Jilliane Hoffman

Tous les producteurs de cinéma se ressemblent, et leurs buts aussi. Ils veulent que vous alliez voir leur dernier film. Ce film de plusieurs millions de dollars sur lequel ils ont travaillé pendant des mois. Et pour cela, ils essaient de vous persuader que leur Film est génial, avant même que vous entriez dans la salle. Ils veulent que, impressionnés par leur bande-annonce de deux minutes, vous couriez voir vos parents et vos amis pour leur dire: «C'est un super film!», même si vous ne l'avez pas vu. Ils veulent que vous achetiez les affiches, les T-shirts et tous les autres produits, et que vous attribuiez l'Oscar du meilleur rôle, tout cela avant même d'avoir acheté votre billet. Et beaucoup le feront, sans avoir vu le film. Tout cela à cause d'une bande-annonce de deux minutes palpitante qui les a assurés que c'était un super film. Le prochain gagnant des Oscars.

Aux échecs, on obtient la victoire en enfermant son adversaire dans un piège dont il ne peut plus sortir, par une série de mouvements complexes, mais en apparence insignifiants. Le plus grand plaisir, c'est de murmurer échec et mat à l'imbécile abasourdi qui est assis en face de vous et qui, jusqu'à cet instant, prévoyait ses prochains coups pour s'emparer de votre reine.

Un « inoffensif » voyeur devient un cambrioleur. Un cambrioleur devient un violeur. Un violeur devient un meurtrier. Il s'agit de passer à l'étape suivante du fantasme. Et chaque fois qu'il commet un crime sans être pris, le futur meurtrier devient plus téméraire, les frontières des anciennes interdictions disparaissent et l'étape suivante devient toujours un peu plus facile à entreprendre. Les violeurs en série ne s'arrêtent que lorsqu'ils ne peuvent plus continuer. À cause de la prison, d'une incapacité physique qui les empêche de commettre leur crime, ou de la mort.

Une relation construite sur la tromperie et le mensonge était comme un château de cartes. Elle finissait toujours par s'écrouler.

Le vin c'est excellent pour les migraines : on oublie qu'on a mal à la tête.

La vie n'était qu'un coup du destin, voilà pourquoi certaines personnes se faisaient renverser par un bus en rentrant chez elles après un enterrement et pourquoi d'autres gagnaient deux fois au loto.

Des années s'étaient écoulées depuis cette horrible nuit, mais le temps n'avait pas guéri les blessures, et en tout cas, il n'avait pas effacé, ni même atténué le souvenir. Elle se rappelait encore chaque minute, chaque seconde, chaque détail, chaque mot. Même si elle avait réussi à continuer à vivre normalement, en apparence du moins, il y avait des choses qu'elle n'arrivait pas à surmonter malgré ses efforts, et certains jours ressemblaient à une lutte psychologique pour tenir le coup. Cette nuit-là, toute sa vie s'était arrêtée, privée en un instant du sentiment de sécurité.

Il y a des limites à ce qu'une personne peut supporter dans la vie.

C'est ça le problème quand on raconte un mensonge. Très souvent, tu ne te souviens pas exactement de ce que tu as raconté.

Le pouvoir est une illusion.

L'odeur écœurante de la mort pénètre même les meilleurs tissus, et aucun détergent, aucun détachant ni lavage à sec ne peut débarrasser les vêtements de cette odeur; de même que rien ne peut effacer cette odeur de la mémoire d'une personne qui a vécu cette expérience.

Ne montez jamais dans la voiture. Laissez-le vous tirer dessus dans la rue, laissez-le vous pourchasser avec une batte de base-ball, hurlez,débattez-vous, mais ne montez pas dans la voiture. Car une fois que vous êtes montée, c'est foutu

Elle était consciente de chercher des échappatoires,de se cacher la vérité ; elle enfonçait la tête dans le sable chaud de Californie en espérant que les problèmes disparaîtraient d'eux-mêmes. Elle savourait ce fantasme.

Un problème paraît toujours plus gros si tu le gardes dans ta tête, lui avait dit son père un jour. Si tu le partages avec quelqu'un, tu t'en rendras compte.

Ce n'est pas parce qu'on ne voit pas une chose qu'elle n'existe pas.

La vie n'était qu'un coup du destin, voilà pourquoi certaines personnes se faisaient renverser par un bus en rentrant chez elles après un enterrement et pourquoi d'autres gagnaient deux fois au loto. La solution pour éviter de se faire écraser par un bus, c'était de ne pas marcher dans une rue sombre.

Elle postula pour un poste de nuit au bureau des réservations de l'hôtel Marriott à l'aéroport La Guardia. C'était un immense hôtel, toujours très animé, avec des centaines d'employés dont aucun ne connaissait son nom. Elle travaillait dans un bureau isolé, avec des écouteurs sur la tête, loin du public et des regards inquisiteurs. Ce n'était pas comme ça qu'elle allait devenir associée d'un cabinet d'avocats et ses parents ne seraient pas fiers d'elle s'ils savaient la vérité (...)
Elle occupait ce poste depuis seulement un mois lorsqu'elle reçut l'appel. Il était presque 6 heures, elle approchait de la fin de son service.
-Hôtel Marriott La Guardia. Bureau des réservations. Puis-je vous aider ?
-Oui. J'ai loupé mon avion malheureusement et American Airlines ne peut pas me trouver une autre place avant demain matin. Je vais avoir besoin d'une chambre. Vous avez quelque chose de disponible ?
Elle reconnut en fond sonore "que les brebis paissent en paix" de Bach.
-Je vais voir. Etes vous membre du club Privilège Marriott ?
-Non
-Chambre simple ou double monsieur ?
-Simple
-Fumeur ou non ?
-Non fumeur s'il vous plaît
-Pour combien de personnes ?
-Une seule. A moins que tu aies envie de me rejoindre, Chloé.
Son coeur cessa de battre. Elle arracha les écouteurs pour les jeter par terre et elle les regarda comme s'il s'agissait d'un cafard.
Adele, la responsable vint voir ce qui se passait, accompagnée de plusieurs employés de la réception.
-Ca va ? demande Adele.
Chloé eut un mouvement de recul en sentant une main se poser sur elle.
Avait-elle vraiment entendu ces paroles ?
Les fissures se multipliaient et se ramifiaient. La façade n'allait pas tarder à s'effondrer. Elle regardait avec effroi les écouteurs qu'Adele ramassait par terre.
Chloé recula vers la porte en saisissant son sac posé sur la table. Les murs se mirent à tournoyer. Des voix résonnèrent dans sa tête.
Une jolie fille comme ma Chloé ne devrait pas rester toute seule.
Tu es si appétissante que j'ai envie de te manger.
Si seulement tu m'avais laissé passer la nuit avec toi.
Soyez certaine que nous poursuivons l'enquête activement.
Elle traversa en courant le parking du Marriott jusqu'à sa voiture, comme si elle avait le diable à ses trousses (...)

C'étaient des images qui, ensuite, ne vous quittaient plus. Elles s'insinuaient dans vos rêves,elles teintaient votre réalité. Très vite, il devenait impossible d'imaginer une limite à ce qu'un être humain pouvait infliger à un autre être humain.

C'était au policier qu'il incombait, normalement de décider quelle quantité de faits justifiait une arrestation, et pas au procureur. Pouvait-on légitimement penser qu'un crime avait été commis et que le coupable était ce type? Délicat, enfin,car les policiers avaient parfois tendance à déformer la réalité pour la faire
coller au crime en question. Ou inversement, à éliminer des détails cruciaux.

Il considéra le bordel harassant qu'était devenue sa vie quotidienne. Chasser les putes de la rue, renvoyer les junkies dans leurs tanières et expédier les sans-abri sur un autre banc, plus loin. Après cela, il pouvait s'attendre à devoir maîtriser un mari violent qui venait de tabasser sa femme, et peut-être se rendrait-il sur le lieu d'un accident de voiture provoqué par un imbécile imbibé qui essayait de retrouver le chemin de la maison.