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Citation de Partemps


Josyane Savigneau
Ce que représente une voix qu’on entend tous les jours et qui soudain se tait ? Le moment n’est pas venu de le dire. Alors parlons de Sollers qui, lui, est toujours là. Je l’ai lu bien avant de le rencontrer. A la fac, au tout début des années 1970, mes condisciples, qu’on n’appelait pas encore « branchés », étaient des Telqueliens fanatiques. Moi, Sollers en pape de l’avant-garde, ça me laissait un peu froide. Mais je leur disais : « c’est un très grand écrivain ». Sacrilège ! le roman est mort, il n’écrira plus jamais de fiction. Ils négligeaient Lois (1972) que je lisais et relisais, sans tout comprendre, et que je viens de rouvrir. « Lui nommé ainsi par nécessité leur rendant ainsi leur force mort-née… ». « Les femmes se branlent fondamentalement à partir des morts, leur salive est donc plus acide ». Une phrase qui tombe à pic ces jours-ci.

L’année suivante H, j’étais loin… New York, et je ne l’ai lu qu’à mon retour deux ans plus tard. La fac était déjà oubliée et je me mettais en route pour un tout autre métier.

Avec Paradis, j’ai su que j’avais eu raison contre les fameux Telqueliens ne croyant pas à la fiction. Chef d’œuvre. « Pauvres femmes au contraire on les plaint on leur veut du bien obligées de faire semblant d’être folles de tourner enfin pigeon vole d’être ligotées dans l’ovol c’est pas qu’on les aime c’est pas qu’on les aime pas on les voit on les étudie, leur courage, leur ténacité leur sens des réalités bien comptées leur sinistre nécessité leur sublime animosité ».

Quand est arrivé Femmes, je venais de quitter les faits divers et les cours d’assises pour venir au « Monde des livres ». Bien trop craintive pour rappeler cette phrase à ceux que j’entendais dire qu’il avait trahi l’avant-garde, qu’il était « tombé » dans le « roman-roman » ou qui cherchaient « les clés », les descriptions de personnages connus, pour s’en indigner. Bien trop « petite » pour écrire sur lui. Sollers avait oublié que, dans le concert de critiques infectes, il y avait eu dans Le Monde un magnifique papier de Jacqueline Piatier. Il en est convenu quand il a été republié, il y a quelques années.

Ensuite… c’est une trop longue histoire. En 1987, juste avant qu’il ne commence à écrire régulièrement dans Le Monde des livres, j’ai fait avec bonheur une « une » sur Les Folies françaises, titrée « Sollers d’été, Sollers d’hiver ». Roman pour moi toujours magique. Puis je me suis interdit d’écrire sur ses livres. Sauf en 1993, quand, au Monde, on l’a exigé, comme une réponse aux calomnies qui avaient cours.

Celui que je lis, relis et relirai ? Passion fixe. Parce que Dora n’est pas Dominique, mais est aussi, et d’abord, Dominique et son magnifique « rire de gorge ». « Je la regarde. La beauté, en réalité, est une bonté vive, profonde, tendue comme il faut, marquée par la douleur. Beauté : bonté avertie. Laideur : ignorance haineuse. La beauté est l’intelligence du mal, la laideur la bêtise d’un faux bien menteur ».

Me revient la dernière phrase de l’autre Philip, Roth, mon « huger », comme Sollers le surnommait, dans Patrimoine : « On ne doit rien oublier ».

Alors, Agent secret : « Contrairement aux apparences, je suis plutôt un homme sauvage, fleurs, papillons, arbres, îles ». La comédie sociale, qui a déjà commencé autour de son cadavre, ne pourra rien effacer.
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