Sur la route du nord
Ces minuscules oratoires
au bord des routes, jamais plus hauts
que quiconque priant à genoux, commémorent un corps
qui fut là démantibulé et tué.
À l’intérieur, dans sa nef infime, s’accommode
la mémoire de ce corps
comme un chien aérien blessé.
Où allais-tu, le corps,
quels parents quels travaux s’abolirent avec toi. Ici s’affrontèrent
avec fracas
ton passé et ton avenir
et tu fus réduit à un battement aveugle du monde, sans mémoire,
absurde, égal à zéro.
Et nous, les 60 corps vivants qui voyageons dans cet autocar véloce
nous nous fêtons
joyeusement comme des insensés, nous nous embrassons
parce que la bouche est un bienfait
et nous chantons d’aimables chansons de voyage
qui ne parlent de la finalité ni de celui-ci ni d’aucun autre voyage.
Je crois que nous voyageons librement. Et vous, paradoxaux
démantibulés, vous êtes
un meilleur rappel
à notre bref supplément d’avenir
que ces ponctuelles bornes kilométriques.