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Critiques de Jean-Marie Gallais (2)
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Peindre la nuit

L'art et la nuit seraient-ils faits l'un pour l'autre ? Ils multiplient en tout cas les rendez-vous heureux dans ce catalogue d'une expo récente à Pompidou-Metz. le premier d'entre eux a lieu en couverture dans la Voie lactée. La très grande huile sur toile de Peter Doig (Milky Way,1990) donne partiellement l'illusion d'une nuit où ciel et terre seraient une même substance bleue (l'oeuvre est reproduite sur double page, en totalité, dans la troisième partie du catalogue). Un autre rendez-vous a lieu un peu plus loin et toujours avec la Galaxie : un tout petit collage de Joseph Cornell montre une ballerine qui emprunte la longue traîne cosmique pour s'en faire un tutu étoilé (Tamara Toumanova dansant, p. 179). Mais l'un des rendez-vous les plus emblématique entre la peinture européenne et l'astronomie a sans doute lieu dans une scène religieuse nocturne où apparaît distinctement la première fois la Voie lactée, il s'agit d'une scène peinte par Adam Elsheimer, rappelle discrètement J. M. Gallais, l'année où Galilée mettait au point son télescope et faisait de l'héliocentrisme une hypothèse (La Fuite en Egypte, 1609)...



Moins célestes, mais tout aussi énigmatiques ou étonnantes sont les représentations ou créations qu'on aime découvrir dans ces pages quand on a un tant soit peu l'âme nocturne. le thème de la nuit s'y décline du début du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui dans toute l'épaisseur de son enveloppante beauté et dans une très grande diversité d'approches et d'expressions artistiques. Arts graphiques et arts visuels, peinture, cinéma, sculpture, estampe ou dessin, photographie, installations, etc. sollicitent un moment créateur d'exception, un espace privilégié d'interrogation, une source d'inspiration sans cesse renouvelée pour l'art et la pensée : une nuit en version moderne et profane valorisant l'expérience nocturne comme fait artistique au tournant du XIXe et du XXe siècle, illustrée par de très beaux moments visuels comme ces scènes de rues des « Nuits parisiennes », peu connues, d'Auguste Chabaud ou ces visions très crues révélant la dimension sociale de la nuit, choquantes en leur temps, de George Grosz. Cette nuit moderne qui naît avec les paysages crépusculaires de C. D. Friedrich, brouillant déjà l'horizon, s'invente dans un genre à part entière, “Le Nocturne”, mis au point par Whistler dans ses somptueuses compositions frôlant l'abstraction, elle défie la révolution électrique et tire profit de la photographie, elle revitalise tous ses mystères dans le foisonnement avant-gardiste, réhabilitant la lune au passage des surréalistes précédant les cosmonautes, avant d'ouvrir enfin à nos yeux contemporains ébahis l'espace infini de visions cosmiques telle que « Nocturne en quatre parties » de Darren Almond.



Le texte d'entrée en matière – de Michaël Foessel, auteur d'un essai sur la nuit en 2018 – laisse deviner un parcours ouvert et prometteur. Les deux promeneurs de dos contemplant le spectacle grandiose d'un soleil couchant (Friedrich) en ouverture, ou le spectateur allongé à la belle étoile de Kiefer, à la fin du parcours, émeuvent pareillement dans leur invitation méditative. Van-Gogh annonce ensuite sans surprise les vertiges d'une progression en trois étapes encadrées chacune par les beaux textes de J. M. Gallais (commissaire de l'exposition) à la suite de celui de Foessel : sensorielle (I - Se perdre dans la nuit), intérieure (II - Les yeux infinis) cosmique (III - de l'intime au cosmos). La mise en page très réussie offre un vrai dialogue entre les oeuvres. Les commentaires jamais ennuyeux, je dirais sobrement inspirés, et leurs fondamentaux instructifs font s'attarder sur des contrastes superbes (Jan Sluijters/Piet Mondrian) ou des mises en regard éloquentes (E. Ruscha/G. Asse), des harmonies lunaires (L. Spiellaert) et des univers d'ombres inoubliables (Steichen, Brassaï), des visions urbaines époustouflantes (Amédée Ozenfant).



Passionnants sont aussi les artistes tous genres confondus face à la nuit. C'est Munch qui anticipe la rencontre surprenante d'un couple en apesanteur ou André Masson qui veut piéger le Soleil ; un Nu étoilé de Picasso ou un musicien qui se fait peintre (Arnold Schönberg). Voyageurs et voyeurs de la nuit scrutant des fenêtres éclairées (E. Hopper ; A. Neel ; J. Stella), noctambules, insomniaques (L. Bourgeois), allumeurs de réverbères (Magritte), interrogent la nuit entre mémoire du jour, silence des ombres et métamorphose des formes. La nuit les capture, les obsède (A. Messager) et les surprend. En grand ou en petit, en ouvrant ou en fermant les yeux, ils la mettent en boîtes et sur toile ; matière, la nuit devient céramique (Bol de nuit, David Nuur, 2018). La nuit se goûte encore à l'unité avec un biscuit en étoile ramené par Raymond Roussel d'un repas chez Camille Flammarion, cadenassé par lui dans une boîte de même taille et même forme, puis retrouvé aux Puces par Georges Bataille pour devenir un fétiche surréaliste ! La nuit capture et se capture.





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Ecrire, c'est dessiner

Immersion dans le geste, le trait;. La chorégraphie de l'écrit. Rapport à la langue, éloge des diversité. La main et le verbe se rencontrent. La poésie dialogue. Un chemin de vie toujours présente, en rapport constant avec les tumultes du monde; Traversants, traversés, les livres d'artistes nous permettent de mieux entendre, lire, toucher, tous leurs innombrables possibles poétiques et artistiques. Un voyage qui élève.

Astrid Shriqui Garain

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