Le reste de la semaine défila dans le flou le plus total. Au lycée, on ne parlait que de l’incident et de l’intervention de Jasper. Celui-ci s’était appliqué à fusiller Kyle et Dimitri du regard chaque fois qu’il les apercevait. Il éprouvait une certaine satisfaction à les voir baisser les yeux, pleins de culpabilité.
Les rumeurs du diagnostic concernant la cécité de Sam s’étaient répandues comme une traînée de poudre et tout le monde en semblait affecté.
Il ne jouerait plus au basket, moins un point dans la popularité. Il perdrait sûrement son enthousiasme communicatif. Moins deux points. Alors il n’en valait déjà plus la peine pour certains. Ils ne tenaient pas à s’encombrer d’un aveugle.
— Qu’est-ce que tu m’as dit ? Je veux te l’entendre dire, là, maintenant.
— Je t’ai dit « À six ans, on pense à peine par soi-même ».
— À moins que tu te sentes supérieur au point de croire qu’à sept ans, tu étais plus maître de toi-même que je ne l’étais, cette remarque s’applique à toi. Je sais qu’elle n’apaise pas la culpabilité, mais elle te montre au moins ce que je pense de tout ça. Et ce que je pense, c’est que ce que tu as fait pour te sauver à sept ans était une preuve de ta volonté de vivre, rien d’autre. La manière dont tu t’es construit après est remarquable. Et c’est sans doute horrible ce que je vais dire, mais je n’aimerais pas que tu sois autrement, parce que ces blessures font partie de toi. Et Jasper… Crois-moi, elles ont fait de toi quelqu’un d’incroyable. Tes cicatrices sont magnifiques, aussi douloureuses soient-elles…
En bref, la plasticité est la capacité du cerveau à traiter différemment les informations selon le problème qui l’empêche de le faire de manière habituelle. C’est le cas lors d’un souci neuronal où le cerveau s’organise autrement pour s’adapter au mieux à la nouvelle situation ou encore lorsqu’il doit assimiler de nouvelles aptitudes. En bref, si tu veux voir à nouveau, rien n’est impossible. Mais il va falloir travailler et y croire.
Ta colère, tu en parles comme de quelque chose de profondément mauvais. Mais la colère c'est flamboyant, évacue-la correctement, utilise-la à bon escient et elle ne te brûlera pas de l'intérieur. Elle te donnera juste la rage nécessaire pour faire ce que tu veux.
Si j'aide telle ou telle personne, c'est pour me sentir bien en tant qu'humaine, pour être aimée , dans un désir de reconnaissance, ce genre de choses. Alors est-ce que tu crois qu'un acte peut être totalement altruiste ?
Regarder la neige, sa présence comme une force inébranlable et tranquille à mes côtés, le parfum et la chaleur de son pull, celle de la tasse entre mes mains. Ça n’avait rien à voir avec ces portions de bonheur que j’avais connu avec mes amis ou ma famille auparavant. J’étais juste enfin en phase. Avec moi-même et avec un autre être humain, pourtant particulièrement peu loquace en ce moment. Et je me découvrais aussi pendue à ses lèvres qu'à ses silences.
Et je me demandais... Est-ce que l'amour, parmi ces illusions, pouvait être autre chose que combler un manque à travers l'autre ? Autre chose que de s'aimer à travers le regard de l'autre ? Ou encore de simplement aimer l'idée d'être aimé ?
Chapitre 4 :
« …
J’abattis de manière un peu sèche ma copie sur sa table. Avec une lenteur calculée, mon professeur posa son stylo, passa ses mains dans ses cheveux, puis releva enfin la tête sur moi, les doigts croisés sous mon menton.
- Je savais que ça vous énerverait.
Oh, bordel. C’était qui, ça ? Le constat d’une victoire ? Un pari gagnant ? Mais quel… !
- C’est un petit vrai plaisir ? Me rabaisser aussi souvent que possible ? Vous savez parfaitement que je dois au moins maintenir une moyenne correcte en littérature si je ne veux pas qu’on me claque la porte au museau dans toutes les écoles de journalisme ! C’est de l’acharnement à ce stade ! Ce n’est pas de l’ego de ma part, mais il n’y a aucune remarque valable qui justifie mes notes.
J’agitai la copie exempte de toute correction sous son nez et il l’écarta d’un doigt, agacé.
- Pas un seul conseil pour m’améliorer, juste des cassages de gueule à répétition dans une matière qui me passionne et dans laquelle je m’investis, repris-je. Tous les autres y ont droit, j’ai vérifié, mais pas moi ! Moi, j’ai juste une note minable et un commentaire laconique comme si j’étais un cas désespéré ! V-vous avez un problème avec moi ?!
- Pour deux raisons que je croyais évidentes, je ne peux pas avoir l’air de vous favoriser, avança-t-i d’un ton calme.
Il ouvrit la bouche pour continuer. Mais je vis rouge et le coupai.
…»
« - Un incontournable, tout particulièrement quand on veut écrire. Un auteur qui a su décrypter avec une ferveur proche de la virtuosité les mouvements du cœur et de l’âme humaine. « Ah ! Frappe-toi le coeur, c’est là qu’est le génie ! » lança-t-il en accompagnant la phrase d’un sourire et de son poing plaqué contre son torse. - Musset ?
Un silence surpris s’installa. »
Il y a quelque chose en toi qui se bat, je peux le sentir maintenant comme je l'ai senti depuis le début. Ta colère, tu en parles comme de quelque chose de profondément mauvais. Mais la colère c'est flamboyant, évacue-la correctement, utilise-la à bon escient et elle ne te brûlera pas de l'intérieur. Elle te donnera juste la rage nécessaire pour faire ce que tu veux.