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Citation de coco4649


 Plus tard, il s'installa à son bureau en mourant
d'envie d'écrire un poème sur les porcelets, mais pas
un poème comique. Ce serait un poème intimiste,
qu'il garderait secret, car il suffisait de prononcer
le mot « cochon » pour que certaines personnes
souffrant d'un incompréhensible complexe de supé-
riorité se mettent à pouffer de rire. Le cochon était
non seulement comestible, mais aussi méprisable.
Il bouillonnait d'indignation lorsqu'il s'agissait
de défendre les cochons. Les rejetons de la race
humaine chient dans leurs couches au moins pen-
dant toute la première année. Mais qui donc se
moque de ses semblables ? Comment écrire un
poème motivé par la rage ? Selon les historiens, le
cochon constitua la vraie raison de la ruée vers
l'Ouest. Sans cochon, il n'y aurait pas eu de côte
Ouest. Les cochons suivaient les convois de chariots,
l'esprit obnubilé par la poignée de maïs qu'on leur
donnerait en guise de dîner. Ils fouillaient le sol à la
recherche de légumes comestibles pendant que le
bétail s'éloignait en rêvant à de plus vertes prairies.
 Son poème porcin connut un certain nombre
de faux départs er, finalement, il se sentit tellement
épuisé qu'il prit sa voiture pour rejoindre la ville et le
saloon. La poésie a parfois ce genre d'effet. Soit on se
retrouve au septième ciel, soit on barbote en pleine
dépression. On pond un premier vers formidable,
mais la pensée n'est pas assez puissante pour en
enchaîner d'autres et, au beau milieu de la création,
les mots s'ennuient et se font la guerre. Nos carnets
sont remplis de ces fragments, le shrapnel de nos
intentions. La vie est pingre en conclusions, voilà
pourquoi on se bat souvent pour achever un poème.
Certains sont perdus à jamais. On se promène par-
fois en ruminant plusieurs versions d'un même texte
qui n'aboutissent à rien. On est l'esclave de cette
langue du chaos qui nous fait cogiter des jours et des
semaines entières. Quand le poème finit par fonc-
tionner, on nage dans le bonheur et on oublie les
difficultés passées, tout comme on oublie très vite ses
souffrances. Les comportements extrêmes constatés
chez les poètes s'expliquent sûrement par ces ten-
sions. Quand l'esprit passe autant de temps dans la
fièvre, il crée certains dérangements qui, depuis long-
temps, sont à l'origine de nombreuses blagues chez les
universitaires….

p.81-82
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