Jill Smolinski

Prochain point sur la liste: Embrasser un inconnu.
-Qu'est ce que tu penses de celui là ?
Le type que me désignait Susan était tellement beau gosse que c'en était bizarre de le voir là, en chemise-cravate dans un bar de Los Angeles, plutôt qu'à la place, qui, de toute évidence, était la sienne: une pub de sous-vêtements pour homme à la télé.
-Sois réaliste.
-Quoi ? C'est juste un baiser.
Facile à dire, ce n'était pas elle qui devait le donner. [...]

Manque de chance, le concept général du laser tag m'échappait. La salle était si sombre que je n'arrêtais pas de me perdre dans le labyrinthe. Mon pistolet ne tirait rien de visible, et je n'ai jamais compris comment j'étais supposée le recharger. Plus tard, ils se sont fichus de moi sous prétexte que j'avais été tuée et que je ne m'en étais même pas aperçue. Apparemment j'avais participé à trois parties après ma mort, tel un fantôme appuyant encore et encore sur la détente sans jamais atteindre personne.

...lorsque j'ai vu ce que j'ai aussitôt reconnu comme "ma" vague enfler avec magnificence dans mon dos. Juste avant qu'elle ne me percute , j'ai pris conscience de mon erreur. Une terrible , terrible erreur. Il ne s'agissait pas de ma vague . C'était le Chrysler Building . Le Kilimandjaro . La grande muraille de chine , ses milliers de kilomètres dressés à la verticale près de s'effondrer sur moi.
Ce qu'elle a fait , me pétrissant et m'envoyant tournoyer en tous sens , de sorte qu'il m'était impossible de différencier le haut du bas . J'ai atterri violemment sur le sable à plusieurs reprises , pour me retrouver chaque fois aspirée en arrière ,ou vers le fond, ou dans toute autre direction, excepté à l'air libre. Les poumons au bord de l'explosion , je me suis obligée à suivre le conseil de mes anciens instructeurs de troisième : ne jamais lutter contre la vague. Aussitôt, celle-ci m'a recrachée sur le rivage sans ménagement ni cérémonie.

je veux me marier! je veux des enfants! me lamentais-je avec amertume en prenant ma douche le matin. Pourquoi les autres récoltaient-elles mari et gamins comme s'il s'agissait d'un droit divin, alors que pour moi ça tenait des travaux d'hercule? Je n'étais pourtant pas gourmande. Un mari, un seul. Certaines femmes de mon âge en avaient déjà deux ou trois. A tous les coups, le mien se trouvait parmi eux. Et j'étais prête à parier qu'elles avaient aussi mes gosses!

Chanel avait décidé elle aussi de porter un corsage "moche". Une attention dont j'aurais apprécié toute la délicatesse s'il ne s'était pas agi du même que moi.

Si je mourrais maintenant, quelle serait ma nécrologie? June Parker, petite amie par intermittence, employée sans histoire et élève velléitaire tout au long de sa vie, morte en attendant qu'il se passe quelque chose. Elle laisse derrière elle un paquet de chaussettes neuves, cet achat représentant sa plus belle réussite parmi les "choses à faire" rayées sur son pense-bête.

Un autre point sur la liste. La liste que je m'évertuais à faire oublier, alors qu'elle était l'unique raison de notre présence ici.

Finalement, je me suis retrouvée à rester de plus en plus tard chaque soir, mais je n'ai pas vraiment pris conscience du changement avant le jour où ma mère a appelé pour me parler d'un finaliste éliminé d'"American Idol". J'avais oublié de regarder l'émission ! Pas la totalité de la saison, juste deux ou trois épisodes, mais quand même. (ça m'a rappelé ces gens qui s'aperçoivent qu'ils ont un petit creux à la fin de la journée et s'exclament : "Mince, j'ai oublié de manger !" ça non plus, ça ne m'était jamais arrivé.)

" - A ton avis, je dispose de combien de temps ? ai-je questionné, m'attendant déjà à une réponse évasive.
- Difficile à dire.
- Imagine que tu as un revolver pointé sur ta tempe. Quelle serait ton estimation ?
- Trois semaines.
- Vraiment ? Si peu ?
- Non, mais j'ai un revolver sur la tempe. Je dis n'importe quoi."

" - Assieds-toi près de moi pendant la séance de dédicaces. Émets des œstrogènes. C'est tout.
- D'accord, ai-je soupiré. Mais t'as intérêt à être vraiment gay.
- Attends. Tu crois qu'un hétéro porterait des chaussures à ce prix-là ?"