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Citations de Jo Frehel (18)


Abraham Gerritz avait le charme exotique. Noir de poil, sombre de peau, il portait, coquetterie de marin, les cheveux longs et bouclés jusqu'au milieu du dos. Il n'avait pas encore trente ans mais son visage mature témoignait d'une vie passée sur le pont des navires. Sa peau cuite par le sel et des soleils trop ardents avait pris la couleur des pots de terre, et son sourire facile s'efforçait de faire oublier les outrages du scorbut.
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Au sud du Portugal, les navires trouvèrent les alizés qui les portèrent au large des côtes d‘Afrique. Ils lâchèrent toutes leurs voiles et, penchés par la houle, ils furent comme trois grands oiseaux blancs volant vers les mers australes où, dans l’imaginaire de chaque passager, vivaient des monstres aquatiques et des peuples de géants. On quittait le monde connu dont la limite était symbolisée par cette ligne équatoriale que d’aucuns se représentaient comme un trait dans le ciel ou au fond de la mer. Au-delà commençaient l’inconnu, le sauvage, l’indompté, le païen, dont on ne serait libéré, si Dieu le voulait, que dans six mois au moins, en abordant cette Hollande du bout du monde, ce pays de cocagne qu’était, à ce qu‘on disait, la ville de Batavia. En même temps on quittait l‘hiver européen.
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Ces arbres-là, Messieurs, sont immortels, nous le serons avec eux !
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Sarah pensait à la femme rousse qui abandonnait le cruel capitaine, son pouvoir et sa richesse. Renonçant à comprendre les agissements des Blancs, elle se réjouit simplement que le démon n'ait plus de raison de vivre sur la terre des Koïs.
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Écrire ce roman a été pour moi une tentative de dépeindre ce peuple extraordinaire dans sa pureté originelle, loin des maux dont ils sont affectés depuis que, grâce à l’Occident, ils sont entrés dans l’Histoire
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Aussitôt arrivée, Nomi répandit quelques poignées de graines sur une large pierre plate et sortit la meule de sa cachette. C'était une jeune épousée et ses aînées la laissaient prendre sa place, dans la tribu, effectuer cet acte ancestral, réservé aux femmes sages, les kungkas, qui, depuis la nuit des temps, savaient transformer de simples graines en délicieuses galettes.
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Les deux anciens entraînèrent Nyiki dans une anfractuosité dont les parois étaient ornées de peintures. Il en fut ébloui, ces motifs très élaborés parlaient à son âme, pourtant ils ne ressemblaient en rien à ceux que les gens du désert lui avaient appris à tracer. Des formes humaines massives, aux épaules larges, le fixaient de leurs gros yeux ronds et leur tête rayonnait. Ils n’avaient pas de bouche. À leurs côtés s’éparpillaient de petites silhouettes humaines et animales, noires et longilignes.
- Les esprits ancestraux vivent dans la pierre dit Oruncha, le quartz est leur enfant… Ceci est un lieu secret, ici nos ancêtres chamanes ont collecté les quartz depuis des générations.
Il s’accroupit, une jambe repliée sous lui et, fermant les yeux, passa sa main brune et noueuse sur les cailloux qui l’entouraient. Le geste était sensible et presque voluptueux, comme si les morceaux de roche étaient des êtres vivants. Il soupesait chacun et parfois il avait pour lui un mot affectueux : « Toi tu es grosse, mais pas encore prête… » ou bien : « Toi, tu seras excellent en ton temps ». Finalement il en saisit un, le prit à deux mains tendrement, et ouvrit les yeux. C’était une pierre toute semblable aux autres. Les pupilles du vieil homme brillèrent de contentement et se fixèrent sur le garçon, il eut un sourire entendu :
- Le cristal vit à l’intérieur de celui-ci comme le Rêve dans ton esprit. Son essence a été préparée dans le temps sacré, à présent il est prêt à naître.
D’un geste vif il la frappa avec une autre pierre, elle se fendit en deux et les cristaux étincelants apparurent. Le jeune homme émerveillé regarda le vieux chamane accoucher la matrice minérale de la pierre magique. À petits coups précis, il débarrassa complètement le cristal de sa gangue. Il resta un petit morceau de quartz très pur qu'il mit dans le soleil. La pierre étincelante diffracta la lumière. Il la tendit à Nyiki.
- Ce cristal est pour toi, lui dit-il, pour fortifier ton lien avec le monde sacré.
Le visage du jeune homme rayonna, il prit l'objet respectueusement, le serra longtemps dans sa main, sentit sa pulsation, puis il le mit dans une petite sacoche qu'il portait autour du cou. Il lui sembla avoir enfin trouvé sa place. Oruncha considéra son étrange physique, ses yeux très ouverts couleur du ciel, ce nez étroit que l’os passé dans le septum élargissait à la base. « Sa différence l’affermira » pensa-t-il.
- Tu dois connaître une autre chose que nous, les nyangkaris, ne révélons à personne… Suis-moi.
Les trois hommes reprirent leur marche au sein de l’immense cirque de pierre. Nyiki était impressionné par la majesté du site, autant que par les secrets qu’on lui révélait, il se sentait petit et indigne. Il y avait de nombreuses failles dans la falaise et il comprenait que c’était là la demeure des esprits, ceux qui dormaient dans la roche et dont l’image peinte était dévotement entretenue par des générations d'initiés. Oruncha s’arrêta devant l’une de ces fissures, elle était à flanc de falaise. Il demanda que l’on ramasse quelques feuillages secs et y mit le feu. Pendant que l’amas de branches brûlait, Oruncha chanta. Il demanda la clémence des esprits pour ceux qui allaient pénétrer dans leur demeure. Puis les trois hommes se mirent à escalader la falaise. Oruncha peina et ses deux compagnons durent l’aider. Ils se faufilèrent dans l’étroit passage et se retrouvèrent dans une obscurité presque totale. Au début, leurs yeux éblouis ne discernaient rien, puis Nyiki vit qu’ils étaient dans une petite grotte aux parois peintes de ces mêmes figures sans bouche et aux orbites vides qu‘il avait déjà vues sur les rochers. Il avait peur mais s’appliquait à n’en rien montrer. Oruncha le prit par la main et l’entraîna tout au fond de l’excavation. Entre les pierres, quelque chose captait le peu de clarté. Il se pencha et vit qu’il y avait là, en grand nombre, de ces petites pierres dorées rondes, plates et brillantes qu’il voyait pendre au cou des faiseurs de pluie.
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Et l'enfant parut, naissant avec le jour, se tortillant, tout luisant dans la clarté de l'aube.
Immédiatement elle coupa le cordon avec ses dents. Puis elle souleva le bébé d'une main, et de l'autre enterra le placenta. Nomi, épuisée, se laissa glisser sur le sol.
- C’est un garçon, souffla Nagarankura
- Donne-le moi, dit Nomi
Mais l’autre avait encore beaucoup à faire avec le nouveau-né. Elle l’emmena à l’écart, hors de la vue de sa mère, et fit courir ses mains sur son corps des pieds à la tête. « Un bel enfant » pensa-t-elle et le poids qui pesait sur sa poitrine disparut. Après quoi, elle alimenta le feu de tjanpi et tint le nourrisson un moment dans la fumée. Il poussa son premier vagissement.
- La fumée est comme l'existence spirituelle qui précède et suit la vie, la cendre est ce qui reste de la vie, prononça-t-elle à voix basse comme si le bébé pouvait déjà la comprendre, puis elle l’enduisit de cendre qui, sur le petit corps encore humide, forma une pellicule blanche.
L’ayant déposé dans un pitchi, elle coupa le cordon ombilical avec un couteau de pierre et le torsada pour en faire un collier, établissant le lien spirituel avec l'Ancêtre Kalaya qui lui donnait la vie.
Elle le reprit dans ses bras et souffla dans ses narines le nom sacré de son totem, puis elle lui sourit, enfin joyeuse. Après quoi elle replaça l’enfant dans le pitchi qu’elle déposa auprès de Nomi.
- Grand-mère, demanda celle-ci avec un peu d’inquiétude, comment dois-je faire ?
- Souviens-toi de la femelle malu, répondit la Vieille, et tu sauras.
Nomi, toujours appuyée contre le tronc qui l’avait aidée à accoucher, prit alors le bébé contre sa poitrine et s’endormit, la vieille femme veillant sur eux.
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Pierre l'observait affectueusement et patiemment, puis il n'y tint plus :
- Est-ce qu'elle est jolie ?
Marc se renversa sur sa chaise, la nuit était là, les lumières orange de la rue brillaient sur le feuillage. Il poussa un profond soupir :
- Elle est bien plus que ça !
- Je suis si content, mon garçon !
- Pierre, ne t'emballe pas, c'est juste une fille qui cherche un boulot…
- Et alors ? Si elle te plaît, fonce ! Ne t'occupe de rien d'autre…
Il y avait dans les yeux de Pierre, toute la force de son affection pour Marc. Connaissant sa mollesse, il martela :
- Marc, tu ne dois pas la laisser passer ! J'ai hâte de la connaître…
Le jeune homme en eut les larmes aux yeux. Il pensa au faux contrat qu'il venait de faire, assorti d'un salaire mirobolant, et se sentit absous.
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Jo Frehel
La pluie avait lavé le ciel qui, le soir tombant, devenait parme. Des nuées s'effilochaient au couchant et s'embrasaient. Marc se sentait un homme neuf, pauvre et libre. Il se demanda si les pluies étaient finies.
Il installa une chaise dehors face à la grande forêt, prit une cigarette, hésita, c'était un luxe qu'il ne pouvait plus guère se permettre. Il l'alluma néanmoins et fuma en laissant son esprit monter dans l'air chaud et se poser au sommet du grand fromager. De là-haut, il contempla le petit homme assis sur une chaise d'école, les coudes sur les genoux, devant un bâtiment à toit de tôle rongé de rouille. « Et bien, s'esclaffa-t-il, toi qui rêvais de changer de vie, te voilà servi ! » Il eut quelques flashs de son existence passée, les choses reprenaient leur place. Il n'en voulait à personne, pas même à lui.
Il se souvint de la monotonie des jours alors qu'il s'appelait encore Marc Faugier, le gris, les rêves, et puis l'« accident », criminel et libérateur. Puis tout de suite après… Margie… Chère Margie ! Ni bonne ni mauvaise… Humaine, simplement. Il était sûr qu'elle avait fait bon usage de l'argent.
Le cœur de Marc était grand. Il se renversa dans sa chaise, détendu, et, pour la première fois se mit à considérer ce qui lui était arrivé ces derniers mois avec quelque indulgence pour lui-même. C'était comme s'il avait été happé par une force puissante, contre laquelle la volonté ne pouvait rien. Il avait traversé beaucoup d'épreuves, avait aimé et souffert, et maintenant, il ressentait ce pays charnellement, comme une pulsation, un grand corps animé où une étrange alchimie mêlait le bien et le mal, la vie et la mort, le beau et le sordide, la charité et la cupidité… Ici les pires dangers devenaient anodins, la démocratie se monnayait chez les sorciers, les collégiennes tapinaient, les bonnes sœurs couchaient avec les guérilleros, le Dieu des cathos s'arrangeait avec les Esprits de la Terre. On l'avait dépouillé et soigné, il avait failli mourir mais il se sentait, à présent, étrangement vivant.

Un quartier de lune surgit au-dessus des arbres, une brise se leva, amenant vers lui des senteurs de terre et de moisissures.
Des tambours résonnaient aux loin, c'était l'heure des féticheurs.
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"Le maître d'école, je l'avais déjà vu de loin, un grand homme sec portant une blouse grise, toujours une baguette à la main, il me faisait peur. Il habitait tout près de l'école. Nous l'avons trouvé assis devant chez lui, mâchant du bétel. Quand il nous a vus de loin, il a froncé les sourcils qui ont formé une ligne noire inquiétante, un peu comme s'il ne pouvait croire ce qu'il voyait.
Une fois devant lui, j'ai baissé la tête pour ne plus la relever. Ratni m'avait fait des tresses avec des rubans au bout, mais lui devait regarder mes pieds nus, mes habits usés, ou peut-être qu'il réfléchissait. J'espérais qu'il allait nous chasser. Mais il a craché un jus rouge qui est allé soulever la poussière un peu plus loin, puis il a dit :
— Guhan, j'ai entendu de drôles de choses sur toi.
— Drôles ? Il n'y a rien de drôle à réclamer justice ! Je veux que ma fille aille à l'école, je veux qu'elle sache lire et écrire."
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Des danseur couverts de plumes de cacatoès frémissantes, collées sur leur peau avec leur propre sang, sautaient au rythme des boomerangs entrechoqués.
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La proximité de l'étrange campement du peuple venu de la mer, entretenait une grande anxiété. Au début, tous étaient très excités de voir cet endroit et ces gens dont les chasseurs leur avaient raconté l'apparence et les agissements.
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- Voyez-vous, dit Gerritz, notre mission repose sur le dialogue avec les populations… Ces gens ont un langage, on les appelle Aborigènes, du latin Absque aborigine, tout comme les Romains nommaient les premiers peuples.
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Aussi, il referma les yeux, se pelotonna dans son lit de sable et serra plus étroitement le ventre de la femelle dingo qu'il tenait contre lui. Celle-ci bailla, étendit ses pattes avec délices, puis elle lui échappa et s'ébroua énergiquement.
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Le lendemain, Abraham Gerritz s'étira avec la délicieuse sensation d'avoir vraiment dormi pour la première fois depuis longtemps. Il se sentait plein de reconnaissance pour ce peuple accueillant qui ressemblait beaucoup à celui de l'île de Java, que les Hollandais traitaient avec un très grand mépris.
Le village s'appelait Kovalima, il était bâti à flanc de colline sur un petit plateau qui permettait des cultures, et constitué de huttes de torchis arrondies au toit de paille semblables à tous les villages de ces îles. Les hommes étaient partis dans les champs dès le lever du jour et les femmes entretenaient de petits jardins à la périphérie du village. Gerritz vit des oignons, des choux-raves, des piments et d'autres feuillages et racines qu'il ne reconnut pas. Il se dit alors qu'avec les porcs et les nombreux poulets qu'ils voyaient vagabonder, une honnête prospérité régnait sur Kovalima.
Les gens, tout comme ceux de Java ou de Surabaya, étaient de petite taille et bien faits, ils avaient le teint foncé et leurs cheveux, allant du crépu au bouclé, qu'ils portaient longs, étaient retenus par de larges bandeaux. Leur vie, simple et à l'écart des tourments du monde, semblait les avoir préservés du raffinement cynique et silencieux des Javanais.
Le marin soldat qu'il avait été autrefois, avait dû brûler sur ordre, les récoltes de girofles de semblables villages lorsque la Compagnie décidait de protéger son monopole. Il avait été aussi dans les îles de la Sonde pour mater des révoltes de paysans. Quant aux indigènes qui vivaient à Batavia, ils étaient des serviteurs traités plus mal que les animaux. Il repensait à tout cela avec quelques remords en découvrant ces aimables indigènes.
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Un livre incroyablement émouvant.
Je l'ai lu d'une traite avec cette merveilleuse sensation d'être dans un film.
La plume de Jo Frehel est extrêmement sensitive.
On voit, on entend, on touche, on respire les odeurs.
Le livre est hyper documenté.
On y est...
Comment est-ce possible, se dit-on, tant de détails sur les intouchables par exemple ?
A-t-elle vécu en Inde ?
Pas une seule fois, on ne se croit dans une fiction.
Les personnages existent sûrement quelque part...
Un livre qui restera longtemps dans mon coeur, malgré des scènes très dures et ce sentiment de colère ressenti, par rapport aux souffrances et à l'injustice infligés aux femmes dans le monde.
Petite Uma, je ne t'oublierai pas.
Et toi non plus, François, même si je t'ai détesté souvent.
Les souffrances de l'enfance font des ravages dans le cœur de l'adulte.
Elle est dure la vie, quand on subi tant...
Merci Jo

Cette auteure écrit depuis une quinzaine d'années et publie sous le nom de Jo Frehel.
Elle a publié 8 romans et 2 recueils de nouvelles.
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 Mais dans la tempête, il faut réduire la voilure, temporairement, je l'espère, et un poste improductif en moins ce n'est pas négligeable ... 
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