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Citation de tiaconelli


Ce qui m'ennuie quand je parle d'un tableau, c'est qu'il m'est impossible d'exprimer la couleur. C'est cependant l'essentiel. J'ai beau dire rouge, vert, bleu, jaune, ces mots ne font rien voir. J'ai remarqué que les habiles font alors intervenir des métaphores. Cela fait croire à tout le monde qu'on a réussi. Mais qui peut affirmer qu'il a vu un tableau quand on le lui a décrit avec des mots ? Le décrire avec des sentiments (ce qui, au premier abord, paraît mieux) ne sert finalement qu'à brouiller les cartes. C'est que, pour exprimer, il faut un alphabet commun. La Madone de Stephano me fait penser aux prairies du mont Viso en pleine floraison de juillet (me donne une joie semblable). Mais qui est arrivé exactement à la même heure que moi, dans la même lumière que moi, dans le même état d'esprit que moi, dans le même angle de vision que moi aux prairies du Viso, le 6 juillet 1915 ? Il y faudrait aussi avoir vingt ans, être soldat au 159e régiment d'infanterie alpine, dans une compagnie qui a un bon sergent, faire grand-halte avec une faim de loup, entamer un casse-croûte de sardines à l'huile, aimer les sardines à l'huile, sentir qu'on a toute une bonne heure pour reposer ses pieds et savoir qu'on a encore tout un bon mois avant de partir pour la guerre. Je ne parle pas de la lettre de la maison que j'avais reçue la veille, et du mandat qu'elle contenait. J'avais aussi un très bon copain près de moi. Enfin, il était dix heures juste. (À dix heures et demie, c'était déjà différent à cause du vin de mon bidon qui avait tourné pendant la marche.)
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