Jacques Sirgent

Un groupe de neuf personnes, hommes et femmes, vêtues de manteaux et capes noirs est entré dans le cimetière du Père-Lachaise à l'heure d'ouverture.
.........Ils forcent le pas et détournent leur regard de la famille Noël située tout près de la famille Lacroix, placée elle à côté de la famille Labbé qui est à trois caveaux de la famille Levêque située en face de la famille Pellerin, qui elle, a le privilège d'être située près de la famille Chanoine.
C'en est trop. Ils se mettent à courir quand ils aperçoivent le caveau Bedeau.
.........Ils rêvent un court moment devant la famille Demoncouteau dressée en face des époux Demassacré. Ils ont suffisamment d'imagination, de poésie dans l'âme et le coeur pour être un tant soit peu troublés devant le sublime caveau de la famille Dufeu de la Folie s'immisçant entre les corps des membres des familles Lachair et Tryste. Par contre, ils sourient de pitié, je crois même voir un rictus sur leur visage, devant les caveaux des familles Jeanty et Courtois.
.........Ils restent perplexes devant le mystère de l'orthographe des caveaux Reveilhac et Berthélémy.
.........Le caveau de la famille Laclef semble ouvrir celui de la famille Laporte. La famille Seringe semble vouloir ramener à la vie celles ou ceux qui sont enterrés dans le caveau Lacure.
.........Mais ils ne se découragent pas, bien que presque encerclés par les sépultures des familles Leprêtre, Deséglises, et Delevêque.

Tristement incompris - et c'est dommage - , le vampire n'est pas ce que l'on croit ou plutôt, est tellement plus que ce que l'on croit; il recouvre et concerne la sociologie, l'ethnologie, la psychologie, l'histoire des religions... et tous les arts.

Gilbert Prouteau avait réalisé en 1969 un superbe documentaire, encensé par la critique, intitulé Dieu a choisi Paris. Si c'était vrai, il ne serait pas contradictoire d'affirmer que le diable y a probablement ses entrées aussi.

Même pas un bourg à ses débuts, peuplé essentiellement de chasseurs itinérants mais pas encore de créatures fantasmagoriques.

A une époque où, par la voix obsédante et lancinante de ces Pères, l'Eglise Chaotique cherchait par tous les moyens à enfoncer certaines croyances dans le gosier de ses fidèles et à extirper de leur âme toutes les croyances au surnaturel, il paraît admirable que certaines légendes soient parvenues jusqu'à nous...

Les hommes faisaient mine de mépriser les femmes mais commençaient à en avoir vraiment peur !... Une peur que partageait peut-être Bram Stoker, pris entre 2 feux : une mère omniprésente par la force des choses et sa femme, si belle, mais qui semblait petit à petit lui échapper et se réfugier dans un paradis artificiel faute d’en trouver un entre les bras de son mari ou au sein d’une société où la femme n’avait pas encore la place qui lui revenait. […] Le danger paraissait réel pour les hommes tenants d’une femme soumise et cantonnée dans un double rôle de mère et d’épouse. Les femmes n’avaient-elles pas obtenu le droit de vote dans les élections locales en 1865, seulement 5 ans après avoir commencé à l’exiger ?

Melle Clémence de la Faille, au moment de quitter son fiancé, lui aurait murmuré à l'oreille qu'un baiser de son futur mari suffirait à la ramener à la vie, si jamais elle disparaissait avant lui.

"La passion cherche sa proie, la luxure la trouve"

Ne dit-on pas que la force du Diable est de faire croire au monde qu'il n'existe pas ? La puissance des vampires ne résiderait-elle pas dans le fait que personne au monde n'est capable, et peut-être, ne souhaite véritablement prouver... qu'ils n'existent pas ?