[...] Chacun avait ses idées sur le harem impérial, mais c'était essentiellement une sorte de machine. Le sultan qui injectait une nouvelle recrue dans la cohorte des concubines impériales n'était que le piston central d'un moteur destiné à garantir la production continue de sultans ottomans. Les autres, eunuques, femmes, n'étaient que de simples rouages.
Les chrétiens se faisaient du harem une tout autre image. Après avoir lu certains des romans français préférés de la Validé, Hachim avait peu à peu compris que les Occidentaux en général avaient du harem une idée très romanesque et très fantaisiste. Pour eux, il s'agissait d'un lieu de plaisir sirupeux où les plus belles femmes du monde, obéissant au caprice d'un seul homme, se livraient spontanément à des ébats amoureux, passionnés et lascifs, à d'obsédantes bacchanales. Comme si les femmes n'avaient que des seins et des cuisses, mais pas de cerveau ni de passé personnel. Qu'ils rêvent à leur guise ! songea Hachim. L'endroit était certes une machine, mais les femmes avaient leur vie, leur caractère et leur ambition. Quant aux rumeurs de lubricité, c'était simplement la vapeur que rejetait la machine.