Enfant, j'écoutais bouche bée les histoires des marins, dans les bistrots de Térénez, où tant de noms magiques passaient, comme des invites au départ. Les bateaux, dans le port, tiraient sur leurs corps-morts, dès que je m'approchais, le vent chuchotait dans leurs haubans. Moi aussi, un jour, je partirai! Je courais sur le rivage, lorsqu'un cargo sortait de la baie de Morlaix, sautant de rochers en rochers à la pointe du Fort, comme pour l'accompagner et je restais, genoux tremblants, le coeur serré, lorsqu'il s'enfonçait derrière l'horizon. Là-bas, derrière la barre des vagues bleues, il y avait des mondes, qui m'attendaient, des rivages inconnus, des lumières nouvelles, des sources où apaiser cette soif qui me dévorait l'âme. Ils en venaient, ces vents qui s'engouffraient dans la baie de Morlaix en ravageant tout sur leur passage, ébranlaient les murs de ma maison, tâtonnaient aux portes et aux volets clos. J'entendais les loups du Nord hurler dans leurs rafales, et la grande clameur des houles atlantiques. Les oiseaux de l'hiver m'étaient comme une promesse. Ne venaient-ils pas des taïgas sibériennes?
Il n'est de paysage qu'intérieur.