L'air purifiant de nos forêts, la saveur de nos fruits, notre faune, notre flore, nos monts, notre campagne canadienne, no-s bois du nord, nos fleuves, nos lacs, sont autant pour nous de ressources précieuses de lyrisme. Ne prenons pas nos inspirations ailleurs, quand elles abondent chez nous, soleils éblouissants. Sachons le bien : toute source mène au fleuve, tout fleuve roule vers l'océan, tout sommet élève l'âme vers l'Infini, source de la perfection dans l'Art.
SOUVENANCE
C'est aux morts sacrés que je pense
Quand le soc creuse les guérêts
oh. s'infiltre, divine essence,
Le suc généreux des engrais;
Quand, sur les campagnes superbes,
- miracle de la moisson:-
Se renouent les brins d'or des gerbes.
Aux jours chauds de la fenaison.
Morts ! c'est à vous que je songe,
Noble suite de mes aieux.
Héros d'un passé qui se plonge
Dans le sein d'un sol glorieux;
A vous, fils d'une antique race,
Qui furent grands dans les malheurs;
A vous dont je cherche la trace
Jusqu'en la cendre de nos fleurs.
Vous revivez au coeur de l'orme
Dont les branches ont tressailli;
Vous vous incarnez dans la forme
De nos maisons au toit vieilli»
Dans la courbe de nos collines
Dont s'élargissent les penchant?
Et dont les grands chênes s'inclinent
Du côté des soleils couchants.
Vous êtes près de la fenêtre
Où,dans l'or d'un pâle reflet,
ta grand-mère assise, l'ancêtre.
File la laine au vieux rouet.
Vous inspirez la plaine entière
Quand les semeurs,d'un geste sûr.
Se grandissant dans la lumière.
Ont répandu le blé futur.
Morts ! Ils suivent votre exemple.
Leur pays, le vôtre, est le lieu
Sacré que leur regard contemple.
Le sanctuaire où trône Dieu.
Leur terre opulente et féconde
Que nos étés font reverdir.
Atteste la: force d'un monde
Qui veut lutter et grandir.
Oui, votre ombre immortelle veille
Jalousement sur leur destin»
L'espoir de survivre, ô merveille
Reste par vous leur seul instinct,
Car votre oeuvre se perpétue
'Jusque dans leurs moindres efforts.
Et quand la voix des vieux s'est tue,
Les vivants remplacent les Morts l
Ainsi donc, si nos jeunes poètes ont donné dans le mouvement poétique français contemporain il ne sied pas de leur en faire un reproche qui équivaille à un blâme. Ils en avaient entre autres, une excellente raison: apprendre le français. Eh oui! Quelque talent que l'on ait, enclore convient-il de savoir s'exprimer. Tel penseur profond, quoiqu'il conçoive à peu près clairement, peut être un piètre écrivain. Il en est. Est-il bien sûr, d'ailleurs, que nos poètes se soient tellement éloignés de leurs origines en voulant exprimer, dans leurs oeuvres, une pensée humanisée, des idées générales, des modes universelles?
Dans l’ensemble de cette époque littéraire, nous pouvons observer comme une seconde période qui se rattache à la première étape de 1895 par certaines affinités, mais qui s’en dégage par une sorte de montée brillante visible dans les œuvres qui y ont pris naissance. L’École littéraire a évolué. Elle a pris une envergure qui la place au premier rang des groupes du genre. Elle a en outre conquis une plus sûre renommée et va s’affirmer par des œuvres que l’avenir jugera à leur juste mérite.
J'ai vécu dans mon coeur ces Ages fabuleux.
Auprès des champs fleuris où rodent les abeilles,
Une Vierge au sein blanc, au front pur, aux yeux bleus,
Étoile solitaire et Reine des Merveilles,
Symbole de la Vie à ces siècles heureux
Où d'antiques forêts se déroulaient sans bornes,
En elle possédant les dons divins des Normes,
Et qui resplendissait, Déesse de Beauté,
Une Femme debout, dans la pose des Grâces,
Guidait alors le destin des 'Races
A travers les chemins d'un pays enchanté.
Car la paix rayonnait dans toute la Nature
Et comblait de bonheur l'humaine créature.
Les peuples réunis s'aimaient tout simplement,
Et, près d'une source au doux murmure,
Ils vivaient dans le calme et le recueillement.
Leurs nuits se remplissaient de rêves extatiques.
Ils étaient adonnés aux croyances mystiques
Qui hantèrent le cœur de l'homme à l'Age d'or.
Ils découvraient des noms aux astres tutélaires,
Et maîtres des grands monts séculaires,
Ils passaient ici-bas satisfaits de leur sort.
Ils ne connaissaient pas les longues chevauchées
A travers les vallons où des hordes fauchées
Tombent sous le choc lourd des glaives se croisant,
Et qui jettent les morts par jonchées
Dans le fleuve qui roule au gouffre, agonisant.
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Des poètes, des prosateurs de toutes catégories nous soumettent, même du dehors, des travaux d’un mérite réel, mais nous ne pouvons pas leur apporter l’encouragement matériel dont ils ont besoin. Il est de notre devoir de demander l’aide des gouvernements, à une époque où les lecteurs se comptent, où la poésie est ridiculisée, où la littérature est considérée comme elle le fut toujours en notre pays : “une quantité négligeable.”
Toujours, du fond du cœur où germa l'espérance,
J'ai béni tendrement le sol qui m'a nourri ;
Je n'oublierai jamais le toit de mon enfance
Ni le langage doux que ma mère m'apprit.
M. Doucet m'a remué, le jour où je lus son " Vieux Pont." Il y a en effet dans ce poème des évocations ancestrales, quelque chose de lointain comme le souvenir et de tout près de nous comme l'intimité de la terre paternelle. Il se reflète dans ce "Vieux Pont " fait de " plançons' comme des pages de l'histoire de notre pays. Il a une âme et sait parler le langage d'autrefois. Il est comme un miroir où s'illumine tout notre passé".
L’École littéraire de Montréal fut, comme on a pu le constater, l’œuvre de quelques animateurs. La plupart d’entre eux ne se contentèrent pas d’inspirer, de stimuler les efforts de leurs confrères, mais ils se firent un devoir de donner l’exemple, d’écrire et même de publier leurs œuvres littéraires.