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Citations de Josyane Savigneau (38)


Josyane Savigneau
Aimer un écrivain, c'est vouloir qu'il ne cesse jamais d'écrire.
(préface de Conte bleu, de Marguerite Yourcenar)
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Elle aimait la parole, et la sienne a été jusqu'au bout à la hauteur de son écriture. Même dans la conversation, elle ne trébuchait jamais, n'hésitait pas, ne s'autorisait aucune de ces phrases brusquement rompues et reprises ailleurs, sans souci de cohérence. [...]. Elle avait le goût de convaincre, d' être entendue, et possédait, tout en s'en défendant, une sorte de dessein pédagogique universel. Et puis il lui plaisait de s'écouter parler. Non dans le sens sottement vaniteux qu'on attribue communément à cette expression, mais pour le plaisir de manier, avec l'infinie dextérité qu'elle savait posséder, sa langue. Lorsqu'il lui arrivait, comme à chacun, de dire des banalités, son phrasé, à lui seul, empêchait son auditeur de les juger telles.
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M. Yourcenar se plaint de ces lugubres supermarchés aux murs ripolinés avec leur absence presque totale d'employés, qui élimine les contacts humains et la musique mécanique coulant comme du sirop de mauvaise qualité.
Et ces produits partout pareils, les trusts, les monopoles et l'étranglement de la concurrence finissant par donner aux épiceries capitalistes la même
lugubre uniformité qu'aux magasins des états socialistes.
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Et si la mort la surprenait pendant ce périple ? Elle qui avait tant pensé, tant dit, tant écrit qu'il ne fallait pas mourir par inadvertance, mais au contraire ne rien manquer de cette expérience ultime, du dernier passage; elle qui voulait mourir les yeux ouverts, sentir la mort s'insinuer en elle, vivre cette mort en quelque sorte, éprouvait désormais une espèce d'indifférence. Comme elle l'avait dit, elle était prête. Qu'importaient la date, le lieu et les conditions. Pourvu qu'elle ne restât pas des mois entiers dépendante de tel ou tel qui devrait la soigner. La mort serait peut-être même, sinon plus douce, du moins plus sûre en voyage : on n'avait pas forcément à portée de main un de ces hôpitaux où l'on s'acharne à vous faire survivre.
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M. Yourcenar : quand je songe qu'il y a deux ou trois ânes
qui se sont imaginé avoir reconstitué la vie de Rimbaud
d'après sa correspondance ...
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'' J'ai tenté d'accroître en maints endroits la part de réalisme, ailleurs, celle de la poésie, ce qui finalement est ou devrait être la même chose'' M.Y. Préface de ''Denier du rêve''
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'' En ce qui concerne l'amour, je ne suis pas sure que la glorification du ''couple'' en tant que tel soit la meilleure manière de nous débarrasser de nos erreurs et de nos fautes; tant d'agressivité, tant d'égoïsme à deux, tant d'exclusion du reste du monde, tant d'insistance sur le droit de propriété exclusif d'un autre être sont entrés dans cette notion : peut-être avons-nous à la purifier avant de la resacraliser... C'est toute la chair, d'ailleurs que nous devrions tenir pour sacrée, ne serait-ce que pour la rapprocher d'avantage de l'esprit dont elle est soeur, et une telle attitude finirait peut-être par diminuer le mauvais usage et l'abus. Il y a des moments où, sociologiquement parlant, et sans paradoxe, je trouve regrettable que la prostitution ait cessé d'être sacrée depuis plus de deux milles ans. La servante des temples avait ses privilèges et ses vertus, que nous avons enlevés à la fille à la carte. ''
M.Y. Lettre à Suzanne Lilar, du 19 mai 1963, correspondance inédite
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Edmond Jaloux, 26 avril 1929, critique influent des Nouvelles Littéraires, ... : '' Je ne connaissais Mme M. Y. que par ... Diagnostic de l'Europe, étude assez pessimiste ... Mais Mme M. Y. , après avoir révélé la gravité de l'état de l'Europe, ne nous montrait pas moins le charme de cet état; ainsi, les Japonais, dit-on, mangent des poissons à peu près vivants, afin de voir leur agonie se parer devant eux des plus belles couleurs. L'Europe, pour Mme Y. , montre de même je ne sais quelle riche phosphorescence qui la charme et qui est déjà la parure de la décomposition. ''
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À Matthieu Galey : '' Je souffre de voir les villes polluées, le bord de mer inondé d'huile, de moins en moins d'espèces animales. (...) quand on remplace les arbres par des pylônes, on voit un monde qui meurt. Alors je tâche de lutter par toutes sortes de moyens légaux, en assistant les gens qui tentent de protester. (...) J'écris, j'envoie des télégrammes (...) Ce n'est pas simplement en affirmant ses opinions, c'est en montrant un certain angle de vue, une certaine image du monde qu'un écrivain peut se manifester. ''
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''Que nous soyons heureux ou non n'a au fond pas d' importance, et c'est l'immense victoire du bouddhisme que d'avoir senti que la libération elle-même n'en a pas, et que de ne pas en avoir est peut-être sa secrète condition pour être.''
Marguerite Yourcenar, Lettre à Gabriel Germain, du 13 juin 1969, correspondance inédite
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'' En général, je crois qu'il est extrêmement important que l'écrivain, tout en s'alignant le plus souvent possible sur la ligne de l'usage, garde la liberté de s'en écarter volontairement là où il croit indispensable de le faire. C'est ainsi que je tiens à garder ''après midi '' au féminin, (...) à retenir l'ancienne orthographe de ''payment, lys, frayer, essayer'' (...) Tout cela est très sérieux, parcequ'une des raisons d'être de l'écrivain est de lutter contre un certain conformisme superficiel du langage, qui, accepté comme un article de foi, va à l'encontre des lois plus subtiles ou plus complexes, et tend, sous prétexte d'uniformiser, à appauvrir finalement le français.''
lettre de M.Y. à Mme Horast, 17 janvier 1957, archives Plon
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Josyane Savigneau
Elle se promène à travers le monde pour voir si la réalité ressemble à ce qu’elle en a imaginé.
(Josyane Savigneau. Marguerite Yourcenar, l’invention d’une vie.)

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Je pensais ne jamais écrire de livre. Je jugeais même malsain, déplacé, que les journalistes écrivent des livres. Je n’ai jamais été avare de contradictions… C’est peut-être ce qui m’a sauvée, et me sauve.
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Solitude... Je ne crois pas comme ils croient, je ne vis pas comme ils vivent, je n'aime pas comme ils aiment... Je mourrais comme ils meurent.
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Josyane Savigneau
Jacqueline Risset, la joueuse

Jacqueline Risset est un personnage assez énigmatique, qui a gardé dans son allure une singulière jeunesse et dans le regard un air d’enfance rêveuse. Rien d’étonnant alors à ce qu’elle ait choisi, avec Les Instants les éclairs, son univers onirique pour la guider dans un étrange récit, une autobiographie décalée, fragmentée, un texte cependant très construit, mêlant les rêves et la mémoire de moments réels. « J’aime l’effervescence intellectuelle du rêve », dit-elle, silhouette frêle dans le bureau majestueux et froid qui fut celui de Claude Gallimard et que personne n’occupe aujourd’hui dans la maison d’édition. « Le sujet des instants a toujours été pour moi une préoccupation continuelle. Dans ma vie, c’est le plus central. Des choses qui passent très vite, mais arrachent à la continuité et à la banalité de l’existence et qui, finalement, la justifient. Les coups de foudre, les instants quasi mystiques, les rêves qui découpent des images, et dont la puissance traverse le sommeil. Et, quand on se réveille, une intensité incomparable. »

Elle a mis longtemps à se décider à écrire ce livre, et elle l’a abandonné et repris pendant de nombreuses années, « peut-être dix ans en tout ». « Jusque-là, je pensais que c’était la poésie qui permettait le mieux de dire l’instant. Comme la perle dans une huître. Jusqu’à ce que je comprenne que, pour décrire les instants, j’avais besoin de continuité. » Une sorte d’accomplissement, après un long chemin.

Poète, traductrice, essayiste — on relira avec bonheur son Fellini. Le Cheik blanc. L’annonce faite à Federico (Adam Biro, 1990) ou Puissances du sommeil (Seuil, 1997) qui déjà, fait place aux rêves —, elle partage son temps, depuis quelque cinquante ans, entre Rome, où elle enseigne la littérature comparée à l’université, et Paris. Elle passe plus de temps à Rome qu’à Paris, et c’est sans doute pourquoi elle est peu connue du grand public français. On lui demande souvent : « Pourquoi l’Italie ? » Au départ un peu par hasard, puis par désir. Élève de l’École normale supérieure au tout début des années 1960, elle n’avait guère envie de prendre le chemin de la plupart de ses condisciples : « Me marier avec un normalien, aller enseigner avec lui dans une petite ville puis, d’année en année, tenter de me rapprocher de la grande ville. » Elle a donc décidé d’étudier l’italien, ce que quasiment personne ne faisait alors à l’ENS, ce qui lui a permis d’obtenir une bourse de deux ans pendant lesquels elle a coupé tout contact avec la France, s’est immergée dans Rome, qui l’éblouissait, qui lui transfusait de l’énergie. Le contraire d’un exil, une renaissance.

Puis elle s’est liée avec le groupe Tel Quel — elle a été membre du comité de rédaction de la revue à partir de 1967 — et est revenue vers Paris, sans jamais quitter Rome. Et elle a commencé à publier — Jeu (Seuil, « Tel Quel », 1971), un titre qui lui va bien — et à s’intéresser à la traduction, dès 1978, avec La traduction commence (Christian Bourgois). Avant de s’atteler à celle, magistrale, de La Divine Comédie, de Dante, qui lui a pris une dizaine d’années et qui a été publiée chez Flammarion en 1985 — L’Enfer —, 1988 — Le Purgatoire —, 1990 — Le Paradis. « Ce travail a duré très longtemps, car je travaillais surtout en été, dit-elle aujourd’hui. On ne peut pas traduire un tel texte par petits morceaux, il faut prendre le temps, entrer dans le rythme, s’y consacrer totalement. » Avant de s’intéresser à Dante, elle travaillait sur Pétrarque. Mais elle était fascinée par le fait qu’on ne connaisse aucun manuscrit de la main de Dante. « Pas un seul mot. » La Divine Comédie a été publiée d’après les versions de divers copistes. « On ne sait même pas qui est le premier copiste, et chacun introduisait des modifications. »

Le texte tel qu’il était alors, « et cette vision de Dante en père de la patrie, source de proverbes », ne séduisait pas totalement Jacqueline Risset. Tout a changé avec sa découverte de l’édition critique italienne de La Divine Comédie, publiée par un universitaire spécialiste de Dante, Giorgio Petrocchi (1921-1989), en quatre volumes, en 1966 et 1967. Il avait repris les textes des plus anciens copistes, comparé les variantes et donné « une édition plus âpre » qu’elle trouvait plus juste, plus proche de la vision qu’elle avait de Dante. Estimant qu’il était dommage que ses compatriotes français ne bénéficient pas de cette découverte, Jacqueline Risset a décidé de se risquer à une traduction qui, désormais, fait autorité. « Je pensais pourtant que c’était impossible à traduire, mais j’ai voulu essayer, et je me suis prise au jeu. Souvent, pendant que je traduisais, j’aurais aimé que Dante m’envoie un rêve, qu’il me dise où l’on pouvait trouver un manuscrit de lui. »

Vivre à Rome, la plupart du temps, traduire de l’italien, parler italien, rêver en italien... Comment alors continuer à écrire en français ? Il faut beaucoup lire en français, ne pas se formaliser de ne pas comprendre quelques expressions à la mode, nécessairement éphémères, et garder le bonheur d’« une langue qui résiste bien ». Ce qui n’exclut pas quelques livres en italien, dont un sur Fellini, L’Incantatore (Scheiwiller, 1994), des poèmes, des articles. Mais certainement pas une autobiographie, fût-elle abusive, poétique, refusant la linéarité. « Ce livre, pour moi, ne pouvait se penser qu’en français. »

Les Instants les éclairs en dit beaucoup sur cette femme discrète, qui affirme découvrir ce qu’elle pense en écrivant. Mais il est aussi, pour le lecteur, une invitation à rêver, et à reconsidérer sa propre vie, son identité. « L’identité (féminine ou autre), n’était pas liée pour moi aux strates les plus profondes, écrit Jacqueline Risset, celles où se jouent l’illumination secrète, le sentiment d’élection. Il ne m’importait pas vraiment non plus, me semble-t-il, d’accéder un jour à ce titre, d’homme, ou femme, ou chose, "illustre". Simplement de me reconnaître dans ce geste, dans cet instant qui arrête et suspend le cours, le temps, la pente. »

Il faut savoir transfigurer son existence, sinon elle n’est pas vivable. Il faut affirmer sa singularité. Comme le fait Jacqueline Risset dans une très belle variation sur « le je » — qui « accueille tout ce qui passe » —, « le tu » — « l’appel, l’aimé, l’aimée par excellence », « le tu et le vous » — « passage rare, surprenant et précieux » du « tu » au « vous » —, enfin « le nous » qui « sent dans la plupart des cas l’artificiel et le forcé ». En la lisant, on est préservé du « nous ». En la rencontrant, on est délivré de la peur de vieillir. On la fait reparler du bonheur et de la joie, le bonheur qu’on peut retenir, à défaut de pouvoir le décider, et la joie qui surgit, s’élève comme une flamme « tout à coup et reliée à rien ».

On sait qu’on retournera souvent à ce livre, pas seulement pour redécouvrir, à chaque fois différemment, Jacqueline Risset, pour tenter de cerner son étrangeté d’enfant solitaire, « occupée par des impressions et des pensées compliquées et peu communicables », et pour qui les adultes, même si elle les aimait, comme ses parents, étaient « des êtres qui avaient cédé, qui avaient renoncé — à quoi ? À la souveraineté de l’enfance ». On lit aussi Les Instants les éclairs pour se retrouver soi-même, même si on n’a pas, comme elle, la chance de se souvenir de tous ses rêves et de pouvoir en dire la poésie. Maintenant que le texte est fini, longtemps après la décision de l’écrire, Jacqueline Risset dit qu’elle a envie de continuer. On espère qu’elle n’attendra pas dix années encore.

Josyane Savigneau, Le Monde des Livres du 7 mars 2014.
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Ma passion de l’info, c’est sûr. Je l’ai toujours vu arriver, à l’heure du déjeuner, le journal local à la main. Au début de la guerre d’Algérie, qu’on appelait « les événements », il était rivé au poste de radio – disait-on encore TSF ? Peut-être bien. Il m’imposait de me taire et d’écouter, il insistait pour me faire comprendre la gravité de la situation. Il a applaudi au retour du général de Gaulle, qui avait été son héros quand il rêvait de s’évader de son camp de prisonniers et de rejoindre Londres. C’est mon premier vrai souvenir politique. Mon premier article, ma première « brève », je l’ai écrite sur mon cahier, à l’encre violette : « Le général de Gaulle revient au pouvoir. Va-t-il remplacer le président Coty ? » Il me semblait vaguement que c’était un retour au pouvoir dramatique, que certains ne partageaient pas la vision de De Gaulle en sauveur, celle de mon père.
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Un vieil homme… il avait cinquante-neuf ans. Et était bel homme, comme on le dit encore parfois. Mais j’étais convaincue que je ne le verrais pas vieillir. Je lirais ses livres, qui eux ne vieillissent pas. Je ne le reverrais pas. Je n’ai pas tenu parole, loin de là ; toutefois, il a fallu un certain temps et quelques autres péripéties pour que je change d’avis et ne m’en tienne pas à mes lectures et à ma défense de son œuvre dans Le Monde, en dépit de ce qu’il venait de me dire sur les journaux : « La presse ? Soyons réalistes. Sur trente articles, vingt-cinq n’ont rien à voir avec une quelconque critique. Les cinq autres sont seulement convenables, qu’ils disent, ou non, du bien du livre. Je pense que tous les écrivains, partout, peuvent faire la même analyse, et que la critique a, partout, à peu près la même fonction : l’histoire de la critique journalistique n’est guère brillante, où que ce soit, n’est-ce pas ? »
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dans "Les Mémoires d'Hadrien", Marguerite Yourcenar montrait un homme exceptionnel, d'une intelligence et d'une culture rares, dont l'essentiel de la vie fut sa passion pour le jeune Antinous.
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Son premier roman, paru en 1940 elle avait vingt-trois ans -, la fit célébrer comme l'enfant prodige de la littérature américaine. Ses liens d'amitié avec Tennessee Williams ou Henry Miller, les rumeurs sur son homosexualité en firent la cible des ligues de vertu. Son mariage, son divorce, son remariage avec Reeves héros du Débarquement et écrivain raté - creusèrent dans sa vie un sillon de désespoir. Ses pièces triomphaient à Broadway tandis qu'elle s'enfonçait lentement dans la maladie et l'alcool... Au-delà d'une vie de légende, Carson McCullers apparaît aujourd'hui comme ce qu'elle est : une des voix les plus bouleversantes du roman américain, hantée par la solitude et l'enfance ; un grand écrivain souvent mal compris qui conserva jusqu'au bout son coeur de jeune fille.
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Josyane Savigneau
Ce que représente une voix qu’on entend tous les jours et qui soudain se tait ? Le moment n’est pas venu de le dire. Alors parlons de Sollers qui, lui, est toujours là. Je l’ai lu bien avant de le rencontrer. A la fac, au tout début des années 1970, mes condisciples, qu’on n’appelait pas encore « branchés », étaient des Telqueliens fanatiques. Moi, Sollers en pape de l’avant-garde, ça me laissait un peu froide. Mais je leur disais : « c’est un très grand écrivain ». Sacrilège ! le roman est mort, il n’écrira plus jamais de fiction. Ils négligeaient Lois (1972) que je lisais et relisais, sans tout comprendre, et que je viens de rouvrir. « Lui nommé ainsi par nécessité leur rendant ainsi leur force mort-née… ». « Les femmes se branlent fondamentalement à partir des morts, leur salive est donc plus acide ». Une phrase qui tombe à pic ces jours-ci.

L’année suivante H, j’étais loin… New York, et je ne l’ai lu qu’à mon retour deux ans plus tard. La fac était déjà oubliée et je me mettais en route pour un tout autre métier.

Avec Paradis, j’ai su que j’avais eu raison contre les fameux Telqueliens ne croyant pas à la fiction. Chef d’œuvre. « Pauvres femmes au contraire on les plaint on leur veut du bien obligées de faire semblant d’être folles de tourner enfin pigeon vole d’être ligotées dans l’ovol c’est pas qu’on les aime c’est pas qu’on les aime pas on les voit on les étudie, leur courage, leur ténacité leur sens des réalités bien comptées leur sinistre nécessité leur sublime animosité ».

Quand est arrivé Femmes, je venais de quitter les faits divers et les cours d’assises pour venir au « Monde des livres ». Bien trop craintive pour rappeler cette phrase à ceux que j’entendais dire qu’il avait trahi l’avant-garde, qu’il était « tombé » dans le « roman-roman » ou qui cherchaient « les clés », les descriptions de personnages connus, pour s’en indigner. Bien trop « petite » pour écrire sur lui. Sollers avait oublié que, dans le concert de critiques infectes, il y avait eu dans Le Monde un magnifique papier de Jacqueline Piatier. Il en est convenu quand il a été republié, il y a quelques années.

Ensuite… c’est une trop longue histoire. En 1987, juste avant qu’il ne commence à écrire régulièrement dans Le Monde des livres, j’ai fait avec bonheur une « une » sur Les Folies françaises, titrée « Sollers d’été, Sollers d’hiver ». Roman pour moi toujours magique. Puis je me suis interdit d’écrire sur ses livres. Sauf en 1993, quand, au Monde, on l’a exigé, comme une réponse aux calomnies qui avaient cours.

Celui que je lis, relis et relirai ? Passion fixe. Parce que Dora n’est pas Dominique, mais est aussi, et d’abord, Dominique et son magnifique « rire de gorge ». « Je la regarde. La beauté, en réalité, est une bonté vive, profonde, tendue comme il faut, marquée par la douleur. Beauté : bonté avertie. Laideur : ignorance haineuse. La beauté est l’intelligence du mal, la laideur la bêtise d’un faux bien menteur ».

Me revient la dernière phrase de l’autre Philip, Roth, mon « huger », comme Sollers le surnommait, dans Patrimoine : « On ne doit rien oublier ».

Alors, Agent secret : « Contrairement aux apparences, je suis plutôt un homme sauvage, fleurs, papillons, arbres, îles ». La comédie sociale, qui a déjà commencé autour de son cadavre, ne pourra rien effacer.
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