Jean Danzé

LES PICTES
Leurs adversaires, ce sont les remuants Pictes, maîtres des hautes terres de la Bretagne, et qui entendent bien le rester. Non seulement ils s'opposent farouchement à toute intrusion des Romains, mais ils n'hésitent pas à les attaquer sur les territoires qu'ils ont soumis à leurs lois et à leurs armes.

En fait, l'appellation"picte" pour désigner les habitants de l’Écosse actuelle n'est qu'un surnom. César avait rapporté que les Bretons de l’intérieur s'enduisaient le corps de pastel comme peinture de guerre. Aussi le nom de ce peuple, "picti", avait été traduit par "peints" par la plupart des auteurs latins de l'époque. Le poète Martial, qui écrivait vers 70-80 de notre ère, parle en effet de "Picti Britanni" pour désigner les habitants du nord de l'île. De même, le poète grec Oppien de Syrie évoque vers 210 "les peuples sauvages de Bretagne qui se peignent le corps de couleurs variées". En fait, tous les combattants Bretons qui s'opposaient aux conquérants romains avaient recours aux tatouages ou aux ornementations de couleur. Ce n'est donc pas une caractéristique propre aux peuples d’Écosse. Il s'agit en réalité d'une mauvaise transposition en latin du mot gaulois "pict", qui veut dire rusé. Effectivement, les Pictes montreront leurs capacités à mener des embuscades, à se dérober aux troupes supérieures en nombre, à surprendre leurs adversaires, et à ourdir des coalitions secrètes.

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Carhaix, au cœur du réseau routier armoricain

La cité portait alors le nom de Vorgium, dérivé du celtique "verg-berg", proche du germanique "burg" et du français "bourg". Son nom actuel, néanmoins, est une réminiscence d'une longue présence romaine. C'est en effet la seule ville de Bretagne à porter un nom dérivé du bas-latin : "quadriforcum", évolué en "carrofes", puis "carouge", la fourche, les quatre routes, l'embranchement, le carrefour. Une graphie du IXè siècle donne effectivement "Corophesium". Ce n'est que bien plus tard, le sens initial s'étant perdu, qu'on appellera "Kaer Aes", par assimilation à "caer" le lieu fortifié, dédié à Ahès, divinité pré-romaine. On évoque également la forterese, "kaer", des Oestii ou Aestii, en référence à l’ancien nom du peuple des Osismes.

La ville de Carhaix doit son essor aux Romains. Entre les années 10 et 15 de notre ère, elle est organisée selon un plan régulier où les rues se coupent à angle droit. Un schéma caractéristique de l'urbanisme des conquérants. De plus, à une époque où, en Armorique, les maisons étaient bâties en bois ou en torchis, les scientifiques ont découvert en 1977, dans le quartier de Poulpry, une trentaine de pierres de construction soigneusement taillées et sculptées. Elles constituaient une corniche, qui avait décoré un édifice de prestige. Le style des ornementations, très élaborées, permet de les situer dans les dix premières années de notre ère. Cette datation est confirmée par des trouvailles associées de céramiques et de pièces de monnaie romaine.

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La Bretagne au tournant de l’an mille.
Au moment où s’annonce en Europe le temps de la chevalerie, du roman courtois, des universités et des cathédrales, le Royaume de Bretagne sera maître de son armée, de ses finances, de sa justice et de sa diplomatie. C’est l’aboutissement d’un long processus tumultueux qui s’est étalé sur plus de mille ans. Mais c’est sans doute au cours de cette longue période que s’est forgée l’âme de cette contrée du bout du monde, l’ancienne Armorique, devenue le pays des Bretons. (p. 452. )

Le vocabulaire breton figurant sur le manuscrit de Leyde constitue un cas unique: ce témoignage écrit, vieux de plus de mille ans, fait du breton la plus ancienne langue européenne encore en usage de nos jours.