La monarchie caliguléenne n'est certainement pas plus inspirée des modèles orientaux que ne l'était celle instaurée par Auguste. Elle est bien une monarchie romaine, et même purement romaine en ce qu'elle ne fait guère que mener à son terme la logique du régime créé par le vainqueur d'Actium. Une logique qui pouvait paraître d'autant plus inéluctable à Caïus qu'il était, répétons-le, le premier empereur à n'avoir pas connu la République et pouvait dès lors légitimement croire qu'il lui serait aisé de se débarrasser des oripeaux de l'ancien régime.
S'il devait payer cher cette erreur de jugement, il n'en demeure pas moins que son raisonnement n'était pas pour autant invalide, ainsi que devait le montrer la suite des événements. La puissance du sénat n'était en effet qu'un leurre, puisqu'il se révéla incapable d'imposer ses vues après la mort du souverain, la dévolution du pouvoir se jouant dans le cadre confiné de la maison impériale et de la caserne des prétoriens. Et le sort des tyrannicides, ces héros que le sénat avait célébrés alors qu'elle [sic : il] croyait avoir encore le destin de l'Empire entre ses mains, fut promptement scellé : dans les jours qui suivirent son accession, Claude ordonna ainsi l'exécution de Cassius Chaerea, bientôt suivi dans la mort par Cornelius Sabinus. Claude qui s'opposa d'ailleurs à la volonté des Pères Conscrits de condamner le souvenir de Caïus à la damnatio memoriae.
Quoi qu'il en soit, Caligula assassiné, il était désormais nécessaire de justifier son meurtre. Et pour cela, la tradition sénatoriale, opportunément alliée à la propagande du nouveau prince, allait le revêtir de tous les vices traditionnellement associés au despote. La démesure et l'impiété, comme nous l'avons vu au chapitre précédent, la luxure et l'envie, ainsi que nous allons maintenant le voir.
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L'Antiquité se révèle une terre propice au fantasme, celui d'une société parfaitement libre de mœurs, dépourvue de tabous.
1979 est une date à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire du péplum : c'est à cette date que sort sur les écrans l'un des films les plus scandaleux des années 1970, Caligula, produit par le magnat américain de la pornographie Bob Guccione.
Érigés au rang mythes, parés de toutes les vertus ou, à l'inverse, stigmatisés avec un violence parfois inouïe, ils [Germanicus, Tibère, le jeune Caius] ne sont jamais que les instruments d'un discours à valeur tant politique que morale, dont le principal objet est de dénoncer le régime abhorré auquel leur destin fut lié. p.139