Jean Duvernoy

" Dieu ne fait pas de beaux blés et n'en a cure.
C'est le fumier qu'on met dans la terre qui les faits "
Déposition de Pierre Authie (1300)

Extrait du registre d'Inquisition de jacques Fournier

Dans l'ouvrage :LE DOSSIER DE MONTSEGUR

Montségur est bien un château du XII ème siècle par son système défensif qui ne fait communiquer le donjon qu'avec le chemin de ronde par une passerelle amovible. Un aménagement postérieur et à plus forte raison une reconstruction, auraient comporté des tours rondes de flanquement, comme on peut les voir à Puylaurens, Peyrepertuse, Lastours, Puivert, etc...

L'obligation de raser toute maison ayant abrité des parfaits fut bien respectée.
Les dernières campagnes archéologiques* ont dégagé les bases de murs d'un "village cathare" construit en terrasses sur la face Nord du pic sous le donjon.
La déposition de Berenger de Lavelanet est à prendre au pied de la lettre: "les parfaits demandèrent à Raimond de Pereille de les recevoir au-dessous du château ( infra castrum)
Il est probable que de nouveaux degagements permettraient de suivre ce "barri" à l'Ouest et jusqu'aux espaces situés sous les trois murs de défense qui courent sous la façade Sud.
Le château se prolongeait, par-delà la brèche actuelle, le long de la crête en pente, jusqu'à la barbacane mentionnée. Au-delà et jusqu'au rocher qui domine la gorge du Lacet, et qui porte les vestiges d'une tour, pouvaient exister diverses défenses, mais l'étroitesse de la crête ne permettait pas d'habitat.
Cette configuration est bien conforme au récit de G.de Puylaurens.
Une vingtaine de "maisons" est citée pour la période du siège, mais on doit savoir que domus signifie aussi bien ce que nous appelons "appartement" ou même "pièce". Une certaine surpopulation est évidente, et l'on connaît un sergent qui se contente d'une cabane, mais rien n'autorise à supposer un château initial plus grand dont on voit d'ailleurs mal où auraient reposé ses murs. Les marches recouvertes par le mur de façade ne seraient un problème que si on ignorait que le château de Raimond de Pereille a fait suite à un ancien ouvrage en ruine.
Il y avait en tout cas une raison majeure de reconstruire le donjon: le château initial n'avait pas de chapelle.

*(Note du lecteur: rappel de l'année de publication de ce texte: 1998. D'autres fouilles archéologiques ont évidemment été poursuivies... Mais plus les écrits sont anciens, tirés d'archives incontestables et peu suspectes d'inventions architecturales, dont on ne peut imaginer le "motif", plus ils "collent" à une réalité qu'il faut s'efforcer de reconstituer ou de servir sans conclusions hâtives ni avec des réflexions et remarques bornées, partielles et partiales)

Écrite entre 1250 et 1275 la "Chronique de Guillaume de Puylaurens " traite de la croisade des Albigeois, du rattachement du comté de Toulouse à la couronne de France au cours du XIII ème siècle, de l'affaire du comte de Foix et de la succession du royaume de Sicile.
Guillaume de Puylaurens naît peu après 1200 à Toulouse où il poursuit ses études peut-être jusqu'à la maîtrise.
(...)
Moins meublé de philosophie ou de théologie que de souvenirs et d'anecdotes qu'il ne manque pas de glisser dans sa courte chronique, l'esprit de Guillaume possède une relative indépendance. À l'Antiquité, il va emprunter le mot insolite à son époque de liberté (au singulier) : " jugum in consuete libertatis prejudicum" et la notion non moins insolite de gouvernement libéral.
(...)
Certes, il prétend donner à son ouvrage le caractère d'une theodicee particulière : en soixante dix ans, les changements politiques survenus en Europe en faveur de la monarchie française sont la marque d'un plan providentiel. Rien d'original. Mais ce qui, en revanche, le singularise, c'est l'avis critique purement objectif qu'il formule à propos de certains événements politiques ou militaires, là où l'on n'attendrait qu'un sermon: l'échec des Français après 1215 est dû à leur rapacité et à la dénaturation du but fixé à la croisade; le meurtre des Français pris aux Pujols ou des inquisiteurs à Avignonet furent, plus que des crimes, des fautes, etc.
Par ses qualités historiques la "Chronique de Guillaume de Puylaurens" est un texte essentiel non seulement à l'histoire "albigeoise" ou française, mais aussi à l'histoire européenne.

Il y a plus de sept cent cinquante ans, le 26 mars 1244, plus de deux cents "parfaits" cathares, religieux de profession ou convertis des jours précédents, étaient brûlés au pied du château de Montségur. De nos jours,* s'il faut en croire la Chambre de Commerce de l'Ariège, le site reçoit chaque année une cinquantaine de milliers de visiteurs. Il le doit à sa beauté qu'il partage avec d'autres châteaux de la région aussi vertigineux, que l'on retrouvera dans les récits qui vont suivre. Il le doit aussi aux mythes auxquels il donne lieu depuis un siècle et demi* : résidence d'Esclarmonde de Foix, temple solaire, abri du St Graal, Montsalvage de Parsifal, etc...
À l'opposé, une apologétique anachronique et maladroite a cherché à diluer l'atrocité du fait: il n'y a jamais eu de bûcher à Montségur.
Ces élucubrations s'appuient sur des bribes de documents originaux recueillis de seconde main, sans que leur édition ou leur critique aient jamais été entreprises.

( * note du lecteur: le présent ouvrage a été publié en 1998)

Après avoir été considéré comme temple solaire, Montségur est l'objet aujourd'hui d'une nouvelle mode: il ne reste rien du château de Raimond de Pereille que les marches qui s'enfoncent sous le mur. Le château a été rasé et entièrement reconstruit par les Lévis. L'idée est à la fois contraire aux sources (" le château fût rendu au maréchal...") et à la vraisemblance.

La religion des cathares est difficile à décrire, par le disparate de ses sources.
L'histoire des cathares l'est bien davantage. Dans nombre de cas, si l'on peut retenir comme plausibles ou établies les quelques opinions hétérodoxes signalées par un document, le seul renseignement concernant ceux qui les professaient est qu'ils furent brûlés.

Il n'est donc pas étonnant que cette histoire soit traditionnellement confondue avec la répression : mouvements populaires, croisades, Inquisition, et qu'en France notamment, pour un très large public, elle se borne à la Croisade albigeois et à la prise de Montsegur.