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Citation de Charybde2


« Oui, dit Giuseppe, Michu est un bon bougre et il y va bon cœur bon argent. Certes, s’il t’avait fait pendre, il aurait dépassé les ordres, mais qui aurait pu imaginer que tu allais arriver et qu’il tomberait juste sur toi ? S’il fallait peser tous les pour et tous les contre on n’en finirait pas. Il y a toujours certains risques à courir. J’avoue que celui-là me fait froid dans le dos. Mais, il m’aurait été impossible de désavouer Michu. Je lui aurais crevé la panse derrière le premier buisson venu mais je n’aurais pas touché au principe. Plus rien d’ailleurs n’aurait pu te faire revenir et mon coup de couteau lui-même, en bonne justice, aurait été contestable. Je reconnais cependant qu’il m’aurait été impossible de ne pas le donner. Et même avec une certaine rage. C’est l’amour mais ce n’est pas la révolution. Bah ! tu aurais bien valu qu’on fasse une petite entorse et Michu n’est jamais qu’un soldat qu’on remplace. »
Le ton froid avec lequel Giuseppe parlait de cet événement jeta de l’huile sur le feu. Angelo s’emporta et il se laissa même aller à un peu de lyrisme. Il voyait encore les clous des souliers qui s’efforçaient de lui écraser le visage. Il frémissait surtout à la pensée qu’il avait bien failli être la proie de lâches et de peureux qui, chacun, seuls et face à face avec lui auraient décampé comme des lapins.
« Rien ne nous oblige à être seuls, au contraire, dit Giuseppe. Tu n’as pas tué le baron Swartz comme il fallait puisque tu lui as permis de se défendre. Les duels ne sont pas pour nous. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de donner une chance, quelle qu’elle soit, à l’esclavage. Notre devoir étant de gagner, il faut garder toutes les chances ; et même les fausses cartes.
– Je ne sais pas assassiner, dit Angelo.
– Cela te manquera, dit Giuseppe. Et, ce qui est beaucoup plus grave, cela nous manquera.
– J’étais sûr de mon coup, dit Angelo, et je l’ai prouvé. Il fallait qu’il meure et il est mort. Je lui ai donné un sabre et il s’est défendu ; j’avais besoin qu’il se défende.
– L’important n’est pas ce dont tu as besoin mais ce dont a besoin la cause de la liberté, dit Giuseppe. Il y a dans l’assassinat plus de vertus révolutionnaires. Il faut leur enlever jusqu’à leurs droits. »
Il s’allongea dans l’herbe et mit ses mains sous sa nuque.
« Ne parle pas de lâcheté, dit-il, ou alors pour convenir qu’elle nous est utile. À mon avis, elle l’emporte même sur le courage. Son passage laisse le champ plus libre. Tu prétends que celui qui leur a mis dans la tête que les ennemis du peuple empoisonnaient les fontaines est un lâche qui s’adressait à des lâches ? C’est une opinion de policier. Veux-tu savoir le fin mot ? C’est moi qui ai répandu ce bruit. Et je te prie de croire que j’en ai rajouté. Que je sèche sur place si je n’ai pas parlé de charniers dix fois pour une. Que je me sois adressé à des lâches, d’accord. Où je me suis voulu du bien c’est quand j’ai vu que j’en profitais. Quant à ce que je sois un lâche moi-même, c’est ce que je suis prêt à te faire rentrer dans la gorge à l’instant, pour peu que tu sois décidé à le soutenir. Tu peux prendre ton fameux sabre, si tu le veux, nous en avons. Je n’ai pas peur. Je peux même te régler ton compte avec mes poings, si cette arme convient à la noblesse de ton caractère. Tu as failli être pendu. Si tu l’avais été, j’aurais coupé la gorge à Michu et peut-être j’aurais coupé la mienne. Mais ceux qui ont vraiment été pendus à la suite de ma petite conversation avec les lâches étaient les ennemis les plus acharnés de nos idées de liberté. J’y ai tenu la main et les noms étaient soigneusement marqués sur une liste que Michu m’a rendue avec des croix en face de chaque nom. Je ne me fie pas au hasard. Et je trouve que l’idée de Michu d’en pendre un de plus n’était pas mauvaise. Un étranger surtout ! Ça faisait honnête. Il a de l’idée. »
Angelo se disait : « Il faut que je corrige et précisément avec mes poings puisque c’est là qu’il se croit le plus fort. Il est très orgueilleux de ses yeux veloutés. Je vais les lui arranger de façon qu’il soit penaud. »
Il était irrité par ce ton de bon sens qui semblait faire partie d’une leçon de savoir-vivre.
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