« Aujourd'hui, la psychothérapie est plus "psycho" que "thérapie". Si elle perdure et se développe néanmoins dans nos sociétés, c'est qu'elle remplit bien d'autres fonctions que celle du soin. Elle diffuse dans la vie sociale de manière continue une représentation de questions essentielles abandonnées par les institutions publiques – en vrac : le couple, la famille, l'éducation des enfants, les différentes expressions de la sexualité, les conflits qui opposent les personnes, la jalousie, la haine, la violence, le deuil, la tristesse, le vieillissement, la mort, le rapport avec l'étranger et la vérité... On comprend qu'il ne s'agit pas de problèmes secondaires ; on comprend aussi que, malgré son retard scientifique, malgré ses difficultés à percevoir les changements sociaux, la psychothérapie est de plus en plus sollicitée. » (p. 241)
« Les psychothérapies à prétention scientifique, celles qui admettent comme prémisse qu'il existe une sorte d'organe fonctionnel comme l'"appareil psychique" de Freud, considèrent que le dialogue thérapeutique est conceptuellement pauvre, mais émotionnellement riche. C'est le contraire qui est vrai ! Toute émotion est concentrée dès le premier instant dans le conflit théorique.
La plupart des énoncés du patient sont des tentatives pour convaincre le thérapeute du bien-fondé d'étiologies préexistantes, individuelles, familiales ou même parfois professionnelles. Les réactions du patient aux questions que lui pose son thérapeute répondent à la théorie qu'il suppose être à l'origine de sa pensée et on au contenu de son discours. » (p. 43)
« Peut-être est-ce en ceci que réside la principale différence entre thérapies traditionnelles et thérapies savantes : les scientifiques ont évacué les invisibles. Dans leur "volonté de faire science", ils ont commencé par les disqualifier pour ensuite les chasser du champ de l'efficace. Or leurs concepts gardent la trace de ce combat – concepts qui sont restés ce qu'ils étaient dès l'origine, des invisibles laïcisés. Freud avoue lui-même qu'il a métamorphosé les "démons" en "pulsions". » (p. 72)
« Qui parle lorsque s'installent la souffrance et la maladie ? La pulsion, c'est la pulsion qui parle, prétendrait sans doute le psychanalyste ; les neuromédiateurs, s'exclamerait sans doute aussitôt le psychiatre, les neuromédiateurs affamés qui réclament leurs molécules... les esprits cannibales, trancherait alors Louisa !... » (p. 78)