Le ciel a baissé ses rideaux de fer
Monde en habit de défaite
Tu te heurtes à l'infranchissable
mais où veux-tu aller?
Plus forte que tout
l'obsession du voyage demeure
avec son escorte d'arbres en pleurs
Traverser la brume
retrouver les rais du soleil
Derrière les volets clos
ce bourdonnement d'insecte
voué à la lumière
Ne regarde pas en arrière
Ne reviens pas sur tes traces
Le destin de ce qui fut
est gravé dans la lumière
qui brille devant toi
Il en est du passé
comme d'une brassée de fleurs
dont ne demeure que le parfum
ou de ces allées forestières
qui conduisent aux clairières
sur un tapis de feuilles mortes
De la source à l'embouchure
les eaux du fleuve se renouvellent
Ce qui fut n'est que poussière
dansante sous le soleil
( revue Arpa n° 114)
Va au plus simple…
Va au plus simple
au plus léger
avec des mots nus
sans habits de fête
Des mots de source
de brise de poussière
Énonce seulement
cela qui brille encore
au fond de la rivière
où tant d'eau est passée
Une perle scintille
dans la boue du lisier
Les fleurs renaissent au bord du chemin
Ne garde que la lumière
Tout était là…
Tout était là ‒ tu ne le savais pas :
le chant le murmure le silence
le ressac de la joie après la douleur
la parole rampante sous le vacarme
La vie frappait aux portes de ta clôture
Pourquoi n'ouvrais-tu pas ?
Tu pensais : demain je sortirai
‒ je découvrirai le chemin des rivières
Je parlerai au vent aux hommes aux oiseaux
Demain n'existe pas
Pour qui dialogue avec les ombres
Ne dis pas
Ne dis pas : il n’y a rien
Ne dis pas : il y a quelque chose
Les mots de feu ou de glace
font et détruisent les empires
Tout n’est que passage
entre semailles et moissons
amour qui féconde grêle de l’oubli
Du rien au tout — temps d’un soupir —
ce qui demeure quand l’ombre s’efface
devant la lumière qui hésite
Né du cri le souffle se perd dans
le silence — sans livrer son secret
Vagabond chargé d’orties
Vagabond chargé d’orties
Lazare ébloui
tu chancelles à l’orée du jour
Le soleil monte à la crête
des arbres
Redresse-toi
dans cette lumière
qui excède ton attente
Frotte tes lèvres d’herbe
de vent de rosée
Sous le ciel enflammé
ravive tes braises
Tout s’ouvre commence
Tout poème se doit
Tout poème se doit
d’arracher la parole
au silence
pour la rendre
au silence
3 juin 2017…
3 juin 2017 – L'illusion de penser qu'en écrivant j'agrippe et retiens le temps, tout en sachant que la première vague qui suivra mon départ emportera ces pages auxquelles j'attache naïvement un peu d'importance. Sentiment dérisoire d'exister le temps d'un grain de poussière soulevé par le vent. Besoin de laisser une trace, si fragile soit-elle, de mon passage sur la terre. Nous sommes, jusqu'à la fin, des enfants qui jouent très sérieusement à échafauder avec leurs cubes des tourelles, aussitôt écroulées.
J'écris encore. Ah ! si je pouvais inscrire dans la durée le chant de ce rossignol qui vient de chanter ou cet éclat de lumière qui illumine la branche d'un noisetier à ma fenêtre. Comment suspendre le cours des apparences flottantes ? Il faut que les châteaux de sable s'écroulent à chaque marée, pour mieux les reconstruire, afin de défier la mort jusqu'à la fin. Mais ensuite ? L'illusion est de croire que la dernière épave poursuivra sa route vers une rencontre improbable, bien après moi, dans un univers sans finitude.
De tout ce savoir, nous ne gardons rien, tant le désir de survivre est ancré en nous, tant le déni de la mort est puissant. Nous sommes adossés à la plus haute vague qui nous submerge et nous bouscule, mais qui n'est pas encore la dernière et, déjà, nous guettons du coin de l'œil le rouleau qui enfle et approche, qu'il va falloir aborder en rusant, avant de défier le suivant qui déjà gonfle au loin. Vivre c’est cela : plonger et renaître de la houle qui nous saisit, se jour de nous et nous emporte (...)
Les mots sont pierres
Les mots sont pierres
qui roulent
Dans la nuit entravée
le rossignol s’apprête
à chanter
Pourquoi l'oiseau?
Pour son surgissement
son effacement
Du vide au plein
ses battements d'ailes
Son destin
De l'ombre à l'azur
Son cri
qui avive le silence
L'appel
qu'il emporte
La blessure de l'air
(" Revue Arpa")