Nous connaissons tous des noms d'hommes révolutionnaires russes, mais il y a, bien entendu, eu également des femmes qui ont oeuvré pour ce grand idéal. Comme souvent, hélas, elles sont restées à l'ombre des hommes, leurs "tovaritchs" ou camarades. Personnellement, à part Alexandra Kollontaï (1872-1952), une des toutes premières femmes à devenir membre de gouvernement et ambassadrice et de qui j'ai lu une biographie écrite par une autre ambassadrice, l'Espagnole Isabel de Palencia y Smith (née Oyarzábal), l'épouse de Lénine, Nadejda Kroupskaïa (1869-1939) et sa maîtresse, Inès ou Inessa Armand (1874-1920), d'origine française, je n'en connais que très peu.
L'ouvrage de Jean-Jacques Marie remplie, heureusement, cette importante lacune.
Le rôle des femmes dans la Russie tsariste était manifestement réduit à mettre des enfants au monde, labourer le champ, aller prier à l'église, garder la maison propre, préparer les repas et servir la vodka à leur bonhomme et ses potes. Probablement que j'exagère, mais seulement un peu ! Il y a eu évidemment des exceptions, comme par exemple la comtesse Sophie Tolstoï (ou Sofia Tolstaïa) (1844-1919), épouse du grand Léon, qui a écrit une volumineuse autobiographie "Ma vie", mais restée à l'état de manuscrit de son vivant.
D'ailleurs, l'auteur commence son ouvrage ainsi : "Une poule n'est pas un oiseau, la femme n'est pas une personne, proclame un vieux proverbe russe." Et Jean-Jacques Marie explique le sort lamentable de la femme en y ajoutant un élément que j'avais omis dans ma petite liste, notamment la violence : frappée d'abord par leur père, ensuite par leur mari. Il cite à ce propos Vera Figner "Mémoires d'une révolutionnaire", Ivan Bounine "Le village", Ilya Ehrenbourg "La ruelle de Moscou", Evguenia Kisseliova "Une femme russe dans le siecle"... Et Alexeï Remizov, où dans son ouvrage "La Maison Bourkov", on peut lire : "...Glotov avait jeté sa femme légitime du 3ème étage sur le pavé et la pauvre s'était cassé la tête. Point final. Le romancier aurait pu en dire autant d'une cruche. "
Non pas que cette violence aurait disparu après la Révolution. "Dans la Russie d'aujourd'hui, 10.000 femmes en moyenne meurent chaque année sous les coups de leur conjoint " (page 21). Et la Douma, sous pression du Kremlin et l'Église orthodoxe, a allègrement voté une loi dépénalisant les violences conjugales à 385 voix contre 2 !!! Lire à ce propos également l'article d'Isabelle Mandraud dans Le Monde du 22-3-2018 relatif à l'accusation par 3 journalistes femmes de harcèlement sexuel par Leonid Sloutski, président de la commission des affaires étrangères et, bien entendu, sa disculpation à l'unanimité, ce qui a inspiré un journal indépendant à titrer "Douma = organisme d'État qui justifie le harcèlement sexuel".
En février 1917, une énorme manifestation a été lancée par des femmes contre la vie chère et le manque de pain. Une manif qui a abouti à l'abdication du dernier tsar, Nicolas II, le 2 mars suivant. L'initiative des femmes a été escamotée sous Staline, où c'était le Parti bolchevik qui, dans son extrême sagesse, a appelé les ouvriers à la grève. Donc, plus question d'attribuer cette page glorieuse aux femmes. Même Alexandre Soljénitsyne dans son "La roue rouge" a repris cette version erronée des faits.
Dans ce récit captivant de Jean-Jacques Marie on lit et apprend comment des jeunes filles de bonne famille sont parties à la campagne pour instruire à titre bénévole le peuple et les aider dans leurs démêlés avec les potentats locaux, et cela bien avant les années charnières 1905 et 1917. Sorties de leur milieu bourgeois et protecteur, elles ont été scandalisées et mortifiées par la triste réalité rurale. N'oublions pas que le servage n'a été aboli en Russie qu'en 1861, sans que la situation de la paysannerie ne s'améliore beaucoup. Comme jeunes idéalistes, elles ont vite compris que la situation était intenable et elles sont devenues politiques, rebelles, et le régime répressif aidant ...terroristes. Un processus qui a mal terminé pour la plupart d'entre elles : le bagne en Sibérie, le suicide et l'exécution.
Parmi les noms à retenir il y a celui de Vera Figner, Anna Korvine-Kroukovskskaïa (épouse Jaclard), et Sofia Perovskaïa pour m'en limiter à 3 seulement.
Et puis il y a le cas tout à fait particulier d'Alexandra Kollontaï, fille d'un général tsariste, qui a rejoint les bolcheviks pour devenir, en 1917, commissaire du peuple, en fait ministre, de la santé. Faisant partie de "l'opposition ouvrière" à Lénine, elle sera "punie" par un poste d'ambassadrice en Norvège, en 1923, et en Suède en 1930, ce qui lui permettra de survivre aux purges staliniennes. Cette "Jaurès en jupons" a joué un rôle important dans l'émancipation de la femme russe : droit de vote et possibilité d'être élue, droit au divorce par consentement mutuel, congés de maternité, salaire égal, mêmes opportunités en éducation, droit à l'avortement (dès 1920), etc.
L'ouvrage de Jean-Jacques Marie est non seulement instructif dans la mesure où il met en lumière les efforts remarquables et le courage de certaines femmes restées méconnues par l'Histoire, il se lit relativement facilement, sûrement eu égard à une inévitable complexité de cette Histoire en Russie. La richesse des sources n'a pas empêché l'auteur de pratiquer un style qui m'a bien plu.
Quand je pense que la femme peut-être la plus connue de nos jours de cette époque dans ce pays, est celle qui a tenté de tuer Lénine, Fanny Kaplan (1890-1918), une autre idéaliste, à sa façon, bien sûr !
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Jean-Jacques Marie est un historien russophone présenté par les éditions Vendémiaire comme l'un des plus grands spécialistes de l'Union soviétique et du communisme. Ce que tend à prouver le zoom très ciblé et bien documenté qu'il propose ici sur la Russie de Lénine, de 1917 à 1924, une période infinitésimale sur la frise du Temps mais combien importante et capitale pour la Russie.
Lénine, charnière de l'histoire de la Russie ? Comme Robespierre le fut pour l'histoire de France ? Ou comment en violant un empire et en renversant l'ordre établi, on accouche du chaos le plus total ? Et, une fois la révolution apaisée, fût-ce un mal pour un bien ou un bien pour un mal ? Cette question fondamentale, Jean-Jacques Marie se gardera d'y répondre, préférant laisser au lecteur le soin de se forger sa propre opinion à la lumière des nombreux témoignages qu'il retranscrit et commente en exégète.
Ce sont d'ailleurs ces témoignages qui servent d'argile à son développement qui ne constitue pas un essai à proprement dire mais s'apparente davantage à une compilation universitaire de sources exhumées des archives. Misère, typhus, famine, froid, faim, guerre civile... pour rendre compte de cette traversée des Enfers du peuple russe - alors paysan et illettré à 90% - l'auteur s'appuie sur une bibliographie impressionnante. Le choix qu'il a fait d'une approche thématique et non chronologique amène une certaine redondance ou pesanteur du contenu, parfois à la limite de l'éparpillement.
Toutefois, "Vivre dans la Russie de Lénine" apporte un bon éclairage sur une période sombre mal connue des Français dont les connaissances historiques sur le sujet se concentrent généralement autour d'octobre 1917, de la dictature stalinienne et de la chute de l'URSS.
Au final, un ouvrage qui rend compte de la violence présente à tous les niveaux dans la vie des Russes depuis l'émergence de la Russie au XVIème jusqu'à aujourd'hui. Quel que soit le régime, l'identité russe se définit en grande partie par l'attachement à un chef à la fois sanguinaire et protecteur. Aujourd'hui encore, la vie ne pèse pas bien lourd en Russie et les Russes vivent encore largement d'expédients et de débrouillardise. Aujourd'hui encore, Lénine reste la figure de proue de ce pays continent couvert de ses effigies, de la statue monumentale au service à thé customisé.
Pour conclure, je dirais que "Vivre dans la Russie de Lénine" est à aborder davantage comme un travail documentaire sur une crise économique et sociale majeure que comme une analyse journalistique et politique d'une période critique.
Challenge MULTI-DEFIS 2021
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Du temps de Staline, on passait allègrement de Kiev à Rostov-sur-le-don. Ce n’est pas Victor Nékrassov qui me démentira. Et même dans les tranchées de Stalingrad, la solidarité et la fraternité étaient totales. Ce n’est qu’au retour à la vie civile que le combattant trouvait mièvre la vie en société, quand ce n’étaient pas mesquineries et égoïsmes bourgeois à le dégoûter à tout jamais.
C’est irrationnel et c’est ainsi.
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Le rapport Khrouchtchev (1956)
Je plains rétrospectivement les 1430 délégués communistes du monde entier (*) qui se sont vus infliger pendant quatre heures l'audition du rapport Khrouchtchev au XXe congrès. le rapport comportait 100 pages, on imagine qu'il avait des choses à dire le père Khrouchtchev à tout cet aréopage, ce gratin de communistes scélérats censé représenter la classe ouvrière internationale . Je l'écris quatre fois comme ça on se souviendra de la bonne orthographe et de sa sinistre mémoire ! En gros on leur demandait à la russe de boire un bol de crapauds ou mieux : ils étaient assis sur un nid de vipères se demandant quelle couleuvre on allait bien leur faire avaler, dans un silence de marbre (de Sibérie).
C'est ainsi ce jour là que Khrouchtchev inventa la langue de bois. Il n'a rien déboulonné du tout. Il fallut attendre quelques années plus tard l'édition d'un petit livre qui fit un tabac, celui d'un écrivain qui devint grand à cause de ça, pour que le procès du stalinisme eut lieu non pas en bonne et due forme, car on attend toujours, mais en tout cas de manière édifiante et rédhibitoire..
C'est drôle, je n'ai même pas envie de citer le nom du grand Soljenitsyne (*) craignant peut-être de mélanger le grain et l'ivraie, d'associer le courage pour une cause juste à cette noirceur de débilités humaines qui se gavaient à demi-mot de lavages de cerveau et de procès de Moscou tous plus minables les uns que les autres ; et quand bien même cette sombre aventure soviétique marqua-t-elle un temps d'arrêt aux arrestations sommaires, arbitraires pour les camps et aux millions de morts qui en résultèrent, ce n'était qu'une respiration de la bête qui avait besoin de se refaire une santé après la mort de Staline.
Non dans mon esprit tout est clair pour m'intéresser un peu à tous ces vents qui tournent dans la conscience des hommes, russes en particulier, Un des regrets du grand homme Alexandre Soljenitsyne puisque nous sommes ici sur un site littéraire fut celui de n'avoir pu associer à sa cause celle du grand écrivain Chalamov (*) qui paya durement le prix de son courage de n'avoir jamais baissé les yeux devant ces horreurs totalitaires en passant autant de temps dans les camps que de vie dehors. Certainement que Chalamov -ce russe très dur au mal, c'est presque un pléonasme - avait la tête plus fêlée que celle de Soljenitsyne, mais Chalamov fut un rescapé miraculeux qui aurait très bien pu mourir et son pavé de brûlot avec, qui ne fut publié d'ailleurs qu'après sa mort, mais Chalamof était aussi un poète : ils sont toujours plus fous les poètes allant même jusqu'à dégoiser sur leurs aînés russes : Je crois que pour Soljenitsyne, s'il n' avait pas eu au contraire d'aînés comme Tolstoï et Dostoïevski qu'il vénérait, il n'y eût pas de Soljenitsyne et le monde fût-il changé. Peut-être qu'on s'assiérait sur les millions de victimes de Staline ? On ne dira jamais assez ce que les grandes consciences du monde laissent à leurs enfants. C'est pourquoi, il ne faut jamais oublier cela ! PG
(*) de 55 partis frères. Ils furent moins frères après le discours ..
(*) Alexandre Soljenitsyne , Une Journée d'Ivan Denissovitch
(*) Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma
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Avec cette nouvelle version d'un travail qu'il avait déjà consacré à Lénine, Jean-Jacques Marie fait le travail qu'il n'a pas fait avec Staline. Cette fois, à travers un homme (sur lequel on apprend beaucoup et dont il livre non seulement les hésitations, les erreurs, les errements, les fautes, mais dont il nuance, aussi, les images et les représentations caricaturales, mentionne des qualités - évidemment celles qui comptent c'est-à-dire celles qu'on lui reconnaissait de son vivant), il permet de comprendre une trajectoire, un projet politique et, surtout, les conditions de sa "réalisation". Car, en effet, la Russie puis l'URSS du temps de Lénine fut un pays constamment sous pression (par les forces de résistance internes bien sûr mais plus encore agressé par les pays étrangers et notamment les puissances dites "libérales" qui craignaient comme la peste une contagion, à l'heure où, comme disait Fernand Braudel, le monde avant d'être au bord de la guerre mondiale était surtout au bord de la révolution ; cf. aussi l'immense livre de Jacques Pauwels : La grande guerre des classes).
Que l'on partage ou pas le projet bolchevique, là n'est pas le sujet : il est de comprendre comment celui-ci a pu émerger, sur quel terreau il a poussé, comment il fut incarné, quelle couleur lui donna Lénine et ce qu'il put réellement en faire une fois au pouvoir. Et ce, sans faire d'un homme l'instrument tout puissant d'un régime (ce que J-J Marie fait en revanche avec Staline, et qui n'a aucun sens ; comparez par exemple la biographie d'Hitler de I. Kershaw avec celle de Staline de J-J Marie et vous constaterez la différence...).
Bref, ici, J-J Marie sait davantage faire oeuvre d'historien que de pamphlétaire et c'est tant mieux.
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Malaise…S. Bien sûr parce qu’il est difficile de rester de marbre devant ce portrait. Mais malaise aussi parce que j’ai senti que ce type de biographie avait tout du piège. Il n’est pourtant pas difficile de convaincre, avec un tel « sujet ». Et il n’est évidemment pas question de défendre un point de vue opposé ; certains le font (je pense à Ludo Martins, mais il n’est pas très convainquant à mon sens). D’autres, bien plus intelligemment, en revanche, des historiens, solides, remettent en cause, depuis plusieurs années déjà, la vision classique que Jean-Jacques Marie incarne ici dans cette biographie qui ressemble à un inventaire à la Prévert d’atrocités, d’abord, mais aussi, ce qui est tout de même bien plus surprenant pour un historien qui jouit d’une certaine renommé, d’astuces qui permettent de noircir encore un tableau (en faisant parler souvent Staline ou en tirant des conclusions non étayées par des sources ; selon ce qu’on appelle en sociologie une forme d’étiquetage : si Staline a commis ces méfaits, alors, dans les cas où on n’a pas de réponse, on peut supposer que c’est aussi lui – bref tout ce qui relève du crime vient de lui). Enfin. Parce que pour un historien qui est clairement ancré à « gauche » (très lié au PC puis au parti des travailleurs), les jugements de classe et les remarques condescendantes pour la « brutalité » ou « l’ignorance crasse » qui serait inévitablement celle des petites gens : de certaines professions ou de certains groupes ethniques donne une tonalité franchement révoltant.
Mais il y a plus ennuyeux encore : toute une historiographie, sérieuse elle aussi, très sérieuse même, travaille, réellement elle aussi, sur les archives (que Marie prétend connaître mais qu’il me semble interprèter beaucoup au gré de ses lectures et de son anti stalinisme d’ancien trotskiste). Pour le dire rapidement et à travers quelques exemples symptomatiques :
- Sur la famine en Ukraine par exemple, qu’il accorde sans contestation possible à un plan machiavélique de Staline, le travaux très renseignés de Mark Tauger, de l'University of West Virginia, anéantissent complètement cette thèse dont on sait par ailleurs qu’elle a été proposée, en premier chef par les nazis et fortement propagée par les groupes néo-nazis ukrainiens après la seconde guerre mondiale (comme le montre cette fois Doug Tottle) ;
- Sur les procès de Moscou, l’historien russe Youri Zhoukov sans faire l’analyse détaillée des activités subversives contre le Gouvernement Soviétique dans les années 1930, montre dans son livre que la lutte du secrétaire du Comité exécutif central de l'URSS A. Yenukidze contre J. Staline l'a finalement conduit à organiser un complot pour renverser le gouvernement soviétique. Parmi les participants à ce complot se trouvait le Commissaire du Peuple pour les Affaires internes (le chef de l'URSS NKVD) N. Yagoda. De même, tandis que selon Khrouchtchev Staline avec ses collègues du Politburo (V. Molotov, K. Voroshilov, L. Kaganovich) étaient les ennemis jurés des procédures démocratiques, Youri Zhoukov offre une image fort différente : Staline a bien proposé un programme de démocratisation de la vie soviétique (Molotov, Voroshilov et Kaganovich soutenant complètement Staline dans cette initiative) ; à l’inverse Yenukidze et beaucoup d'autres fonctionnaires du Parti ont été fortement opposés aux réformes démocratiques de Staline ;
- Sur la « Grande Terreur » des années 1937 et 1938, Grover Furr, archives à l’appui, démontre l’autonomie de Iejov, au point qu’il a agi contre les intentions de Staline pendant plus d’une année ;
- Sur la paranoïa de Staline, notamment contre Trotski, il est désormais là aussi possible de consulter des archives, et précisément celles de Trotski, qui démontrent que son intention était bien réellement de renverser Staline et qu’il fomentait, avec d’autres, sa mise à mort ;
- Sur le pacte germano-soviétique, pour lequel Marie laisse largement entendre qu’il est aussi (surtout ?) le résultat, dès le départ, d’une volonté d’alliance de Staline avec Hitler, cette thèse de l’alliance objective des totalitarismes et complètement battue en brèche par Geoffrey Roberts dans Les guerres de Staline (force démonstration à l’appui et non de simples assertions et petites phrases) ;
- Sur le massacre de Katyne, dont là encore J-J Marie se fait l’échos des thèses courantes sans l’ombre d’un recule, les travaux de Grover Furr, encore, ont détruit le sérieux de cette version du crime par l’Armée rouge de milliers de polonais au printemps 1940 ;
- Sur le crétinisme de Staline et son manque complet de bon sens stratégique pendant la seconde guerre mondiale, le livre de Geoffrey Roberts est un camouflet à la pensée dominante sur le sujet. De même, Domenico Losurdo dans son livre sur la Légende noire de Staline évoque nombre d’éléments qui montrent que Staline était loin d’être un idiot sur ces questions et, mieux, fut reconnu par nombre de militaires, y compris étrangers, et d’historiens de toutes nations, comme un vrai stratège.
- Sur le rapport Krhouchtev, Grover Furr, toujours (qui s’est donné une mission, semble-t-il de démontrer le caractère de propagande d’une historiographie dominante) démontre que strictement aucun des points qui le compose ne peut être pris pour une vérité.
Mon propos n’est pas de réhabiliter Staline, loin s’en faut. Mais bien de dire que cette biographie, à quelques exceptions près (le nombre de morts dans les goulags par exemple), s’inscrit pleinement, conforte et renforce une vision très manichéenne du personnage, et de la vie en URSS digne de cette escroquerie écrite sous la direction de Courtois : Le livre noir du communisme. Bref, c’est un bon bourrage de crâne, dont on ressort essoré vu la litanie de crimes et procès d’intentions faits à Staline (si on en retient 10% on peut s’estimer heureux), mais sûrement pas une bonne biographie.
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Jean-Jacques Marie est un historien reconnu du communisme.
Cet ouvrage s'intéresse à un moment des plus dramatiques de l'histoire de la Russie : la guerre civile consécutive à la Révolution d'Octobre et qui dura de 1918 à 1921.
En tout premier lieu, l'auteur se livre à une étude sociologique des officiers des armées blanches.
La Russie étant à cette époque majoritairement paysanne , ils furent victimes de cette guerre civile.
Autres victimes toutes désignées : les Juifs qui furent l'objet de nombreux pogroms…
Malgré l'aide pays occidentaux, malgré des officiers et des soldats aguerris, malgré un équipement de qualité, les armées blanches perdirent cette guerre. Une des raisons essentielles de cette défaite réside dans les ego surdimensionnés des officiers : tous souhaitaient avoir un commandement important ce qui créait rivalités et désorganisation.
L'auteur nous apprend ce que sont devenus les principaux chefs des armées blanches en exil (certains assassinés sur ordre de Staline, d'autres furent au service des nazis…).
Jean-Jacques Marie écrit avec clarté. Un livre passionnant.
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Nous connaissons tous Lénine, Trotsky, Staline...beaucoup moins Inès Armand, Alexandra Kollontai et Nadedja Kroupskaïa, militantes émérites de la cause bolcheviques.
Le mérite de cet ouvrage est de nous offrir une "vue panoramique" de la participation des femmes au mouvement révolutionnaire russe.
Des mouvements terroristes du XIXème siècle (avec l'évocation entre autres de Maria Spiridonova) jusqu'à la Révolution d'Octobre, que de dévouement féminin à la cause révolutionnaire.
L'auteur met en relief la misogynie des ouvriers et paysans russes.
Très souvent intellectuelles et issues de la noblesse et de la bourgeoisie, elles se lancèrent à corps perdu dans le militantisme révolutionnaire.
C'est très complet, notamment au niveau des dissensions, des amitiés et du destin de chacune.
Hélas, quand Staline eut bien le pouvoir en main, les femmes furent marginalisées.
Jean-Jacques Marie est un historien réputé du mouvement révolutionnaire russe.
Un livre excellent.
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Un mois de novembre gris et pluvieux. Des problèmes sur le plan professionnel. Une grosse baisse de moral. Pour rester dans la même ambiance, je vais être obligé de piocher dans ma PAL de livres dont je retarde indéfiniment la lecture. Et j'ai opté pour cette biographie de Khrouchtchev de près de 600 pages, histoire qu'elle m'occupe tout le mois.
Pour moi, comme pour beaucoup de monde, Khrouchtchev, c'était ce dirigeant soviétique, qui portait un prénom féminin, et qui s'était mis un jour à frapper sur son pupitre à l'ONU avec sa chaussure. Grâce à cette biographie, j'en sais maintenant un peu plus sur lui, et surtout sur l'état déplorable dans lequel Staline puis lui et leurs visions particulières du communisme ont conduit l'URSS entre les années 20 et les années 60.
Les nombreuses pages consacrées à la politique intérieure et ces innombrables réunions du Praesidium m'ont beaucoup moins intéressé que celles relatant, vus du côté communiste, des faits historiques de ce début de guerre froide (insurrection de Hongrie, mur de Berlin, crise des missiles à Cuba).
N'étant pas un spécialiste du sujet, je ne peux pas juger du travail effectué par Jean-Jacques Marie, mais comme il a eu accès à des documents inédits dont les mémoires non censurés rédigés par Khrouchtchev, on peut supposer que la vie du dirigeant soviétique s'est un peu plus dévoilée dans cet ouvrage.
Au final, une biographie sur une personnalité historique a priori pas tellement intéressante, mais qui m'aura permis d'enrichir ma connaissance des années 30-60 du côté soviétique.
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Cette étude d’histoire est certainement l’ouvrage le plus général permettant d’avoir une vue à la fois synthétique et diversifiée des enjeux, de la durée et des forces en présence dans la guerre civile russe de 1917 à 1922. L’objectivité dans un tel conflit est difficile à garantir, surtout lorsque l’auteur, éminent historien spécialiste de l’URSS, est accessoirement militant trotskiste de longue date, membre du Parti des Travailleurs. On pourra donc équilibrer sa présentation des bandes makhnovistes et de leurs exactions par un point de vue – non moins subjectif – de « La Révolution inconnue » de Voline, voire de l’autobiographie de Makhno « La révolution russe ». Pour le front de l’Extrême-Orient sibérien, un peu vite expédié dans le livre de Jean-Jacques Marie, j’ai trouvé admirable « Le destin de l’Amiral Koltchak » de Peter Fleming qui met en lumière le rôle décisif des troupes tchécoslovaques et japonaises dans cette partie du conflit – livre malheureusement très difficile à se procurer – et permet de se rendre compte de l’aspect inextricable de la toile d’araignée des alliances qui se font et se défont avec les bandes sanguinaires de Semionov, Ungern et autres.
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Il ya un moment que je cherchais une Bio sur le camarade Vladimir Illich, cherchant à éviter, les portraits à charge de la triade Furet-Courtois-Carrère.
Le parcours de J.J. Marie et son orientation trotskiste me semblait un gage d'équilibre approprié.
En cette période de grande tension politique et de contraction des antagonismes de classes face au péril climatique qui vient, j'avais envie de visualiser à l'image des stratégies mises en place depuis quelques années, par une gauche radicale retrouvée, le cheminement emprunté par le père de la révolution Bolchévique.
N'en déplaise aux tenants de la street credibility, le Lénine d'avant 17 ne s'est jamais privé au gré des circonstances et des rapports de force à l'oeuvre , d'emprunter les voies d'action les plus institutionnelles et légalistes sans pour autant adhérer à l'option menchevik.
Cette approche matérialiste s'il en est , doublée d'une vision prospective , va régulièrement isoler Lenine et le mettre en minorité, dans des débats intenses ,situation assez éloignée de celle d'une cohorte de fidèles emboitant docilement le pas d'un gourou idolâtré et tout-puissant.
Curieusement cette configuration perdurera après la prise de pouvoir .
Dommage à ce stade, que le livre se contente de lister de manière quasi quotidienne les faits actions politiques qui produit un effet catalogue et les conditions d'une lecture fastidieuse.
On peut néanmoins mesurer à cette occasion à quel point le Lénine-stratège devient malgré lui un décisionnaire du coup par coup aux marges de manœuvre étriquées en but incessant ,au niveau d'hostilité hallucinant qui va accompagner la Révolution de 1917, à l'instar de celui qu'a connu la Révolution française de 1789.
Tant sur le plan extérieur par la coalition économique et militaire des puissances étrangères capitalistes que sur le plan intérieur avec l'action contre-révolutionnaire des Koulaks et de la Bourgeoisie Blanche.
Difficile dans ces conditions de mettre réellement au débit du pouvoir Bolchévique la comptabilité mortuaire d'un pays ravagé par les famines et la guerre civile.
A l'heure ou la lutte contre le péril écologique nécessite d'aller un peu plus loin que de remplacer les touillettes en plastique ou de trier ses déchets, en leur préférant dés à présent la mise en oeuvre d'un renversement du capitalisme, cette lecture avec tout ce qu'elle suscite de confirmations et d'interrogations ,nous enracine dans la certitude que " là ou il y a une volonté, il y a un chemin" .
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Étant très attirée par tout ce qui touche à la Russie, j'ai vraiment apprécié cet ouvrage qui nous plonge dans la révolution russe de 1917, son declanchement, ses limites et ses (fausses ?) espérances.
L'auteur narre des faits, des témoignages, propose une argumentation posée et très instructive. Entre les croyances mystiques qui se nourrissent du désespoir des populations qui ont cru aux promesses des "révolutionnaires" et les profiteurs de la révolution, la Russie du début du 20ème siècle a été témoin et actrice de quelques unes des pires atrocités dont l'homme était capable, soit par instinct de survie soit par machiavelisme.
Bien que parfois un peu décousu à mon sens, avec quelques informations décrites ça et là, le récit est une mine d'informations sur le contexte et les conditions de l'époque.
Un grand merci à Babelio et aux éditions Vendémiaire pour cette découverte.
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Biographie complète de Nikita depuis son ascension docile et prudente à l'ombre de l'imprévisible de Staline jusqu'à la puissance suprême qui l'a grisé au point d'en être démis. Le personnage reste certainement un des moins déplaisants de cette cohorte de dirigeants soviétiques sans âme en attendant Gorbatchev, trop bien pour le peuple russe qui finalement ne mérite mieux que Poutine.
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Cet ouvrage offre un éclairage sur une période particulièrement complexe et sanglante de l’histoire russe qui voit s’affronter dans d’inextricables opérations militaires sur l’ensemble de cet immense territoire divers groupes . Outre les Rouges et les blancs (sous leurs différentes déclinaisons) l’auteur insiste sur les armées « vertes » issues de révoltes paysannes . Globalement l’ouvrage insiste plus sur l’aspect militaire que sur les effets sur les populations civiles qui vécurent l’enfer. Un ouvrage intéressant.
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Confus, bavard... le mérite de l'ouvrage est au moins d'être à l'image de l'époque...
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Jean-Jacques Marie avec La guerre civile russe 1917-1922 nous propose un ouvrage très fourni, comprenant une riche documentation.
Mais si la documentation est copieuse, on regrette vraiment l'absence totale de notes qui permettraient d'en savoir plus sur la provenance précise et chronologique des sources utilisées. On est au final comme jeté seul face à un long assemblage de citations, lâchées çà et là, qui rendent la lecture parfois (très) fastidieuse, et laissera certainement tout lecteur consciencieux sur sa faim.
Le tout début du livre rafraîchit à coup sûr la mémoire du lecteur des Dix jours qui ébranlèrent le monde de John Reed, et la suite permet d'en savoir plus sur le comportement des SR et des Mencheviks ; la nature des différentes armées blanches ; les raisons du mécontentement de la paysannerie qui donne par exemple naissance aux aventuriers des bandes armées vertes du genre de celle de Makhno ; le spectre de l'antisémitisme et des pogroms ; la guerre avec la Pologne de Pilsudski ; la révolte de Cronstadt ; le début de la NEP ; etc.
Hormis la forme donc qui s'avère assez ennuyeuse et lacunaire, sorte de longue énumération de faits sans véritable synthèse, on en apprend malgré tout vraiment beaucoup sur les divers revirements, les multiples fronts, les forces en présence et les contradictions présentes dans cette guerre civile ; le lecteur averti pouvant aisément en saisir pleinement les enjeux.
En filigrane tout au long du livre, on remarque aussi une intéressante critique du stalinisme par un rappel fréquent mais discret du dessein politique très personnel que Staline mène constamment, et qui entraînera ensuite nombre des protagonistes de la guerre civile russe à être condamnés à mort lors des procès de Moscou.
En conclusion, et malgré ses défauts évidents, cet ouvrage s'avère être véritablement très instructif tant il permet d'en savoir plus sur les – nombreuses – difficultés auxquelles le premier état ouvrier de l'histoire a dû faire face.
NB : On se doit d'avertir le lecteur qu'il aura à faire face à de nombreuses descriptions de scènes de guerre qui peuvent parfois donner le vertige tant elles sont abjectes.
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Cette étude d’histoire est certainement l’ouvrage le plus général permettant d’avoir une vue à la fois synthétique et diversifiée des enjeux, de la durée et des forces en présence dans la guerre civile russe de 1917 à 1922. L’objectivité dans un tel conflit est difficile à garantir, surtout lorsque l’auteur, éminent historien spécialiste de l’URSS, est accessoirement militant trotskiste de longue date, membre du Parti des Travailleurs. On pourra donc équilibrer sa présentation des bandes makhnovistes et de leurs exactions par un point de vue – non moins subjectif – de « La Révolution inconnue » de Voline, voire de l’autobiographie de Makhno « La révolution russe ». Pour le front de l’Extrême-Orient sibérien, un peu vite expédié dans le livre de Jean-Jacques Marie, j’ai trouvé admirable « Le destin de l’Amiral Koltchak » de Peter Fleming qui met en lumière le rôle décisif des troupes tchécoslovaques et japonaises dans cette partie du conflit – livre malheureusement très difficile à se procurer – et permet de se rendre compte de l’aspect inextricable de la toile d’araignée des alliances qui se font et se défont avec les bandes sanguinaires de Semionov, Ungern et autres.
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