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Citation de Alzie


Lorsqu'un éditeur me confia la direction d'une collection sur la nature, mon premier soin fut de rééditer un ouvrage introuvable qui avait fait le bonheur de mon adolescence : Pourquoi les oiseaux chantent, de Jacques Delamain. Soucieux d'ajouter à l'ouvrage un texte inédit ou oublié, je publiais donc à sa suite des extraits du journal tenu par l'auteur pendant la Première Guerre mondiale et notamment les pages consacrées à Verdun.
Lecture surprenante, stupéfiante : au coeur du plus infernal des vacarmes et de la plus affreuse des tueries, au milieu du bruit des obus et de l'éclatement des bombes, l'auteur n'avait qu'un souci en tête : écouter et identifier le chant des oiseaux ! Car les oiseaux, ceux du moins qui se trouvaient survivre, continuaient de chanter imperturbablement entre deux attaques de bombes ! On trouve ainsi dans ce journal des remarques comme celles-ci : "Un obus vient d'éclater à quelques mètres de notre tranchée. La terre et la boue ont à peine fini de retomber qu'une mésange charbonnière entonne un chant d'amour de quelque invisible buisson."
Les amis à qui je montrai le livre à l'époque eurent des réactions inattendues et très significatives. Les uns - un petit nombre - trouvèrent indécent ou au moins déplacé de s'occuper d'oiseaux alors que les hommes mouraient autour de vous comme des mouches. D'autres - plus nombreux - s'émerveillèrent au contraire de cette capacité d'attention à la vie au coeur même de la mort.
J'ai souvent repensé à ce livre et à ses anecdotes sur la guerre et les oiseaux, à l'enseignement implicite, inconscient même, qu'il nous donne : ne jamais abdiquer, surtout quand se déchaînent les haines, les guerres et les horreurs en tous genres, ne jamais abdiquer le goût et le désir du monde, même s'ils s'expriment sous des formes futiles en apparence. Mais les renforcer et prendre appui sur eux au coeur de la tourmente. Au sein de la pire détresse, ne renoncez jamais au chant d'un seul oiseau. Ce serait renoncer à vous-même. Notre monde regorge de technocrates et de politologues. Mais c'est d'ornithologues dont nous avons besoin. Ne peut-on rêver à un monde, une Europe où ils seraient rois ?

Quand les oiseaux chantent, p. 207-208
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