Staline ne laissait jamais de traces écrites de ses stratégies politiques. Sa pensée s'adaptait constamment aux circonstances. Il pouvait patienter pendant des années, comme ce fut le cas avec Boukharine, avant d'éliminer un rival. Il tirait avantage des circonstances et changeait souvent d'avis de façon apparemment incohérente. Plutôt que de ses laisser guider par une engagement idéologique, la tactique de Staline s'appuyait entièrement sur les circonstances. Il était d'une patience infinie et suivait toutes sortes de pistes jusqu'à ce qu'il juge le moment opportun pour passer à l'action.
Staline était cruel et sans scrupules mais il n'agissait jamais avec précipitation. Il savait contrôler sa brutalité. C'était un personnage multiple, méfiant, sombre, souvent illogique, changeant et prudent. Souvent n on ne peut se faire qu'une vague idée des activités de son entourage dans ce système sur lequel il exerçait un pouvoir sans limites. Toutes les structures de l'Etat et du gouvernement étaient soumises à sa volonté, il contrôlait jusqu'aux détails des plans de voyage des membres du Comité central et du Politburo. Quiconque voulait voyager en dehors de Moscou devait d'abord obtenir l'accord de Staline. Tous ceux qui montraient le moindre signe d'indépendance ou d'autonomie étaient immédiatement punis. Ils étaient forcés à l'exil ou pire encore.
Staline forgea un monde selon sa volonté.
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Il est paradoxal que les intentions bolcheviques de construire une société utopique fondée sur une égalité radicale aient pu produire tant d'ennemis aussi rapidement. Cette contradiction s'explique en partie par le besoin de prendre le contrepied des fondements des démocraties libérales occidentales en concentrant tous les pouvoirs dans l'Etat. Seule une telle démarche pouvait garantir le forme et le degré d'égalité à laquelle les bolchevicks aspiraient. D'un point de vue politique, il en résultait que l'individu ne comptait pas. Cette égalité se fondait sur une absence de droits plutôt que sur un ensemble de droits. Le chanteur de renommée mondiale F.I. Chaliapine rapporte dans ses Mémoires qu'en 1917, un bolchevik lui expliqua que la première chose à faire pour le gouvernement communiste, une fois au pouvoir, serait de "supprimer" les gens de talent, les intellectuels et les artistes. Chaliapine était stupéfait et perplexe. L'explication était pourtant simple : dans le nouvel Etat "personne ne devait avoir un quelconque avantage par rapport à un autre. Le talent détruit l'égalité". Chaliapine s'enfuit en France immédiatement après la révolution.
- dis nous tout, et nous
décideront nous mêmes ,
de ce qui est vrai et de qui
est un mensonge.