Un entretien avec Jean Dytar, pour la sortie du magnifique album : Les Illuminés aux éditions Delcourt. Entretien réalisé lors du FIBD d'Angoulème 2024.
Le portrait à davantage d'éclat que tu n'en as... Comme s'il avait su te saisir toute entière, et te sublimer ! Prodigieux...
Nous regrettons qu'une lacune de nos lois n'ait pas permis de fusiller l'infâme.
- Et puis, vous ouvrez là un trop vaste débat, Jacques. A qui appartient une terre ? A celui qui l’a découverte le premier ? A celui qui y est né ? A celui qui y vit depuis le plus longtemps ? Qui l’a obtenue par les armes ? Qui l’a achetée ?
- A celui qui l’a volée ?
- Ou tout simplement à celui à qui Dieu la confie ? Voilà la seule vraie légitimité ! Nous apportons la civilisation aux sauvages. Nous leur apportons la parole du Christ, nous les sauvons d’eux-mêmes, Jacques !
- Du vent ! Vous n’apportez que violence, bêtise et maladies.
- N’idéalisez pas trop les sauvages. Ils sont cruels, voleurs, manipulateurs.
- Pas très différents de nous, en somme. Au reste, que savez-vous des sauvages ? Combien en avez-vous croisé dans votre vie ? Vous parlez de Dieu quand ça vous arrange ! Vous êtes misérable. La sortie est par là.
Puisque l'affaire Dreyfus n'était pas une affaire exclusivement judiciaire, mais une affaire d'ordre politique avec son cortège de préjugés, de haines et de passions, le rejet de la révision était possible.
« L'Affaire telle que je l'ai vécue » Mathieu Dreyfus
P 248
Je veux vous plonger dans l'état de Bacchus sidéré par la beauté d'Ariane... Peindre un tableau si fort que cette vision fugitive soit pour vous une sensation durable, à chaque instant renouvelée...
Vous n'arriverez pas à le convaincre.
Ici, on l'appelle Humilis.
Ou le fada.
Seriez-vous capable d'incarner par les pouvoirs de la peinture la grâce absolue d'un être ? Faire une image si juste et si forte que l'on pourrait sentir la chaleur de son corps, le souffle de sa respiration...
Mon joli, il n’y a pas que les nourritures spirituelles dans la vie. Ne veux-tu pas effeuiller autre chose que les pages d’un livre ? Je parie que tu as un certain doigté.
Eh bien… jusque -là, c’était comme si je laissais venir à moi les visions. Je les attrapais… Puis je tentais de les dompter avec les mots. Mais désormais, ce sont les mots qui semblent précéder les visions. Justement, je voudrais ne plus avoir peur de leur lâcher la bride. Qu’ils soient plus libres, plus fougueux ! Sans aller n’importe où… Seulement, il faut que j’accepte de perdre un peu le contrôle.
Enfin, j’espère que cette préface me libèrera d’une sorte de malédiction, que je pourrai passer à autre chose, dix ans après… Ces poèmes… ils ont pour moi le goût amer de la prison et de la jalousie. Je végétais dans une cellule quand Arthur les a écrits à Londres, en compagnie de Germain Nouveau. Depuis, ils n’ont cessé de me hanter. J’ai eu le manuscrit en main une première fois à Stuttgart, avec charge de l’envoyer à Nouveau… J’ai aussitôt regretté mon zèle. Deux ans plus tard, j’ai fini par le récupérer. Mais je l’ai prêté à mon beau-frère Sivry, que je croyais mon ami. Las, il ne me l’a jamais rendu. […] La malédiction dont je parlais, plus forte que l’absinthe. […] Si les feuillets vous sont parvenus, c’est parce que Mathilde a finalement autorisé son frère à s’en défaire. Et pour cause ! Mathilde s’est remariée. Nuire à Arthur ne lui importe plus. Ni à moi, hélas… Elle a définitivement tourné la page. Ces poèmes ressurgis des limbes… Ils viennent me narguer. Ils viennent me dire que j’ai tout perdu. Mon fils, ma femme, ma réputation. C’est le fantôme de Rimbaud qui ne me lâche pas. Et moi, qui n’ait pas un sursaut de dignité, je n’arrive pas à m’en décoller. J’ai écrit cette préface en espérant me soulager de quelque poids. Ou au contraire en m’y agrippant désespérément. Vous devez me trouver pathétique.