Vidéo réalisée par Rue Sedaine - N'en doutez pas : l'époque est au courage, affirment Jean-Claude Gallet et Romain Gubert, dans ce court livre, à la fois traité, récit, carnet de bord, leçon de vie. le premier, ancien général des Pompiers de Paris, aux carrières nombreuses, qui sauva Notre Dame. le deuxième, grand reporter, écrivain. Ensemble, ils ne donnent qu'une seule leçon : le courage est un don, auquel il faut se préparer, et qui peut se dire.
Dans cette époque où tout le monde parle de tout sur les plateaux de télévision, sur les réseaux sociaux, pour entretenir un bruit sans fin, je sais que, souvent, ceux qui se taisent sont les vrais courageux
Il m’a donné tout ce qui ne s’apprend pas dans les livres. Il m’a montré comment attaquer le feu dans le sens du tirage. Il m’a confié tous ses « trucs ». Il m’offrait sa boussole pour éviter la sidération lors d’une intervention. Dans les jours qui suivent l’incendie, il me guide plus que jamais. « Tu dois rester fier, sûr de toi, de tes compétences, disait-il. Ce n’est pas dans tes muscles que tu trouveras la force d’être au rendez-vous, la prochaine fois. Mais dans ta tête. » Il m’a aidé à comprendre que je ne suis qu’un homme. L’« hubris » du jeune officier le rend immortel. La sacralisation de la force. La sensation d’être un surhomme venait d’être balayée.
La mystique du feu. Sa colère, ses volutes, ses tourbillons, sa danse… Il gronde. Ennemi sans visage qui sait exploiter chacune de nos erreurs. Sa toute-puissance, sa force vitale. Le don du ciel et de la foudre. Il y a un million d’années, il nous a permis de devenir ce que nous sommes lorsque nous avons su le domestiquer. C’est notre meilleur ami et notre pire ennemi. Il détruit ce que nous avons de plus précieux sans égard pour nous. Il purifie la terre. Feu sacré. Le respecter, ne pas en avoir peur.
On a toujours une seconde chance d’être courageux. Cet officier qui avait failli n’est pas devenu le complice des geôliers, contrairement à d’autres. Il essayait juste de sauver sa peau. Mon père, lui, ne voyait pas les choses comme ça. Quand il évoquait le destin de celui qu’il désignait comme « traître », il terminait immanquablement par ces quelques mots : « On ne gagne jamais tout seul. » La camaraderie comme force.
Son histoire, nous la connaissons tous par la grâce de Terre des hommes, d’Antoine de Saint-Exupéry que les collégiens, je l’espère, continuent à lire. En 1930, lorsque son Potez-25 s’échoue dans la Laguna del Diamante, le pilote de l’Aéropostale est encore un jeune homme de 28 ans. Il a effectué quatre-vingt-onze traversées de la cordillère des Andes.Épopée à travers la neige et le froid. Ce jeune pilote, vêtu d’une simple veste en tweed, erre sans nourriture pendant cinq jours au-dessus de 3 400 mètres d’altitude. Guillaumet ne se bat pas pour une cause, pour un drapeau ou pour je ne sais quoi. Simplement pour survivre. On est là dans le combat le plus noble puisqu’il s’agit de résister aux éléments. Courage du cancéreux qui se bat contre tous les pronostics. Pas de médaille, pas d’héroïsme ni de gloire. Mais au bout, une récompense sublime : la vie.
Le courage est difficile à vivre pour les autres. Jalousies. Cette Légion d’honneur à 30 ans, cette photo en couverture de Paris-Match et ce titre à la une, « Capitaine Courage »… Plusieurs années après les événements, Évelyne a préféré quitter le service de santé des armées. Je parle en son nom, qu’elle me pardonne si je me trompe, mais quelque chose l’a poussée à « disparaître », à ne pas porter pour le restant de ses jours ce statut d’héroïne sur ses épaules. Elle n’a pas renoncé à servir comme médecin – toujours le mystère de l’engagement. Mais elle a préféré l’anonymat.
Essayer de retrouver – ou surtout ne pas perdre – l’impulsion intérieure qui pousse un gamin à oser partir au feu. Retrouver un peu de sens quand l’un d’entre nous ne revient pas. Pour ne pas pleurer. Enfin si… Pour pleurer. Mais pour se relever. Pour repartir le lendemain. Pour avoir la force d’envoyer d’autres hommes en mission. Pour affronter le regard d’une mère devant un cercueil sur lequel est posée la photo de son enfant. Ces regards ne s’oublient jamais. Comment répondre au désarroi d’une maman un an, dix ans, après la mort d’un fils ?
Face à un entrepôt industriel qui flambe comme s’il était en papier, je lutte depuis deux heures contre les flammes avec mes hommes. Les fumées nous agressent. Le combat est difficile. Le monstre est puissant. Dans ces lieux vétustes, rien n’est aux normes. Nous avons tiré des tuyaux comme nous pouvions. Corps à corps avec le démon. Ça chauffe, ça gronde. Mur de flammes. Les 600 degrés qui fouettent. Le sol brûle. Les fumées qu’on ne sent pas. Le feu tape du pied, il frappe aux portes. Il m’attire, m’entraîne à lui.
L’instinct, la raison. L’expérience aussi. C’est elle qui guide mes pas. C’est elle qui oriente mon intelligence émotionnelle et me permet de penser hors du cadre, de prendre du recul. Sans expérience, je serais incapable de gérer les médias, la tactique, le doute. Cette opération « Notre-Dame », c’est mon heure de vérité. Je ne dois pas passer la soirée à me dire : « Je n’ai pas droit à l’erreur. » Mais agir en utilisant au mieux le potentiel de la Brigade, son courage, son esprit d’initiative.
Le bon chef, c’est d’abord celui qui a du sang-froid. Celui qui prend sur lui toute la pression pour que l’énergie collective se déploie sans limite. Le bon chef, c’est celui que l’on a envie de suivre naturellement parce qu’avec lui, on sait où on va, parce que l’on sait qu’il est avare du sang de ses hommes. Quand celui qui te commande et te connaît te pousse dans la bonne direction, il t’offre une force mystérieuse, celle qui permet de prendre tous les risques pour sauver des vies.