[...]Akhtar n’avait probablement jamais tabassé personne de sa vie. Tout dans ses mouvements transpirait la peur : il cognait n’importe comment, sans viser, impatient d’en finir au plus vite. Stijn lui avait dit qu’il ne fallait pas de sang. Pourtant, il s’était emparé de ce pied de chaise et, avec un haut-le-cœur, avait frappé à la tête.
[...] Stijn fit un pas en arrière, sortit son Zippo et l’alluma. Sans hésiter une seconde, il l’approcha du blouson de l’homme et l’y laissa un instant, le temps que le feu prenne. Le tissu s’embrasa en produisant un bruit semblable à celui d’un feu de cuisinière qu’on allume après avoir laissé le gaz ouvert quelques secondes. Les flammèches bleues qui éclairèrent momentanément son visage se transformèrent très vite en flammes jaune orangé, si chaudes que Stijn sentit ses sourcils chauffer. Il recula et, fasciné, contempla le spectacle.
Une vraie maladie, cette obsession du résultat. On leur fourrait ça dans le crâne dès l'école de police, rien d'autre ne comptait. En d'autres termes, il fallait toujours obtenir une inculpation. Non pas une condamnation, car, si le juge la rejetait ou si le jury déclarait l'accusé non coupable, ce n'était plus de leur ressort. Le haut commandement lui-même n'échappait pas à cette manie.
L'arôme du café chatouilla son odorat et, savourant par avance les délicieuses gorgées, il porta une cigarette à ses lèvres, disposé à réaliser la fusion de ces deux merveilleuses sensations si dévaluées par la propagande médicale.
Elle posa son front sur le volant et s'imprégna du silence. Comment avait-elle échouée ici ? Comment en était-elle arrivée là? Elle ne croyait en rien, ni en Dieu ni en une quelconque religion. Elle n'avait pas de code moral à proprement parler. Pourtant, la culpabilité la rongeait. Elle n'avait rien d'une sainte. Elle était pire que les agresseurs et les violeurs d'enfants qu'elle passait ses journées à traquer. Eux, au moins, croyaient en quelque chose-en eux-mêmes déjà. Elle fonctionnait en pilote automatique, comblait les heures. Elle ne vivait pour rien.
C'est une charmante enfant. Ce qu'est son père, ce qu'il a fait, nous importe peu. Parce que vous êtes des nôtres. Parce que nous savons comment ça fonctionne. La vie est rarement un long fleuve tranquille. Nous sommes bien placés pour le savoir, non ?
Il la regarda tout en sachant qu'il n'en sortirait pas indemne. Cela avait toujours cet effet sur lui. Il avait besoin de cultiver cette colère. Cela l'aidait à avancer.