Mardi 16 mars, Myriam Saligari était invitée à la librairie Elan Sud pour la parution de son roman Promesses d'avril, le 3e opus de la trilogie sur l'amour, le désir, la gourmandise et les arts. L'entretien était animé par Corinne Niederhoffer.
C'était la première grande rencontre depuis 2 ans en intérieur et le public était ravi de retrouver cette ambiance.
Cécile Marinelli nous a fait la surprise de chanter et jouer You don't know what love is, souvent joué par John Coltrane
car la chanson se promène dans la tête d'Alice, le personnage principal du roman.
Amy Cros et Dominique Lin ont lu des extraits du roman, et le public qui avait déjà lu le livre ont exprimé leur plaisir à Myriam et l'envie de la retrouver sur ce thème, quite à écrire un 4e opus de cette "trilogie"
L'ambiance était très détendue.
Après une séance de dédicaces et quelques minutes en privé avec l'auteure, les convives se sont retrouvés autour des plats et boissons apportés par chacun, permettant de prolonger encore ce moment très convivial et littéraire.
Pour lire les premières pages et commander le livre :
https://elansud.com/97-promesses-d-avril.html
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Tu sais, Don, je lisais aujourd’hui même un livre sur la vie de Van Gogh, et j’ai dû m’arrêter et penser à cette force magnifique et tenace — l’urgence créatrice. L’urgence créatrice était en cet homme, qui se trouvait lui-même en total désaccord avec le monde dans lequel il vivait, et malgré toute l’adversité, les frustrations, les rejets, etc. — un art vivant et magnifique est sorti de lui à profusion… s’il pouvait être là aujourd’hui ! La vérité est indestructible. Il semble que l’histoire montre (et c’est la même chose aujourd’hui) que le précurseur est plus souvent que le contraire confronté à un certain degré d’ostracisme ; habituellement à la mesure de son degré d’éloignement des modes d’expression ou autres qui prévalent. Le changement est toujours difficile à accepter. Nous voyons aussi que ces précurseurs cherchent toujours à revitaliser, développer et reconstruire le status quo dans leurs domaines respectifs, chaque fois que c’est nécessaire. Le plus souvent, ils sont rejetés, hors-la-loi, considérés comme des citoyens de seconde zone, etc. précisément dans ces sociétés auxquelles ils apportent tant de substance. Ce sont des gens qui vivent le plus souvent de terribles tragédies personnelles dans leur propres vies. Dans tous les cas, qu’ils soient acceptés ou rejetés, riches ou pauvres, ils sont toujours guidés par cette constance extraordinaire et éternelle — l’urgence créatrice. Chérissons-la et adressons nos louanges à Dieu.
Lettre de John Coltrane à Don DeMichael, 2 Juin 1962
Introduction
(...)
Il avait réussi à être le musicien le plus copié après Parker et Bud, il avait créé le courant le plus important du Free Jazz, et maintenant, comme une sorte d'apprenti-sorcier, il était dépassé par certains éléments qui parvenaient à aller plus loin que lui dans le sens de la puissance et de la violence: Archie Shepp, Pharaoh (sic) Sanders, Albert Ayler... Il était très impressionnant à cet effet de l'observer à Antibes improvisant inlassablement dans sa chambre sur un fond musical provenant d'un enregistrement qu'il possédait d'une concert d'Albert Ayler au Judson Hall. Visiblement, Coltrane cherchait à s'inspirer de l'esprit de cette musique qu'il avait suscitée, mais qu'il ne pouvait plus jouer physiquement. Bientôt c'est par transfert que Pharaoh (sic) Sanders allait devenir le porte-parole de l'aspect puissance/violence que Coltrane confessait ne plus pouvoir créer seul. A-t-on remarqué à ce sujet que dans les enregistrements Trane/Pharaoh (sic), ce dernier ne joue pratiquement que dans une style confiné à la violence, alors que Trane s'adjuge la voie lyrique? On aurait pu émettre l'hypothèse que Sanders était incapable de jouer autrement, mais à dater du jour de la disparition de Coltrane, on a découvert un saxophoniste au contraire obsédé par le chant lyrique que Trane créait à se côtés et qui par la force des choses s'était évanoui à jamais.
(...)
Si nous avons la chance d'être attirés par toutes les richesses que nous laissent entrevoir les improvisations coltraniennes, entre autres, une confiance en soi et une ambition qui donnent le vertige, une discipline qui frise l'ascétisme, un souci de plus en plus avoué de rejoindre ce qui, au-delà de ses diverses apparences, représente l'essence véritable de la musique et cette façon d'exprimer l'angoisse de l'homme qu'on ne retrouve aussi insistante que dans peu d’œuvres artistiques de ce siècle, nous sommes sensibles à tout cela et à bien d'autres choses encore, alors nous pourrons accompagner Coltrane dans sa progression, sinon, nous ne le rattraperons probablement jamais.
Introduction de l'"Entretien avec John Coltrane (1962)" par Jean Clouzet.
Un grand merci pour m’avoir envoyé le beau livre d’Aaron Copland, Musique et imagination. Je l’ai trouvé très utile d’un point de vue historique et dans l’ensemble bien documenté. Toutefois, je ne crois pas que tous ses principes soient pleinement essentiels ou applicables à un musicien de « jazz ». J’ai l’impression que ce livre s’adresse plutôt à un compositeur américain classique ou semi-classique qui est confronté au problème, que Copland a bien vu, de ne pas se sentir comme faisant partie intégrante d’une communauté musicale, ou ayant des difficultés à trouver une philosophie positive ou une justification à son art. Le musicien de « jazz » (cette appellation ou un autre du même genre que celles qu’on nous a collées sur le dos, peu importe) n’a pas du tout ce problème. Il n’y a absolument aucune raison pour que nous nous fassions du souci à propos d’un manque de philosophie positive ou affirmative. Elle fait partie de nous. Le phrasé, le son de cette musique en témoignent. C’est un don naturel. Je peux t’assurer que nous serions tous morts depuis belle lurette si ce n’était pas le cas. Et quant à la communauté, la terre tout entière est notre communauté. Tu vois, pour nous, c’est plutôt facile de créer. Nous sommes nés avec ce sentiment qui s’exprime simplement quelles qu’en soient les conditions. Sans quoi comment crois-tu que nos pères fondateurs auraient pu produire cette musique au début, alors qu’il ne fait aucun doute qu’ils vivaient (comme pas mal d’entre nous aujourd’hui) au sein de communautés hostiles, où il étaient sans cesse confrontés à la peur et avaient vraisemblablement peu de choses auxquelles ils pouvaient se raccrocher. Toute musique qui peut grandir et se développer elle-même comme l’a fait notre musique, doit avoir en elle une sacrée dose de conviction positive. Quiconque prétend douter de cela, ou prétend croire que les représentants de notre musique de liberté ne sont pas guidés par cette même idée, est soit de parti pris, musicalement stérile, carrément idiot ou encore a une idée derrière la tête. Crois-moi, Don, nous savons tous que ce monde de « Liberté », qu’un grand nombre de gens semble craindre aujourd’hui, a sacrément à voir avec cette musique. En tous cas, j’ai trouvé chez Copland pas mal de points positifs. Par exemple : « Je ne peux pas imaginer une œuvre d’art qui soit sans convictions implicites. » – Moi non plus ! Je suis sûr que toi et d’autres aurez apprécié et appris beaucoup de choses dans ce livre si bien écrit.
Lettre de John Coltrane à Don DeMichael, 2 Juin 1962.
Celui [le thème] que je considère comme ma meilleur composition est Naima mais je ne peux pas le jouer à chaque concert.
Je ne me suis jamais demandé si les gens comprennent ce que je fais. La réaction émotionnelle est la seule chose qui m'intéresse. Du moment que cette communication instinctive s'établit, la compréhension n'est plus nécessaire.