Jean-Benoît Dumonteix

Snow était assis sur ses pattes de derrière, la gueule ouverte, laissant apparaître une langue bien trop longue pour un chien. Du haut de son petit caractère, il semblait réclamer quelque chose et regardait son maître fixement, sans bouger. Snow n’avait jamais été le genre de chien à aboyer pour se faire entendre. Trop grossier. Non, c’était un setter anglais tout à fait distingué, même si ses origines demeuraient inconnues. Le message, pour tout humain entraîné à l’entendre, était clair : il fallait sortir, et si possible assez vite.
Marcus Bogar lança un regard vers la pendule du salon : bientôt vingt et une heures, cela correspondait au rituel du soir, ce chien était décidément réglé comme un métronome. S’il n’obtempérait pas, son fidèle animal blanc et noir ne le laisserait pas dormir. Et du repos, Marcus Bogar en avait grand besoin. Le travail avait été éreintant ces derniers mois, il connaissait ses limites. Parfois.

"C'est la sensation lors du premier crime qui crée l'addiction", explique Daniel Zagury. Quand il tue, Michel Fourniret redore les arcanes de son royaume imaginaire, où les règles ne sont édictées que par lui. (...)
"Et si j'étais le roi du monde ?" Voilà l'interrogation qui résonne à travers les forfaits de Fourniret, qui les uns après les autres, nimbent de mystère son entreprise de destruction.

Julien tapa une adresse dans URL de la page google….il fallait tout d’abord attester de sa majorité
…une autre fenêtre lui demanda de spécifier son sexe.
Il cliqua sur male, puis female . chacune des petites cases correspondait à un type de fantasme bien
précis…une urgence sexuelle l’envahissait aussi
Bouffe et sexe, comme deux faces de la même pièce :Julien Lacoste
A son âge, Julien n’avait connu de sexualité que virtuelle. Photos, vidéos, messagerie rose, massage
avec finish, mais absolument rien qui ressemblât à ce qu’il avait projeté adolescent , c’est-à-dire une
rencontre , une intimité , des relations sexuelles, remplies d’amour et de partage , et puis une vie à
deux , un mariage, des enfants……Lacoste faisait partie de ceux -là, l’amour, une vaste blague.

Le pervers s'immisce dans les failles les plus inattendues, des "combles", c'est-à-dire des paroxysmes d'illogisme, que le commun des mortels ne peut pas atteindre, tant il est arrêté par ses angoisses d'être démasqué, humilié, embastillé sans autre forme de procès.

S'ajoute donc à la liste des lâchers parentaux, le traumatisme de l'effraction sexuelle, dont on sait qu'elle est délétère, et particulièrement à cet âge-là. En effet, le psychisme de l'enfant, toujours en formation, toujours fragile, ne peut supporter le traumatisme sexuel. S'ensuit alors une implosion psychique qui gèle tout processus de maturation affective, laissant, pourrait-on dire, une grande plaine blanche dans l'esprit de l'enfant et une incapacité à ressentir certaines émotions.

Sans doute déjà à cette époque, Thierry Paulin lutte contre ce qu'il serait exact de nommer "l'être rien pour personne". En effet, il est déjà "objet déchet", c'est-à-dire quantité négligeable et négligée. Ce sentiment de n'être rien ou personne active un mécanisme de défense pour ne pas sombrer : il se mue en son contraire. Paulin cherche à devenir quelqu'un, notamment en exerçant ses pulsions sur autrui.

Comme le souligne la psychanalyste Sophie de Mijolla-Mellor : "(...) le délirant paranoïaque tue parce qu'il pense être là Justice ou en tous les cas croit l'incarner et agir en son nom, (alors que) le paranoïaque revendicateur, qui lui ne délire pas, tue pour rétablir la justice, pour se faire justice".

Fourniret ( fournis raie! ) et Dutroux ( du trou! ) paraissent patronymiquement chevillés au leur folie.

Contrairement au névrosé, qui introjecte dans la douleur les interdits moraux et se fait un devoir de les respecter sous peine de faire flamber sa culpabilité, le pervers contourne cette injonction civilisationnelle.

À la différence du névrosé, dont l'organisation du Moi est construite sur un respect des interdits moraux, le pervers a érigé son être tout puissant sur les décombres de la moralité.