Il fallait se jeter à l’eau maintenant, ne plus hésiter. Il fallait vivre cet amour, le rendre réel et s’y consacrer de toute son âme, car le temps file à toute allure et n’épargne pas les retardataires et les hésitants.
Silence Sépulcral. Froideur funèbre. Lumière lugubre. Fragrance macabre. L’horreur et la mort avaient joué ici de concret, leur récital le plus abouti.
La situation lui fit se remémorer tout à coup le passage de l’un de ses livres préférés, Robinson Crusoé de Daniel Defoe. Il repensait au célèbre marin, qui échouant sur une ile déserte, envahi par le désespoir, avait réussi à trouver la lucidité pour faire un point rationnel au sujet de sa situation d’infortune. Il dressait à ce moment du livre « son compte très fidèle des jouissances du moment au regard des misères dont il souffrait ». Léopold tenta à sa façon d’adapter cette formule au contexte du moment.
Le Mal- Je suis tombé dans un trou trop profond et isolé loin sous la terre.
Le Bien- Mais je suis bien vivant, je ne me suis même pas blessé dans ma chute…
Une forte pluie s'abattait sur la toiture de la maison. Un crachat huileux perlait sur les carreaux extérieurs. On ne voyait rien à plus de cinq mètres. Les cent pas que faisait Eugénie dans la véranda de la cuisine étaient rythmés par les tictacs réguliers de l'horloge à pendule.
La fin d'après-midi approchait à grands pas.
- Geoffroy, je n'en peux plus d'attendre. Il est dix-sept heures passées ! Où est mon fils ? Ca suffit, appelez les gendarmes maintenant, s'il vous plait.
- Vous êtes sûre, madame ? Le petit est peut-être allé un peu plus loin que d'habitude. Il a dû voir quelque chose qui l'a intrigué. Il est tellement curieux de nature votre Léopold.
- Ce n'est pas son genre d'être en retard, ni de laisser sa mère se ronger les sangs. [...]