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EAN : 9782742746361
272 pages
Actes Sud (04/02/2004)
3.27/5   47 notes
Résumé :
Au terme des nombreux déboires qui ont masqué son existence de raté exemplaire et de délinquant bas de gamme, Sébastien Ponchelet est devenu manutentionnaire dans une prestigieuse maison d'édition parisienne. il y découvre un jour un manuscrit égaré qui commence par la phrase : "Longtemps je me suis couché de bonne heure".
Ces huit mots vont changer sa vie.
Avec cette variation originale sur la création et sa réception, mais aussi sur le désir et l'inh... >Voir plus
Que lire après Longtemps je me suis couché de bonne heureVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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N°315 – Octobre 2008

LONGTEMPS JE ME SUIS COUCHE DE BONNE HEUREJean-Pierre GATTEGNO [Acte Sud].

Cela n'a l'air de rien, mais cet ouvrage illustre à sa manière très personnelle l'attrait, l'intérêt que peut susciter la première phrase d'un livre. le quidam la lit, puis, sans raison, sans savoir pourquoi, il est happé par ce peu de mots, puis poursuit avec la deuxième ... et se surprend à pousser sa lecture jusqu'à la fin sans que l'ennui s'insinue dans sa démarche, transformant le moment consacré à la lecture, que d'aucuns regardent comme un perte de temps, en un moment de pur plaisir.
Cette chronique s'est souvent fait l'écho de ces auteurs qui captent à ce point un individu que le hasard met en présence de leur livre, le transforment presque aussitôt en témoin passionné de leur voyage, lui prêtent cette merveilleuse ivresse des mots, bref en font un lecteur attentif, enthousiasmé par le récit et presque déçu d'arriver, sans s'en rendre compte, à la fin de ce roman qui lui a procuré tant d'agréments qu'il ne sait lui-même comment l'exprimer et se contente de dire que cela lui a plu. Cette grande économie de mots cache souvent une foule d'impressions à jamais inexprimées comme si c'était déflorer le livre que d'indiquer en quoi il a été à ce point attachant. C'est comme le fil d'un écheveau qu'on tire et qui se déroule en apportant à son curieux amateur un soudain intérêt.
Ainsi Jean-Pierre Gattegno prend-il pour titre de son roman la première phrase mythique d'un roman de Marcel Proust. C'est plutôt une bonne illustration, sauf qu'en ce qui me concerne, je n'ai jamais pu lire l'auteur de « Du Côté de chez Swann »!

Il y a l'histoire, celle d'un petit truand minable, Sébastien Ponchelet, que la prison met en présence d'un détenu cultivé et amateur d'art, voleur de tableaux... et grand lecteur. Pendant sa liberté conditionnelle il travaille chez un éditeur parisien, mais son emploi de manutentionnaire rend sa vie terne. Pourtant, il va croiser dans le métro une femme à qui la lecture prête un regard pétillant et un manuscrit raturé et annoté qui va bouleverser sa vie et le faire pénétrer dans l'univers des livres. Cette femme, pourtant personnage furtif de ce récit, me semble avoir un vraie épaisseur avec sa beauté énigmatique, son indifférence feinte, sa compréhension de Sébastien. Je retiens une de ses phrases «  Voilà, je préfère l'amour des livres, même quand ils sont mauvais, il y a toujours quelque chose qui les sauve... ». Elle est le prétexte à l'évocation d'un autre monde qui jouxte celui de l'édition, de l'écriture, comme Sébastien peut l'être de la peinture également évoqué à travers une foule de tableaux... et avec son pendant, celui du faux.
Même s'il ne lit pas ce manuscrit comme un passionné, ces quelques mots vont être pour lui le point de départ d'une réflexion, d'un questionnement introspectif. Les annotations et les corrections apposées successivement en marge d'un manuscrit ou d'un livre sont l'illustration d'une sorte de partition silencieuse, une discussion secrète dans un improbable huis clos entre deux personnes qui ne se connaissent pas et qui ne se rencontrerons jamais.

Il y a aussi le style, direct et sans fioriture qui rend ce texte attachant.

Cela rejoint un peu la remarque de Jean-Marie le Cléziot, Prix Nobel de littérature 2008 qui, nouvellement couronné, conseillait simplement au reste du monde de continuer à lire des romans. Celui-ci fait partie de ces ouvrages qui sont autant de moments jubilatoires dont il serait dommage de se priver.


 
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J'ai découvert cet auteur par hasard si l'on peut dire. Mais de quoi de plus normal dans une bibliothèque où regorgent de petites pépites. En cherchant un livre de Dominique Fernandez sur l'Italie que je ne trouvai pas, et laissant courir mes yeux le long du rayonnage suivant, je tombai sur « J'ai tué Anémie Lothomb ». Ce titre m'a tout de suite attiré car j'ai lu tout naturellement Amélie Nothomb, avant de réaliser le jeu de mot. Cet autre auteur que je connaissais pour l'avoir vue souvent à Apostrophes, à La Grande Librairie et lors d'interviews divers, mais sans avoir lu aucun de ces livres. J'ai quand même sauté le pas, en 2022, en lisant son premier roman, puis son deuxième. La lecture du troisième ne va pas tarder. Cela veut dire que j'aime son écriture et sa personnalité hors du commun.
Donc, avec un petit sentiment joyeux, je pris le livre de Jean-Pierre Gattégno que je dévorai avec délice. Il aurait d'ailleurs pu être écrit par celle qui se cachait dans le personnage de l'assassinée.
En rendant le livre emprunté, je demandai à la bibliothécaire de me réserver un autre livre à partir d'une autre bibliothèque du réseau puisque dans celle-ci il n'y en avait pas d'autres. Elle me cita quelques titres et je m'arrêtai tout naturellement sur un qui me « parlait », et le gagnant a été celui que je lis encore en écrivant ces lignes « Longtemps, je me suis couché de bonne heure ». Cela voulait-il dire qu'après Amélie Nothomb, il allait se pencher sur le cas de Marcel Proust.
A partir de la page 39, des indices me le confirment. C'est troublant. Mais ce qui m'a fait prendre « la plume » ou plutôt mon clavier d'ordinateur, c'est que Monsieur Gattégno m'a encore fait découvrir un autre livre en citant seulement le titre et quelques phrases du texte. le titre bien sûr, pour une ancienne bibliothécaire (un jour, bibliothécaire toujours), m'interpela encore : « Une histoire de la lecture ». La curiosité me fit interrompre ma lecture pour surfer sur le net. Je trouvai tout de suite son auteur, mais pour être sûre que ce soit le bon livre, je tapai la première phrase citée et la trouvai également. C'est le bon auteur : Alberto Manguel, écrivain et critique argentin-canadien.
C'est ce que j'aime dans la lecture, un livre en entraîne un autre, peut provoquer une rencontre avec un(e) amie sur Babelio qui vous dirige vers d'autres livres, voire son propre livre. C'est ce qui m'est arrivée avec ma nouvelle amie Afriqueah. Elle-même m'a fait rencontrer une autre amie Babeliote, amoureuse de Henry James, comme moi. On le sait, la lecture est un monde sans fin et un plaisir infini.

Pour en revenir au livre de Jean-Pierre Gattégno, il y a la lecture et il y a les tableaux. Et aussi les prémices d'une histoire d'amour. La vie tout simplement.

Mais après la lecture de ce livre, quand vous irez dans un musée, vous ne regarderez plus un tableau de la même façon qu'avant : il y a l'avant et il y a l'après, une phrase que l'on entend souvent en ce moment.
En tout cas, quand je parcourrai un certain musée où trône un certain tableau, je le regarderai avec un autre oeil, avec un certain regard, mais aussi tous les autres désormais.
Vous m'en direz des nouvelles.
A bientôt.
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Je n'aurais jamais imaginé rencontrer ce Sébastien Ponchelet, ancien délinquant mené par ses rencontres.... Sholam, son compagnon de cellule, Gabriel, grand farceur assez maladroit, mais aussi France, sa logeuse et ses deux ados mal dans leurs baskets, et puis aussi Raymond, et Denise...et bien d'autres dans ce roman psycho/policier! On verrait bien tous ces protagonistes dans un film d'action!. Je suis entrée dans l'histoire un peu méfiante et puis vite convaincue, ça touche un peu à la littérature, mais aussi aux beaux-arts. C'est bien écrit, ça m'a bien plu.
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« Longtemps je me suis couché de bonne heure », par sa simplicité apparente, dégage une aura sépia, celle des romans ou films noirs des années soixante. Viennent à l'esprit presque immédiatement des noms et des « gueules » du 7ème art qui auraient incarné ces personnages si atypiques (dans la lignée des Robert Dalban, Maurice Biraud…). A un point tel qu'un visage s'est imposé à moi pour incarner ce Sébastien Ponchelet à l'allure si débonnaire, et qui n'est autre que Belmondo (jeune). Mais bien évidemment, on ne peut résumer ce roman à cela car il y porte une vraie réflexion sur l'art, notamment comment les milieux défavorisés l'appréhendent. Qu'il s'agisse de littérature ou de peinture, la compréhension et la perception sont elles innées ou relatives à l'éducation ? Sébastien Ponchelet, délinquant au petit bonheur la malchance, va faire une étrange découverte dans la maison d'édition où il est manutentionnaire. Un manuscrit qui va éveiller ses sens, notamment par sa première phrase « Longtemps je me suis couché de bonne heure ». Ces quelques mots (célèbres déjà avant lui), et péripéties suffiront à le déstabiliser et vivre des aventures troublantes. Jean-Pierre Gattégno apporte à son personnage une vraie profondeur, où décors plantés, il va faire en peu de temps des rencontres qui bouleverseront sa vie. le style est alerte, l'écriture d'une simplicité revendiquée, nous faisant aller à l'essentiel à savoir une intrigue mêlant tour à tour des vols de tableaux, une filature amoureuse, du fantastique en la personne d'un Proust ressuscité et pas mal d'introspections. Voilà un roman populaire, très plaisant à lire.
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Sébastien Ponchelet est un petit braqueur au coeur d'artichaut. Un premier hold-up raté et le voilà en prison pour quatre ans. C'est là qu'il fait la rencontre de Sholam Rubin, célèbre détrousseur de musées et grand amateur de livres. Sébastien devient "le domestique" de Sholam qui bénéficie d'un régime de faveur et d'une cellule VIP. Grâce à quelques magouilles, Sholam facilite la libération sous conditionnelle de son protégé, lui trouve un toit chez France, une ancienne prostituée, et un boulot d'homme à tout faire chez Condorcet, une des plus grandes maisons d'édition de Paris.

"Au magasin, je travaillais avec Gabriel, l'autre manutentionnaire. Un ballot flasque et sans âge, à l'air perpétuellement égaré. Sa blouse grise, sa bedaine qui débordait de sa ceinture évoquaient l'instituteur des années 1950."

Et à cause d'une blague dont il a le secret, ce benêt va entraîner Sébastien dans une drôle de galère. En effet un soir, celui-ci trouve dans sa sacoche le manuscrit égaré que toute la maison Condorcet recherche frénétiquement, et que Gabriel y a dissimulé.
Peu versé dans la littérature, Sébastien se contente d'en lire la première phrase et le laisse traîner chez France, où vont et viennent ses deux grands ados glandouilleurs et Raymond, son amant régulier et fidèle ami du Sholam. le lendemain, le manuscrit s'est envolé.
La disparition du mamuscrit est prétexte à un enchaînement de faits qui changeront le cours de la vie de Sébastien. A moins que ce ne soit cette première phrase qu'il relit sans cesse : "Longtemps, je me suis couché de bonne heure."

Un roman à double fond, comme sait si bien les écrire l'auteur des célèbres Neutralité bienveillante et Mortel transfert. Une histoire, en apparence simple comme de l'eau de roche, qui mène son héros et les lecteurs par le bout du nez et se termine par une pirouette.
Je n'en garderai sans doute pas un souvenir impérissable mais les personnages sont originaux, se balader dans une maison d'édition est toujours instructif, et pour qui aime la peinture, on croise dans ce livre de très beaux spécimens d'oeuvres d'art ainsi que de savoureuses analyses.

Y'a pas à dire, l'art est l'avenir de l'homme !


Lien : http://moustafette.canalblog..
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
C'est de toi que parle une peinture, tu y reconnais une image inédite de toi, un désir que tu portes depuis toujours, la clé d'une énigme, même -et surtout- si tu n'en as pas conscience. Tu crois t'emparer d'un tableau. Foutaises ! En réalité, c'est le tableau qui s'empare de toi. Le vrai coupable, c'est lui, les juges n'ont rien compris. On ne vole bien que ce qu'on aime. Forcément, on le négocie bien, on fait payer au client la douleur de s'en séparer. Le voleur s'enrichit d'arrachements successsifs. Il porte en lui une douleur inextinguible, il vole et il vend. C'est sa damnation particulière.
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Gabriel m’avait mis en garde : « attention ! Quand on lit la première phrase, on est foutu. » Qu’importe ? Toute ma vie vient buter sur cette phrase. Tout ce que j’ai vu, vécu, aimé, haï, raté et parfois réussi.
Tout tient dans ces huit mots :
Longtemps, je me suis couché de bonne heure.
Que Gédéon coule des jours tranquilles à Antibes, que Raymond soit heureux en prison, que Denise vienne vite écrire sa partition sur ces pages, et que le monde tourne aussi mal que d’habitude !
Le temps s’est arrêté, je suis semblable à l’homme qui erre parmi les horloges sans aiguilles et les montres sans forme.
Alors, je me penche sur le manuscrit et j’attaque la deuxième phrase :
Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « je m’endors. »
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Mieux que Sotheby’s ou Christie’s, mieux que n’importe quel musée au monde. Ici, la peinture t’explose à la figure, elle t’offre ce qu’elle a produit de plus génial. Elle te montre ses dessous, comme une femme amoureuse. Tu as tout devant toi : impressionnisme, cubisme, réalisme, minimalisme, tachisme, symbolisme, paysagisme, écoles flamande, italienne, française, écoles de Barbizon, de Pont-Aven, pop art, peintres célèbres, inconnus, Modigliani, Van Gogh, Cézanne – il me montra un tableau aux couleurs ocre à l’entrée du hangar, un enfant se jetait aux pieds d’un homme qui pouvait être son père, un Rembrandt, dit-il, Le Retour du fils prodigue, il vient de l’Ermitage, un de nos meilleurs coups –, et puis Gainsborough, Magritte, Kandinsky, Gauguin, Miro, ils sont ici avec Homer, Claus, Rauschenberg, Alechinsky, Pierre Blanchette, Don Lévi Cendari, Tailhardat, sans compter les lithos, les aquarelles, les eaux-fortes, les dessins, Picasso, Toulouse-Lautrec, Goya : Les Caprices et la Tauromachie du musée de Castres, et les femmes peintres, les femmes sans lesquelles rien n’aurait jamais lieu – il prit plusieurs tableaux éparpillés sur le sol et me les présenta l’un après l’autre, tel un peintre s’adressant à un éventuel acquéreur –, Berthe Morisot, dit-il, une impressionniste, et voici Finlandaise de Sonia Delaunay, ce tableau était à la mairie de Paris, pour une exposition sur Cézanne et Dubuffet, les gardiens dormaient ; là, Toyen, une artificialiste : et puis les collages de Monique Herbert ; ici un autoportrait d’Elisabeth Vigée-Lebrun (le tableau représentait une femme du XVIIIe siècle, coiffée d’un immense chapeau), il vient du Kimbell Art, au Texas, un sacré travail pour l’embarquer, tu peux faire confiance aux Américain pour surveiller les musées, Elisabeth Vigée était une portraitiste hors pair, elle a réalisé près de sept cents portraits, dont celui de Marie-Antoinette, avec qui elle était très liée. Tu vois, ce n’est pas la variété qui manque. Tiens, jette un œil là-dessus.
Il reposa ses toiles et m’indiqua un tableau où l’on voyait une femme assise sur une chaise, derrière se tenait un homme grand et barbu, et autour d’eux jouaient des enfants. Ils étaient vêtus comme dans la seconde partie du XIXème siècle.
– Le Retour de l’homme en frac, dit-il, un Elstir, un impressionniste de l’époque de Manet et de Whistler. Il a très bien connu Berthe Morisot, dont il a été l’amant. On ne le dirait pas, mais c’est un tableau extraordinaire : à partir d’une scène bourgeoise, Elstir te dégage une poésie du luxe digne du XVIème siècle. Le mari rentre du théâtre ou d’une soirée ou de n’importe où, peut-être du bordel, il retrouve sa femme est ses enfants, rien que de très banal. Mais pour peindre cette banalité, quelle force ! Le mari est encore en habit, remarque l’opposition entre les bouillons de sa chemise et les sinuosités noires de son frac. Vélasquez n’aurait pas fait mieux. Et sa femme, tu as vu ? Le velours noir de sa robe qui s’harmonise avec le noir du frac, regarde bien sa traîne, on dirait une vague bordée d’écume et de dentelles, qui répond aux bouillons blancs de la chemise du mari. Les enfants, eux, il les a peints avec des couleurs presque végétales, assorties aux nuances des tapis, des tentures et des fleurs dans les vases. Des correspondances partout, comme dans une pièce musicale – je me demandais quand il s’arrêterait avec son Elstir, mais il était intarissable –, Elstir, poursuivit-il, c’est un peintre peu connu du grand public, mais essentiel. Aussi essentiel que Gauguin. Evidemment, ce n’était pas du tout le même genre, Gauguin c’était une force de la nature, un fou furieux de la couleur, tandis qu’Elstir opérait dans la nuance et dans la délicatesse. Ils vivaient à la même époque, mais ils ne se sont jamais rencontrés. Heureusement, parce qu’ils ne se seraient pas entendus ? Pourtant, malgré leurs différences, leurs démarches n’étaient pas aussi éloignées qu’on le prétend.
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Des musées, j’en avais déjà visité avec l’école. J’en gardais le souvenir de kilomètres de tableaux alignés comme pour une revue. Quand on avait fini d’en regarder un, il fallait passer au suivant, puis aux mus suivants, aux salles suivantes, aux étages suivants. Ça n’en finissait pas, à perte de vue des enfilades de couloirs, de salles, de murs, de tableaux sur les murs, de cohérence didactique, de textes explicatifs, et de tableaux encore, baignant dans une odeur douceâtre et poussiéreuse, une odeur de parquet ciré. J’étais épuisé, mes pieds criaient grâce, je ne voyais plus rien. Alors, je m’enfuyais ou j’attendais dans un coin que la visite fût terminée, dégoûté de l’instruction et de la peinture pour le restant de mes jours.
Mais ce que je vis dans ce hangar était d’une tout autre nature. Certes, les murs étaient recouverts de tableaux, de chefs-d’œuvre comparables à ceux des musées, mais on n’y trouvait pas cet agencement irréprochable destiné à instruire. Ici, aucune pédagogie de la présentation, mais de la pagaille, du foutoir à l’état brut, somptueux, celui de la richesse – la vraie, quand ruissellent l’or, l’argent, les parfums et les pierreries. Les œuvres étaient entreposées partout où il y avait de la place : accrochées aux murs, empilées par terre ou sur des chaises, formant çà et là des monticules, telles des collines émergeant de la pénombre et de la poussière ... De cette pagaille naissait une impression de splendeur comme je n’en avait jamais vu. Une magnificence qui s’étalait dans un chaos absolu. Plus que des lampes, la lumière qui illuminait le hangar semblait provenir des tableaux eux-mêmes.
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Le monde autour de lui le captivait, il s'y arrêtait, le mettait en phrases. en phrases complexes, onduleuses, qui progressaient selon une trajectoire invisible, qu'il ne prévoyait peut-être pas lui-même. Et moi à la suivre, j'avais le sentiment d'entrer dans ses phrases, de les lire, non dans leur contenu, mais dans leur mouvement -dans leur dynamique si on préférait-, et je me dis qu'au delà de l'histoire racontée dans un livre, dans n'importe quel livre, ce devait être celui-là qui liait un lecteur à son auteur, et qu'on appelait probablement un style.
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