La saturation du temps médiatique en période de confinement par ces débats tournant en rond et le décalage qui apparaît avec la gravité de la situation permettent de prendre conscience de l’impasse dans laquelle nous étions engagés. La première chose à faire est sans doute d’éteindre le poste, de prendre un livre. À la fin du confinement, à titre individuel, c’est promis, on changera le fond sonore pendant la vaisselle du soir. On ne voudrait pas, quand même, relever de la sentence de Bernanos qui écrivait (en 1944 !) : "Être informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles. "
La communication s'enseigne mieux sur un fond d'ignorance, comme la lumière se propage plus vite dans le vide qu'à travers un solide en verre. Pour apprendre à parler avec aplomb de n'importe quel sujet, mieux vaut n'en véritablement connaître aucun.
(...) bref, on donne une opinion sur tout, alors qu'on ne sait à peu près rien, que les données manquent, que la variation d'un paramètre peut tout changer.
Bien sûr, c'est la société tout entière qui, depuis longtemps, est frappée par l'obsession des réunions où on n'apprend rien, où les banalités roulent de l'un à l'autre et d'où on sort sans avoir rien décidé, mais les palabres d"'informés" sur les médias dominants ont la quintessence.
Surtout, on s’interroge sur cette "élite" très particulière à qui on a négligemment confié le "skeptron", simple bâton qui, dans les assemblées de la Grèce archaïque, passait de main en main et conférait le droit à la parole. On confesse qu’il y avait déjà, avant la crise, des activités dont on n’était pas bien fier mais auxquelles on se laissait aller, par lassitude, après une journée de travail. Écouter tels ou tels "informés" sur le coup de vingt heures – il n’était pas alors question d’applaudir sur son balcon –, en préparant le dîner ou en faisant la vaisselle, était de celles-là.
(...) il va falloir former des "élites" qui ne soient pas que des communicants.