Connaît-on un pays étranger lorsque, après quelques années d'études secondaires, on en a seulement appris la langue? On ne connaît pas davantage la peinture, lorsqu'on a seulement appris les lois des couleurs, ou la musique lorsqu'on s'est initié au solfège. L'âme d'un peuple est portée par une civilisation, une civilisation s'exprime dans une histoire, des techniques, une littérature, un art, une façon particulière de vivre la vie quotidienne.
Pour donner à nos lecteurs, une connaissance plus complète de la France, nous avons entrepris de brosser un tableau de la civilisation française, telle qu'elle s'est modelée à travers les âges. Siècle par siècle, l'histoire, la vie quotidienne, les sciences et les techniques, les arts, la littérature, sont exposés dans leurs rapports mutuels et selon leur lien profond avec un même esprit. Nous avons fait une large place aux citations, pensant qu'il était vain de disserter sur un auteur littéraire sans donner quelques extraits de son oeuvre, vain également d'exposer les préoccupations politiques, scientifiques, artistiques d'une époque, sans laisser les politiciens, les savants, les artistes nous confier eux-mêmes leur idéal, leurs difficultés, leurs espoirs.
Francis Jammes naquit dans le Béarn en 1868. Il sut tirer, d'une paisible vie provinciale à Orthez, puis à Hasparren (pays basque) où il vécut à partir de 1921, l'inspiration de nombreux recueils d'un lyrisme rustique original. (...) Il y exprime son amour des bêtes, des fleurs, des champs, des pauvres gens et, à partir de sa conversion, en 1906, une foi qui se veut modeste et populaire, avec une simplicité et une naïveté extrême ; il refuse toute habileté littéraire, parce qu'il pense se montrer ainsi plus humble et plus sincère.
On peut considérer Chrétien de Troyes comme un des premiers romanciers français. Ses oeuvres proposent des réponses diverses à une même question : un chevalier doit-il servir d'abord sa dame, ou sa gloire? Dans Erec et Enide, l'aventure passe avant l'amour ; Cligès ou la fausse morte (1164) exalte la fidélité parfaite ; Lancelot (vers 1168) illustre la soumission totale du chevalier capable de passer pour couard, si sa dame le demande, car "moult est, qui aime, obéissant". Le conflit entre les exploits et l'obéissance, à la dame fait encore le sujet de Yvain ou le chevalier au lion (1170). Mais dans Peerceval (vers 1182), d'ailleurs inachevé, l'idéal religieux remplace l'idéal chevaleresque.
Les "chansons de geste" célèbrent les exploits des grands personnages historiques ou légendaires. (...) Ainsi se trouve popularisée la figure du chevalier : hardi au combat, d'un courage invincible, doué de forces plus qu'humaines, toujours prêt à se battre pour son seigneur et pour son Dieu. Ses étonnantes prouesses frappaient les imaginations. On admirait ce sentiment de l'honneur qui ne connaît pas de défaillance, cette foi puissante qui sait accepter les souffrances et la mort même, comme les épreuves qui auront leur récompense en Paradis.
(...) Parmi ces héros, le plus connu est Roland, neveu de Charlemagne, l'un des douze pairs.
Anouilh s'affirme un des grands auteurs dramatiques de son temps.
Que ses pièces soient classées en "Pièces noires" ou "roses" ou "brillantes" ou même "grinçantes", selon leur tonalité générale, quelques tendances dominantes nous permettent toujours de nous orienter dans l'univers d'Anouilh. Chez les meilleurs de ses personnages, il existe un désir puissant, poignant de pureté et d'intégrité, qui peut se confondre avec l'amour parfait ou tout simplement la sincérité à l'égard des autres et de soi-même : cette attitude est assez proche de l'héroïsme cornélien et Antigone n'est pas si éloignée de Polyeucte...
Le public aristocratique se lassa le premier de la simplicité et de la rudesse des chansons de geste. Dès la deuxième moitié du XIIe siècle, il était prêt à accueillir des formes d'art nouvelles. (...)
La dame (latin : domina) prend la première place. Elle est comme la suzeraine. C'est pour elle, désormais, et non plus pour son Seigneur et son Dieu, que le chevalier accomplit ses prouesses. (...)
C'est pour satisfaire aux exigences de ce public que sont écrits, dans la deuxième moitié du XIIe siècle et au XIIIe siècle, les romans d'aventures et d'amour. C'est à lui aussi que s'adressent les si nombreuses chansons d'amour composées par les troubadours et les trouvères.
(...)
La légende de Tristan et Iseut passa de Bretagne en France au milieu du XIIe siècle.
Les lettres de Mme de Sévigné sont le plus vivant reportage sur la vie et l'histoire, au jour le jour, du dernier tiers du XVIIe siècle. Les grands événements de la cour, de la ville et de la province y sont évoqués : le procès de Fouquet, le passage du Rhin, les troubles en Bretagne, le mariage de Lauzun, la mort de Vatel, les échos mondain sur la faveur croissante de Mme de Maintenon, la disgrâce de Pomponne, l'affaire des poisons, les grandes premières théâtrales, rien ne manque à ce commentaire minutieux des petits et grands événements du royaume ; les faits divers du voisinage s'y insèrent tout naturellement, comme dans une conversation vive et spontanée...
Musset a sans doute donné avec Lorenzaccio (1835) un des chefs-d'oeuvre du drame romantique. Cette histoire du meurtre d'Alexandre de Médicis par son neveu Lorenzo est remarquable tant par la peinture puissante de ce héros septique et idéaliste qu'on a pu comparer à Hamlet, que par la juste évocation de l'atmosphère de Florence au XVIe siècle.
Contemporain des grands romantiques, né un an après Victor Hugo, Mérimée a écrit la presque totalité de son oeuvre avant 1850. Pourtant l'influence romantique le marque assez peu, sauf dans ses premiers romans qui s'attachent à faire revivre, à travers les siècles et dans leur vérité colorée, des époques où se déchaînaient les passions, et dans plusieurs de ses récits qui témoignent de son goût pour le fantastique.
Contrairement à la plupart de ses contemporains, il a le souci d'être impersonnel. Même dans l'évocation d'une scène pathétique, il n'a garde de se laisser gagner par l'émotion et se retranche derrière l'exactitude sobre de sa peinture, parfois jusqu'à la sécheresse.
L'oeuvre de Voltaire est riche en contradictions apparentes, comme sa vie même. Il utilise tous les genres, la tragédie, l'histoire, l'épopée, l'épître, le pamphlet, l'article de dictionnaire ; il se montre à la fois désireux de réformer la société et charmé par la vie mondaine de son temps, philosophe au sens critique aigu et homme d'action et de combat, impitoyable avec ses adversaires et capable de générosité et de dévouement pour ceux qu'il aime.
Il a su pourtant se donner peu à peu une unité interne, autour de quelques grandes lignes de force : l'humanisme, le désir de vérité, l'art de vivre.