La photographie est une fonction naturelle, obligatoire, donc une délivrance. C'est un coup de foudre fait d'émotions connues : découverte, déclenchement, révélation. On sait, on sent que la photo, la bonne photo est faite à l'instant précis où on l'a prise. Curieusement, elle est à la fois déjà oubliée à partir du moment où elle est prise au piège et aussi pleine d'inconnues que seul l'agrandissement révélera plus tard, que l’œil n'avait pas vues, mais que l'organe photographique avait enregistrées.
Il y a des photos que l'on attend des années. En 1950, je vis à Marrakech une femme arabe, voilée, déambuler avec une machine à coudre sur la tête. Les circonstances voulurent que je ne puisse pas la photographier. Comme un remords, je découvris une photo semblable dans un journal américain, trois ans plus tard.
En 1954, au sortir de l'avion des Middle East Airlines, débarquant à Koweit et cette fois, appareil prêt en main, je vis et pris aussitôt une admirable femme voilée, en noir avec, sur la tête, une vieille Singer à taille fine, le tout se découpant sur un fond blanc brûlé de soleil. J'étais enfin soulagé.
Observer... un bourgeon du pommier