Les dignitaires nazis ont évidemment conscience de l’énormité et de la monstruosité de leurs actes et tentent de justifier l’impensable de cette monstruosité même, en l’inscrivant dans l’ordre du discours rationnel (protéger les descendants allemands).
« L’Etat total » […] trouve de nos jours les moyens techniques de sa réalisation non plus dans une idéologie violente et insupportable mais dans la toile arachnéenne et tentaculaire d’un contrôle permanent et discret qui donne l’illusion de laisser une parfaite liberté à tous.
Freud ne fera aucunement dépendre la communauté de la camaraderie et du sentiment d’appartenance au groupe, pas plus que de la mort et du sacrifice. Seul le « mythe du meurtre » du père de la horde pourra en rendre compte.
Le rapport de la postmodernité avec son passé n’est-elle pas en partie une conséquence de l’hitlérisme qui voulait être à lui-même sa propre origine et cherchait à bâtir un système prométhéen auto-engendré et autosuffisant, sans dette et sans devoir aucun ?
Le management et ses lois impitoyables cachées sous le masque du bonheur pour tous, sycophantes d’une volonté d’organisation monolithique mondiale des sociétés, sont les outils d’une recherche de maîtrise radicale de l’homme et du social.
Puisque rien, ni Dieu, ni instances internationales, ni conscience personnelle ou communautaire, ni éducation, ni culture, comme l’a montré le siècle passé, ne peuvent faire limite ou barrage, jusqu’où l’humanité sera-t-elle capable de s’avancer dans cette « culture de l’extermination » en contournant les tournures insupportables des camps ou des carnages et en imaginant […] de nouvelles formes « soft » ?
On pourrait se demander si le professeur d’école, le psychologue ou le travailleur social ne sont pas incités à devenir, eux aussi, [avec les médecins], « les chiens de garde » des normes sociales en participant au repérage des enfants et des adolescents potentiellement « délinquants » et à leur placement, dès l’enfance, dans des centres de prévention.
Peut-il encore y avoir politique lorsque les scientifiques et les experts dont le monde postmoderne fait l’éloge sont en position de décider des orientations collectives ?
L’expérience de la Seconde guerre mondiale […] révèle, au-delà de Freud et d’une culture du meurtre, une culture de l’extermination et de la destruction de groupes et de peuples entiers qui, tout en n’étant pas des ennemis réels ou potentiels, furent toutefois systématiquement éliminés.
Croire que sous l’égide propitiatoire de la raison « calculante » et de la science, l’homme pourrait construire un monde heureux, est l’illusion par excellence puisqu’elle se paye du prix de la perte de toute subjectivité.