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Citations de Jean-Baptiste Del Amo (322)


L'horizon est lourd de brume, la montagne alentour détrempée par l'humidité de la nuit. Les pierres sont noires, luisantes, elles affleurent à la surface comme la carapace de quelque bête enfouie dans un profond sommeil, ou comme si la montagne tout entière n'était elle-même qu'une immense créature assoupie, sur le dos de laquelle l'enfant cheminerait.

La crête brune des arbres se perd dans le brouillard et tout semble feutré : le pépiement des merles dans les bosquets lugubres, la lueur du jour, monotone sous la gaze occultant le ciel.
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Le fils soulève la couverture et la mère se blottit contre lui. Longtemps, ils écoutent la maison siffler et craquer comme un vieux rafiot malmené par la tempête, le vent porter jusqu’à eux le cri de chouettes effraies qui ululent dans le creux d’un arbre mort, avec leurs faces blanches et mystérieuses. Mais, rassuré par la présence et la chaleur du corps de la mère, rien ne peut plus atteindre l’enfant, et tous finissent par retomber jusqu’au matin dans un sommeil tranquille.
(page 99)
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Ils ont modelé les porcs selon leur bon vouloir, ils ont usiné des bêtes débiles, à la croissance extraordinaire, aux carcasses monstrueuses, ne produisant presque plus de graisse mais du muscle. Ils ont fabriqué des êtres énormes et fragiles à la fois, et qui n'ont même pas de vie sinon les cent-quatre-vingt-deux jours passés à végéter dans la pénombre de la porcherie, un cœur et des poumons dans le seul but de battre et d'oxygéner leur sang afin de produire toujours plus de viande maigre propre à la consommation.
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Dans le secret de souches pourrissantes, des nymphes préparent leur transformation ; partout se lève l’armée des êtres minuscules – foules grouillantes, rampantes, industrieuses – affairés à cette mystérieuse entreprise qui les accapare jour et nuit.
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Propulsée aux branches des arbres, la sève fait éclore par myriades les bourgeons dont les écailles chutent, infimes, silencieuses, révèlent la chair glauque des feuilles qui se déploient et constellent les ramures d’un vert intense.
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Le soleil décline, baigne la prairie d'une lumière biaisée qui les aveugle, hivernale encore. Le fils lâche la main de la mère et court vers la lisière du bois où le tronc crevassé des pins tout éclaboussé d'or exsude un parfum de résine. Ils marchent dans l'ombre éparse des arbres, sur une couche d'aiguilles rousses qui craque sous leurs pas. Le fils se baisse pour ramasser des cônes de mélèzes qu'il examine et, après une minudeuse sélection, fourre dans ses poches ou lance devant lui.
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Il y a des choses qu’un homme, s’il veut rester un homme, ne peut accepter et il appartient à chacun de définir où se situe son honneur, laquelle de ces choses lui est acceptable et laquelle ne l’est pas, où se situe en somme la limite infranchissable de sa dignité.
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Il voudrait partager un peu de sa joie et emprunte à la tendresse qu’il témoigne d’ordinaire à la mère, la transpose à l’égard du père, avec la prescience de cet empêchement, de cette gêne qui président de tout temps aux manifestations des sentiments entre les hommes, entre les pères et leurs fils.
(pages 110-111)
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Il ne garde pas de souvenir précis du départ du père. Il n’a conservé de la vie auprès de lui qu’une suite d’impressions morcelées, peut-être fictives et en partie façonnées par les photographies enfouies dans la commode. Il est en revanche plein, comme pétri d’une présence physique de la mère, de son ubiquité, tant elle apparaît et colore, à chaque instant, chaque recoin de l’inextricable maillage qui déjà compose sa mémoire.
(page 72)
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La mère lève le regard vers lui, dans le rétroviseur. Il ressent dans son demi-sommeil le baume familier de ses yeux bruns posés sur lui.
Page 26
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Le garçon regarde autour de lui le calme du sous-bois où rien ne bruit, rien ne se meut. Il prend conscience de l’odeur de la montagne, un parfum violent pétri de pourrissement végétal, d’écorces, de polypores et de mousses gorgées d’eau, de choses invertébrées rampant en secret sous de vieilles souches et de roches friables dans le lit des ruisseaux.
(page 32)
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Dans cet apparent silence, le fils éprouve violemment sa solitude et, dans le même temps, l’impression de sa présence au monde, de la nature déployée autour de lui, de l’immensité et de la multitude dans laquelle son existence a pris forme et se trouve à cet instant précis.
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Le chemin courbe à l’est sur l’ubac de la montagne et une percée dans la futaie dévoile à leur gauche l’horizon déchiré par l’aube, sur lequel se détachent désormais les dolomies calcaires et les versants tombant à pic vers la vallée brumeuse.
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Tous avaient quinze ans, dix-huit ans, vingt ans, ils étaient nés ici, avaient grandi ici, assignés à résidence dans cette ville médiocre, sanglée, corsetée au creux de cette vallée, prise en étau par la montagne, condamnés à leur condition de fils et filles d’ouvriers, manutentionnaires, soudeurs, carriers, agents d’entretien, certains rêvant pourtant de fuir, avec le sentiment encore vif, bouillonnant, que leur salut résiderait dans la plus grande distance qu’ils parviendraient à mettre entre la ville et eux.
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Ils parcourent une vallée perçue par fragments dans la lumière des phares : des forêts résineuses, des piquets en bois d’acacia barbelant d’indéfinissables pâtures couvertes de givre, de grands corps de ferme en pierre, couverts de toitures d’ardoise, parfois réunis en hameaux dont les bâtiments enchâssés dans la nuit évoquent des casemates ou les derniers vestiges d’une civilisation perdue.
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Il pense à Elise, il pense aux fils. Il se souvient de tout ou presque, des instants passés, des jours d’avant. Tous se télescopent, s’amalgament, ne sont plus dissociables. C’est donc ça, la vie ? songe-t-il avec dépit. Si peu et tellement à la fois. Mais si peu tout de même. Et qu’en reste-t-il à la fin ? N’est-on pas supposé avoir acquis quelque sagesse, quelque compréhension, même partielle et fragmentaire des choses ?
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Une grande fatigue étreint maintenant le fils. La clarté du sous-bois décline, un froid humide se lève, chargé du parfum de la nuit, de trous d’eau croupissante, de souches et de fougères rances. Il tire du sac le T-shirt de la mère et y enfouit le visage pour en respirer l’odeur.
(pages 230-231)
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La nuit porte maintenant en elle l’attente de l’aube, cette infime variation qui détache les contours du monde sans qu’ils soient encore intelligibles, laissant seulement paraître des degrés d’obscurité.
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Dans la pénombre de la chambre, depuis le refuge chaud du lit, la douceur des draps élimés et la somnolence qui le gagne, il semble à l'enfant que le monde du tapis est aussi réel que celui qu'il habite - le quartier ouvrier avec ses voiries défoncées, ses maisons défraîchies, ses containers à poubelles qui déversent leur haleine aigre dans la solitude des arrière-cours, son terrain vague cabossé semblable à un champ de mine, parsemé de détritus, de crottes de chiens et de tessons de bouteilles -, et il peut sans peine, par un simple exercice de l'esprit, se projeter dans les rues paisibles, dans l'ordre parfait du tapis, accessible à lui seul.
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La fin de l’été s’étire en une langueur hypnotique, nuits torpides durant lesquelles même la pierre des Roches exsude sa moiteur, journées accablées de soleil, aubes irréelles, nébuleuses, bientôt tranchées net par la lame du jour, crépuscules d’un rouge de forge s’effondrant l’instant d’après dans des ténèbres empourprées, des noirs de fusain.
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