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Citation de Partemps


LIONEL MARCHETTI

DIVERSES ÉCRITURES

Car il y a là une surprise qui est de taille : la rencontre avec tout un monde - parfois même avec des personnages sonores aucunement imaginés (entités venues de nulle part et qui pourtant sont bien là, à chaque écoute se renouvellent, s'enrichissent) ; la découverte de forces telluriques énigmatiques ; l'apparition d'improbables perspectives acoustiques mêlant espaces et temporalitées croisées ; la sensation physique, absolument ressentie, de
matérialités sonores et autres durées inverses, contradictoires, métamorphiques, le tout semblant répondre, c'est un fait, et au travers d'un subtil effet de contact, à l'espace poétique propre à chaque composition.
Dans l'art de l'improvisation tel que je le pratique, l'usage du haut-parleur, lié à l'amplification de corps sonores et autres effets synthétiques miroitants (le larsen - un retour sur lui-même du son) est omniprésent.
L'envie de se retrouver de la sorte détaché, cette fois ci avec son corps d'interprète, sur scène, face au public, et en profitant de la capacité d'un tel instrumentarium est tout autant essentielle.
Pour moi, idéalement, il ne s'agit aucunement de s'exprimer - mais plutôt de s'accorder à un dehors en espérant être traversé par quelque chose qui littéralement, me dépasse.
Quelque chose qui provient de l'extérieur.
Une exigence de vérité, intimement imbriquée, cette fois-ci, lors du concert, au temps réel de l'action et de l'écoute.
L'exigence d'une profonde respiration.
L'exigence d'être là.
Je parlerais, pour ce faire, et sans prétention aucune, de méditation active - d'un yoga - en ce sens, comme le dit avec des mots simples Chögyam Trungpa, d'apprécier "que chaque chose soit à sa place - ce qui est la méditation au sens large."
Le compositeur de musique concrète, pour y revenir, agence des morceaux de temps appartenant à des régimes temporels différents, ayant des caractères, des valeurs, des dimensions ou encore des signatures acoustiques différentes. D'où cette incroyable possibilité de combinaisons dans son écriture, associée à une vue d'en haut absolument détaillée, pointilliste, en couches ou en strates à l'allure quasi géomorphologique. Écriture rendue d'autant plus aisée, aujourd'hui, dans ses précisions comme sur la durée, grâce à l'outillage informatique : en cela, je
pense sincèrement que nous n'en sommes qu'au début de l'écriture musicale concrète.
Cette écriture labyrinthique, étalée parfois sur des années, c'est ce que ne propose pas, précisément, la temporalité d'une traite de l'improvisation, alors même qu'à l'inverse, et justement, celle-ci puise là toute sa force : la sève de sa vérité.
À chaque art ses spécificités.
S'il fallait faire une analogie avec d'autres disciplines, visuelles par exemple, on pourrait comparer le compositeur au réalisateur cinéaste qui travaille sur son montage pendant des années et l'improvisateur à l'acteur, ou plutôt à une performance où l'artiste (à l'ouvrage à partir de rien) respire avec le public, engagés tous deux, main dans la main, sur une même échelle de temps.
Vivant de concert la même expérience.
Je partage les deux disciplines.
Elles se répondent, l'une l'autre, riches d'une multiplicité de valeurs différentes comme deux métiers intimement entrelacés.
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