"La tendresse que déclenche en nous les bébés est si forte qu'elle transcende les frontières entre les espèces. Qu'il s'agisse d'un morse qui vient de naître, d'un éléphanteau, d'un bébé tigre ou d'un souriceau, un bébé animal éveille en chacun de nous une réponse maternelle; homme, femme ou enfant, nous voulons tous le câliner, le protéger et nous en occuper. Leur attrait est manifeste : une innocente impuissance, l'extrême douceur des cheveux, du pelage ou du plumage, une proportion tête-corps supérieure à celle de l'adulte, une ardeur mal coordonnée ou encore une confiance sans limite. Chacun de nous possède en lui des mécanismes correspondant à ces signaux, qui éveillent instantanément un état de tendresse et suscitent le désir de nous occuper du petit animal, même s'il est destiné à devenir gros, fort et notre ennemi naturel. "
"Les Yékwanas ne pensent pas que le fait qu'un petit soit moins fort physiquement et qu'il soit dépendant autorise à le traiter avec moins de respect qu'un adulte."
Beaucoup d’inquiétudes surgissent également à propos de la présence du bébé lors des relations sexuelles de ses parents. Chez les Yékwanas, sa présence est toute naturelle, comme elle a dû l’être pour nos ancêtres, pendant des millénaires.
Il se peut même que, en n’y assistant pas, il manque le lien psychobiologique important qui unit le bébé à ses parents. Frustré, ce désir se transformera en complexe d’Oedipe ou d’Electra, lui donnant envie de relations sexuelles avec le parent du sexe opposé. En réalité, l’enfant voudrait jouer son rôle passif de nourrisson, mais lorsque sa sexualité évolue et qu’il ne se souvient pas d’une participation passive, cela se traduit par une envie de participation active. Il serait utile d’étudier ce phénomène afin d’éviter ces complexes si culpabilisants et décevants.
Ce que le bébé va rencontrer et expérimenter juste après la naissance va déterminer sa perception de la vie. Le bébé n’a pas été préparé par la nature, par son continuum à se retrouver dans le néant, dans la “non vie”, perdu dans un panier rempli de tissu ou dans une boite en plastique (le couffin de la maternité) sans mouvement, sans son, sans odeur ou sans sensation de vie.
Le continuum humain peut être défini comme un enchainement d’expériences qui correspondent aux attentes et tendances de notre espèce, dans un environnement de même logique que celui où sont nées ces attentes et tendances. Cela implique un comportement adéquat vis-à-vis des autres acteurs dans cet environnement et une attitude appropriée de ceux-ci envers nous.
Personne ne peut se libérer d'une mère insensible au continuum. Le besoin d'elle ne peut que perdurer. Nous pouvons seulement essayer de briser nos chaînes, comme "l'athée" qui brandit le poing vers l'autel de Dieu crie "je ne crois pas en toi !" ou comme les blasphèmes que l'on ne profère que parce qu'ils attaquent Dieu.