Willard se nettoya avec la chemise de la fillette, maintenant poisseuse de sang et de sueur. Cobb sortit une bière fraiche de la glacière pour Willard, et commença à se plaindre de la moiteur de l'air. Ils la regardèrent sangloter - elle émit quelques bruits étouffés, puis resta silencieuse. Il faisait si chaud que la bière de Cobb, encore à moitié pleine, était déjà tiède. Cobb la lança sur la forme gisante. La boîte atteignit la fillette au ventre, l'éclaboussant de mousse, puis roula sur le sol poussiéreux, à côté d'autres cadavres de fer blanc issus de la même glacière. Pour le moment, elle avait reçu douze boîtes de bière à moitié pleines, en entendant les deux hommes éclater de rire à chaque tir. Willard avait du mal à toucher sa cible, Mais Cobb faisait mouche à chaque fois. Ils n'étaient pas du genre à gâcher de la bière, mais on pouvait mieux viser avec une boîte pleine, et c'était drôle de voir la mousse gicler partout.
La bière tiède se mêla à son sang et dégoulina sur son visage, son cou, pour former une flaque brune sous sa nuque. Elle ne bougea pas.
(...)
- Qu'est-ce qu'on en fait ? demanda nerveusement Willard.
- Sais pas, répondit Cobb, guère plus serein. Mais il va falloir se décider avant qu'elle dégueulasse le camion. Regarde-là pisser le sang, elle en met partout.
Willard réfléchit un moment en terminant une bière.
- On a qu'à la jeter d'un pont, proposa-t-il, fier de lui.
- C'est une idée. Une sacrée bonne idée ! File-moi une bière, ordonna Cobb à Willard, qui fit le tour du camion en titubant pour aller prendre deux nouvelles boîtes à l'arrière.
- Elle a même foutu du sang sur la glacière, annonça-t-il alors que Cobb remettait les gaz.