule les concentricités, les inclusions, les fusions, les ponts et les sauts :
Dans la maison je vis,
nous vivons tous la même
vie, sans bras, sans jambes.
La maison vit dans la maison.
Mais on dort quand même.
La maison à deux étages
abrite une famille de quatre.
On y trouve des arêtes, des noix,
des peignes, des aiguilles,
des boules de laine, des dents,
des massacres d’enfants.
(La Patrie empaillée, 1973)
Izoard n’a jamais assigné à la poésie la fonction de révéler un au-delà des choses ou de l’être, une réalité idéale qu’elle tendrait et échouerait toujours à atteindre et à dire. Nulle transcendance chez lui, spirituelle ou même purement poétique.
Sa poétique du mot et de l’objet était bien davantage matérialiste. Certes nourrie de surréalisme, d’automatisme, de mots en liberté, elle est au moins autant du côté d’un Guillevic, voire du parti des choses d’un Francis Ponge. Chez Izoard, le monde est littéralement à portée de la main et du langage ; sa poésie fait ce qu’elle dit : elle ne promet rien, elle n’a d’autre message qu’une ouverture sensuelle sur le réel.
Commenter  J’apprécie         11