C’était ça, les réseaux sociaux : une minute, tout le monde t’aime et te couvre d’éloges ; la suivante, on te fait la morale en te traitant de tous les noms.
Sur les pages Facebook et Twitter de Blake Dozier, il y avait plus d’un millier de commentaires. D’abord admiratifs de son selfie, ils étaient devenus compatissants après l’annonce de sa disparition. Une rafale de messages du style : « Blake, fais pas le con » et « Blake, reviens » remplissait le fil d’actualité.
À peine quelques heures plus tard, leur ton était devenu beaucoup plus virulent. Un internaute suggérait que Blake n’avait pas été enlevé et avait organisé cette mise en scène pour donner plus d’impact à sa photo. Un autre, qui l’avait soi-disant connu au lycée, l’accusait d’être un sale con qui l’avait harcelé ; il ne serait pas étonné qu’on le retrouve mort dans un fossé à la suite d’une mauvaise rencontre. Un troisième, qui pratiquait lui aussi la varappe, affirmait qu’il n’avait pas le droit de se prétendre grimpeur en solo puisque la roue ne mesurait que quarante-cinq mètres de haut. C’était ça, les réseaux sociaux : une minute, tout le monde t’aime et te couvre d’éloges ; la suivante, on te fait la morale en te traitant de tous les noms. Oscar espérait que le père de Blake Dozier ne lisait pas ces propos répugnants.
Brusquement, la musique retentit. Sans qu'il pût déterminer d'où elle venait, il reconnut immédiatement la ritournelle stridente :
Bienvenue à Wonderland !
Ici c'est toujours le bonheur
Qu'on ait trois ans ou quatre-vingt trois
Des jeux, des rires et de la joie
À Wonderland, et nulle part ailleurs !
Elle ne voulait plus de lui et ne reviendrait pas dessus. Elle l’avait jeté. Bien entendu, tout n’était pas à mettre à la poubelle : sur le plan sexuel, il avait vécu un truc de ouf. Il n’empêche, c’était trop injuste. Bianca avait le pouvoir – elle était la patronne ; lui un pauvre petit Wonderboy.
C’était dur de la croiser quotidiennement. Elle le calculait à peine. Malgré les mots doux qu’elle lui avait susurrés, les choses qu’elle lui avait faites et qu’il n’avait vues que dans les films pornos…
« Sans pouvoir se défendre, il le vit avancer vers lui.
Ses pattes griffaient le ciment froid, ses petites dents acérées luisaient sous ses moustaches.
Blake ouvrit la bouche, prit une grande inspiration pour hurler à pleins poumons.
Aucun son ne sortit.
Il n’entendit que le grattement, qui se rapprochait de plus en plus. »
Tout le monde en est capable. Sans exception. C'est une question de circonstance, de lieu, de moment. Chaque être humain peut en éliminer un autre.
Did you kill her?
Ha. Right. I was just a kid when she died.
Like there was a minimum age requirement for monsters
Le monde est magnifique… à condition de s’élever suffisamment.