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Citation de mireille


Mieux que Sotheby’s ou Christie’s, mieux que n’importe quel musée au monde. Ici, la peinture t’explose à la figure, elle t’offre ce qu’elle a produit de plus génial. Elle te montre ses dessous, comme une femme amoureuse. Tu as tout devant toi : impressionnisme, cubisme, réalisme, minimalisme, tachisme, symbolisme, paysagisme, écoles flamande, italienne, française, écoles de Barbizon, de Pont-Aven, pop art, peintres célèbres, inconnus, Modigliani, Van Gogh, Cézanne – il me montra un tableau aux couleurs ocre à l’entrée du hangar, un enfant se jetait aux pieds d’un homme qui pouvait être son père, un Rembrandt, dit-il, Le Retour du fils prodigue, il vient de l’Ermitage, un de nos meilleurs coups –, et puis Gainsborough, Magritte, Kandinsky, Gauguin, Miro, ils sont ici avec Homer, Claus, Rauschenberg, Alechinsky, Pierre Blanchette, Don Lévi Cendari, Tailhardat, sans compter les lithos, les aquarelles, les eaux-fortes, les dessins, Picasso, Toulouse-Lautrec, Goya : Les Caprices et la Tauromachie du musée de Castres, et les femmes peintres, les femmes sans lesquelles rien n’aurait jamais lieu – il prit plusieurs tableaux éparpillés sur le sol et me les présenta l’un après l’autre, tel un peintre s’adressant à un éventuel acquéreur –, Berthe Morisot, dit-il, une impressionniste, et voici Finlandaise de Sonia Delaunay, ce tableau était à la mairie de Paris, pour une exposition sur Cézanne et Dubuffet, les gardiens dormaient ; là, Toyen, une artificialiste : et puis les collages de Monique Herbert ; ici un autoportrait d’Elisabeth Vigée-Lebrun (le tableau représentait une femme du XVIIIe siècle, coiffée d’un immense chapeau), il vient du Kimbell Art, au Texas, un sacré travail pour l’embarquer, tu peux faire confiance aux Américain pour surveiller les musées, Elisabeth Vigée était une portraitiste hors pair, elle a réalisé près de sept cents portraits, dont celui de Marie-Antoinette, avec qui elle était très liée. Tu vois, ce n’est pas la variété qui manque. Tiens, jette un œil là-dessus.
Il reposa ses toiles et m’indiqua un tableau où l’on voyait une femme assise sur une chaise, derrière se tenait un homme grand et barbu, et autour d’eux jouaient des enfants. Ils étaient vêtus comme dans la seconde partie du XIXème siècle.
– Le Retour de l’homme en frac, dit-il, un Elstir, un impressionniste de l’époque de Manet et de Whistler. Il a très bien connu Berthe Morisot, dont il a été l’amant. On ne le dirait pas, mais c’est un tableau extraordinaire : à partir d’une scène bourgeoise, Elstir te dégage une poésie du luxe digne du XVIème siècle. Le mari rentre du théâtre ou d’une soirée ou de n’importe où, peut-être du bordel, il retrouve sa femme est ses enfants, rien que de très banal. Mais pour peindre cette banalité, quelle force ! Le mari est encore en habit, remarque l’opposition entre les bouillons de sa chemise et les sinuosités noires de son frac. Vélasquez n’aurait pas fait mieux. Et sa femme, tu as vu ? Le velours noir de sa robe qui s’harmonise avec le noir du frac, regarde bien sa traîne, on dirait une vague bordée d’écume et de dentelles, qui répond aux bouillons blancs de la chemise du mari. Les enfants, eux, il les a peints avec des couleurs presque végétales, assorties aux nuances des tapis, des tentures et des fleurs dans les vases. Des correspondances partout, comme dans une pièce musicale – je me demandais quand il s’arrêterait avec son Elstir, mais il était intarissable –, Elstir, poursuivit-il, c’est un peintre peu connu du grand public, mais essentiel. Aussi essentiel que Gauguin. Evidemment, ce n’était pas du tout le même genre, Gauguin c’était une force de la nature, un fou furieux de la couleur, tandis qu’Elstir opérait dans la nuance et dans la délicatesse. Ils vivaient à la même époque, mais ils ne se sont jamais rencontrés. Heureusement, parce qu’ils ne se seraient pas entendus ? Pourtant, malgré leurs différences, leurs démarches n’étaient pas aussi éloignées qu’on le prétend.
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