Le fait d’être acteur aidait beaucoup, et je jouai la comédie pendant tout le week-end en répondant poliment à toutes les questions, alors que le cœur n’y était pas. Je voulais rentrer chez moi dans mon petit appartement ou voir Lou, mais, à la place, j’étais à Lille… Je me sentis oppressé tout le week-end, soit par mes parents qui faisaient du mieux qu’ils pouvaient pour passer du temps avec moi, soit parce qu’ils cherchaient à en savoir toujours plus sur ma vie déprimante.
J’aimais lire des romances, cela me faisait rêver – j’allais régulièrement à la bibliothèque faire mon plein de livres. Le programme de français au collège m’avait montré un petit peu ce qu’était le théâtre et j’y avais joué une scène d’Antigone avec mes amies. Les cours de français m’avaient toujours passionnée et j’avais eu l’occasion de voir les spectacles des options théâtre du lycée en fin d’année lorsque j’étais en seconde et en première. En terminale, j’avais intégré cette option et j’aimais travailler sur le plateau. Je me sentais bien, mais j’avais arrêté ces cours en même temps que les autres…
Avant, j’étais quelqu’un de très fêtard et joyeux, mais dorénavant, je n’avais plus envie de m’amuser et mon envie de vivre s’était rétrécie à la suite de l’accident de voiture qui avait coûté la vie à ma petite sœur à la fin juin de l’année précédente. Je m’en voulais d’être encore là à vivre, alors qu’elle n’était plus là. Je m’étais jeté à corps perdu dans le travail pour ne plus penser et ressentir ma peine. Mes parents avaient quitté la maison de mon enfance, ils avaient déménagé – tout en restant à Lille – dans un appartement.
Je lui aurais bien dit qu’elle ne ressemblait pas vraiment à une adulte actuellement, mais préférai me taire, ne voulant pas recevoir ses foudres. Elle avait changé radicalement d’humeur en un laps de temps si court que c’en était effrayant. Je n’avais pas l’habitude des crises de nerfs de cette sorte, les seules dont je me souvenais étaient celles de ma sœur quand elle était enfant lorsqu’elle voulait à tout prix quelque chose que mes parents lui refusaient. J’avais désormais une vie tranquille digne d’un senior.
Je trouvais ça plutôt mignon ! Je pensais que cela n’arrivait que dans les films, mais il fallait croire que non. Je n’avais aucune idée de ce que je pourrais mettre dans une telle liste…
Pour moi, vivre à la capitale était synonyme de liberté : boire des verres en terrasse devant de superbes monuments, aller voir des expositions, des concerts… J’effectuai des recherches sur son quartier et découvris qu’il habitait dans le Quartier latin et qu’il n’était pas très loin du Panthéon. Je regardai des photos du quartier et m’imaginai ce garçon dans cet environnement. Finalement, je le trouvais gentil. Il avait l’air de s’intéresser à moi et j’avais envie d’en savoir plus sur lui.
Évidemment, une partie de moi avait envie de la voir, mais une autre me disait que je pourrais être déçu si elle avait menti sur son physique ou encore si la complicité que nous avions par messages ne devait plus être la même une fois que nous serions réunis. Cela faisait plus de deux semaines que nous échangions… Je savais que la majorité des personnes sur les sites de rencontres ne mettaient pas autant de temps à papoter par messages avant de se voir.
Je rêvais d’un conte de fées, d’un beau prince charmant arrivant sur son cheval blanc. Mais dans la vie, le prince charmant se tirait toujours avec la mauvaise princesse et cette princesse, ce n’était pas moi. Mon amie, Val, me rabâchait – à chaque fois que je lui racontais une déception amoureuse – qu’à notre époque, les vraies rencontres se faisaient sur les sites dédiés. Pour moi, ils n’étaient qu’un moyen d’enchaîner les aventures sans lendemain.
Elle était même tout sourire et m’avait fait la bise d’une façon si naturelle que j’en étais décontenancé. Elle était exactement comme sur les photos et elle semblait bien avoir une vingtaine d’années, ce qui me soulagea. Je lui offris la rose achetée un peu plus tôt et elle me remercia tout sourire. J’étais un romantique de la première heure et, dans tout bon film romantique, l’homme offrait une rose, il me paraissait ainsi normal de faire de même.
Peut-être allais-je rencontrer l’amour de ma vie. Car c’est bien là l’objectif d’une vie : rencontrer la personne avec qui tu passeras toute ta vie et avec qui tu seras heureux. N’ayant jamais vécu une relation durable, je ne connaissais ce sentiment qu’à travers tous les films romantiques que j’avais vus – et j’en avais vu une paire ! Cela faisait plus d’un an que je n’avais pas eu de rendez-vous amoureux et je risquais d’être sacrément rouillé !