Dans la pénombre de la chambre, depuis le refuge chaud du lit, la douceur des draps élimés et la somnolence qui le gagne, il semble à l'enfant que le monde du tapis est aussi réel que celui qu'il habite - le quartier ouvrier avec ses voiries défoncées, ses maisons défraîchies, ses containers à poubelles qui déversent leur haleine aigre dans la solitude des arrière-cours, son terrain vague cabossé semblable à un champ de mine, parsemé de détritus, de crottes de chiens et de tessons de bouteilles -, et il peut sans peine, par un simple exercice de l'esprit, se projeter dans les rues paisibles, dans l'ordre parfait du tapis, accessible à lui seul.