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Citation de ChouettedeMinerve


Alors, là, tout à coup, phénomène bizarre que j'ai observé vingt fois : autant je suis stérile quand je m'échine à méditer dans le vague, autant les choses viennent facilement si j'ai un papier pour les noter. Non, ce n'est pas exactement cela : lorsque je m'installe pour écrire une dissertation ou un récit, après que j'ai commencé (en me disant que je vais sans doute caler au bout de dix lignes), j'ai la surprise de m'apercevoir que d'autres phrases arrivent sans difficulté ; des souvenirs totalement oubliés se réveillent au moment où j'ai besoin d'eux, des idées que je n'avais jamais eues, que ne soupçonnais même pas que j'avais, accourent pour se glisser docilement là où elles doivent être. A croire que je suis deux : un type qui vit comme tout le monde, qui n'offre pas un intérêt spécial, qui ne regarde rien, n'écoute rien, ne comprend rien, qui a la cervelle pleine de courants d'air; et certains jours, à certaines heures, un type qui a vu ce qu'il fallait voir, entendu ce qu'il fallait entendre, dont la cervelle est une bande magnétique ou une chambre noire ayant enregistré ce qu'il fallait enregistrer. A chaque fois, j'en suis stupéfait. Et content, bien sûr. Content est peu dire. J'en éprouve une joie énorme. J'ai toujours pensé que le plus grand bonheur pour un individu ordinaire est d'être pris pour un autre. J'ai ce bonheur quand j'écris. Je croyais me connaître, et même me connaître à fond, à la Socrate, tout savoir de mon fort et de mon faible, et je me trouve devant un inconnu.

Chapite I, p16-17.
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