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Citation de Morgouille


Rien n’est plus misérable que le souvenir du bonheur, position qu’on peut occuper de divers points de vue, comme nous le verrons dans certains des chapitres suivants. Dans le même ordre d’idées, à moins qu’il ne s’agisse d’un ordre d’idées opposée, rien n’est plus plaisant que la perspective du bonheur, et quand je dis « rien, je n’emploie pas ce mot à la légère. Car le bonheur en soi, se disait Maria, n’avait guère de poids comparé au temps passé soit dans sa perspective, soit dans son souvenir. En outre, l’expérience immédiate du bonheur paraissait complètement détachée de l’expérience de son attente ou de son souvenir. Jamais elle ne le disait, quand elle était heureuse : « C’est ça, le bonheur », et jamais donc elle ne l’identifiait comme tel au moment où elle le vivait. Ce qui ne l’empêchait pas de penser, quand elle ne le vivait pas, qu’elle avait une idée très claire de ce qu’il recouvrait. La vérité, c’est que Maria n’était vraiment heureuse que lorsqu’elle pensait au bonheur à venir, et je crois qu’elle n’était pas seule à adopter cette attitude absurde. Il est plus agréable, allez savoir pourquoi, d’éprouver de l’ennui, ou de l’indifférence, ou de la torpeur, en se disant : dans quelques minutes, quelques jours, quelques semaines, je serai heureux, que d’être heureux en sachant, fût-ce inconsciemment, que le prochain sursaut intérieur nous éloignera du bonheur. L’idée du bonheur, qu’il soit prospectif ou rétrospectif, éveille en nous des émotions beaucoup plus fortes que la seule émotion du bonheur. Fin de l’analyse.
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